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DIEU

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dans la créature, l’immatérialilé (concept négatif) est la raison de l’intelligence (concept positif analogique) qui a pour conséquence la volonté et la volonté libre (concepts positifs analogiques), de même proportionnellement en Dieu, l’immatérialité absolue est raison de l’intelligence omnisciente (I », q. 14. a. i), qui a pour conséquence la volonté absolument libre (I=>, q. 19, a. I, 2. 3). — Nous avons montré dans Ae Sens commun, la PhUosoph’te de lEtre et les formules dogmatiques, p. l4"--- qu’il n’y a pas deux inconnues dans chacune de ses proportions ; il y a deux termes créés connus directement, un terme incréé connu indirectement, d’où l’on infère le quatrième terme ([ui était jusque-là inconnu.

Jean de Saint-Thomas (Cursus Phil., Logica, q. 13, a. 5) exprime en une fornmle très nette cet enseignement d’Arislote, de S. Thomas, de Cajetan, et des thomistes en général, sur l’analogie : « L’analogue de proportionnalité qui convient intrinsèquement aux analogues s’exprime en un concept un, inadéquat et imparfait. En etfet ce concept n’abstrait pas des analogues en ce sens qu’il contiendrait seulement en puissance et non pas en acte ce qui différencie les analogues, mais en ce sens qu’il n’explicite pas ces différences, bien qu’il les contienne actuellement. » Ce qui revient à dire avec Aristote : l’être n’admet pas de différences qui lui soient extrinsècpies, aussi ne peut-on l’abstraire parfaitement de ses différences, comme un genre s’abstrait parfaitement de ses espèces (cf. col. joô^).

Parce qu’il a foncièrement distingué l’analogue d’un genre, S. Thomas tient une position intermédiaire entre l’agnosticisme de Maimonide et des nominalistes, repris par les modernistes, et le réalisme exagéré d’un Gilbert de la Force qui reparaîtra chez des ontologistcs comme Rosmini, cf. BiLLUART, t. I, p. 51-62. — Ces deux opinions extrêmes proA’iennent l’une et l’autre de ce f(ue l’analogue est conçu uni"oquemcnt ; dès lors, s’il est formellement en Dieu, il pose en lui une distinction réelle (Gilbert de la Porée), ou s’il ne pose pas en Dieu cette distinction, c’est qu’il n’est pas formellement en lui (Maimonide) (cf. Le Sens commun…, p. 308).

A la suite de Scot, Suarez (Disput. Metaph., Disp. 2, secl. I, n"^ 9, sect. ir, n » 13, 21, 36), paraît avoir méconnu la distinction profonde qui sépare l’analogue de l’nnivoque ; il sendde devoir en venir logiquement à dire que l’être est diversifié comme un genre par des différences extrinsèques ; on ne voit plus alors comment ces différences peuvent être encore de l’être, et les arguments de Paruiénide contre la multii)licité reviennent avec toute leur force : si les différenciations des êtres ne sont pas elles-mêmes de l’être, la multiplicité des êtres est illusoire, tout est un. Il n’j- a à cet argument qu’une réponse : l’être n’est pas un univoquc, uiaisun analogue qui contient implicitenu’nt ses différences (I Met., c. 5. Comm. de S. Thomas, leç. 9 et XIII Met., c. 2). Cette thèse logique est d’ailleurs en i-apport très intime avec la thèse de la distinction réelle entre essence et existence, qui résout le même argument de Parménide au point de vue métaphysique. Cf. plus haut, col. 997. — (Sur cette opposition entre Suarez et S. Thomas, cf. Suarez métaphysicien et théologien, par l’abbé A. Martin, Science catholique, juillet et sept. 1898.) Sur l’attribution à S. Thomas de la thèse de la distinction réelle, et sur l’importance de cette doctrine dans la synthèse thouuste, nous sommes obligés de nous séparer absolument de M. Ciiossat (/>/</. de Théol. cathol., art. Dieu, col. 889 et 890). Cf. la distinction réelle entre essence et existence et le principe d’identité, GKiKTMv.ov-hxcfwscK, Hevucdes Sciences phil. et théol., avril 1909.

17° Cette connaissance analogique va nous permettre d’atteindre l’existence de Dieu et quelque chose de l’essence, non pas d atteindre quidditativement l’essence, c’est-à-dire la Déité dans ce qui la constitue en propre.

— On prévoit que, par cette connaissance analogi ([ue. nous ne pourrons atteindre l’essence divine telle qu’elle est en soi (prout est in se) ; nous ne pourrons pas non plus la définir positivement par une définition proprement dite ; nous atteindrons cependant l’existence de Dieu et quelque chose de l’essence. — C’est l’enseignement commun dans l’Ecole, S.Thomas, Summ. Theol, /", q. J2, a. IQ ; q. 13, a. 1 ; q. 88, a. 3, et Cajet., loc. cit., Scot, in 1, dist. 3, q. 1, Capreolus, lute in I, d. 2, q. t, a. 1, a concl. 4 usque ad 8. — A la vérité, comme le remarque Cajetan, in ^>ra, q. 88, n. 3, § Ad-erte, les scotisles et les anciens thomistes s’exprimaient un peu difïéremment sur ce point, Scot et son école admettaient que nous pouvons acquérir naturellement une connaissance quidditative de Dieu, les thomistes le niaient et soutenaient que nous ne pouvons savoir naturellement ce qu^est Dieu (quid est), mais seulement qu’il est (quia est) et ce qu’il n’est pas (quid non est). Mais, dit Cajetan, ici même et in De Enle et Essentia, c. vr, quæst. i^, il n’y a là qu’une divergence dans la manière de parler. « Il faut, dit-il, distinguer : connaître une essence (cognoscere quidditatein) et la connaître quidditati^"ement (cognoscere quidditative). Pour connaître une essence, il suffit d’en saisir un des prédicats essentiels, par exemple un iirédicat générique ; — pour la connaître quidditativement. il faut en saisir tous les prédicats essentiels jusqu’à la différence ultime. Cette distinction admise, il faut allirmer que nous pouvons connaître naturellement la quiddité divine, et c’est ce que voulait dire Scot, mais que nous ne pouvons la connaître quidditativement, et c’est ce que voulaient dire les anciens thomistes ». Cognoscere Deum quidditative est l’équivalent de cognoscere Deum prout est in se, cette connaissance exige Vélés’ation à l’ordre surnaturel. La raison, par ses seules forces, ne peut savoir ce qu’est en soi la Déité, en laquelle s’identifient les perfections ahsolues ; elle ne peut atteindre que les prédicats analogiques communs à Dieu et aux créatures (être, acte, un, vrai, bon, etc.). Cette connaissance ex communihus était appelée par Aristote connaissance quia est (Post. Anal., 1. II, c. 8, Comm. de saint Thomas, leç. y) et c’est pourquoi les anciens thomistes disaient que nous pouvons seuleuient connaître de Dieu quia est, ce qui n’était évidemment pas restreindre la théodicée à la seule affirmation de l’existence de Dieu.

Cette conclusion formulée par Cajetan, admise par Slarez (Disput. Met., disp. xxx, sect. 12) et unaniuiemenl reçiu> chez les scolasti([ues(cf. Chossat, art. AciNosTicisME, col. 58 à 62), est facile à établir.

— Du fait que nous ne pouvons naturellement connaître Dieu que par des effets dont la perfection est nécessairement inadéquate à la perfection divine (I", q. 12, a. 12), nous ne pouvons affirmer que trois choses : i" que ces cfTets requièrent nécessairement l’existence d’une cause première <pii existe par soi ; 2" que tout ce (lu’il y a de perfection dans les effets doit préexister dans la cause ; 3" que les perfections dont la raison formelle n’inqilique pas d’imperfection, c’est-à-dire dont la raison formelle abstrait du mode créé lequel est essentiellement iin[)arfait, doivent exister en Dieu selon un mode divin. Nous dirons même que ces perfections absolues (être, vérité, bonté, intelligence, liberté, justice, miséricorde) ne sont a l’état pur qu’en Dieu ( « JS’emo honus nisi solus Deus », Luc. xviii, 19), partout ailleurs elles sont mêlées d’imperfection ; nous les attribuerons donc formaliter