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DIEU

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et janvier 1909), Si donc nous établissons que Dieu est par lui-même la plénitude de l’être, et par là en possession du l>ien absolu, il faudra conclure que la création n’ajoute rien à sa perfection ; il convient cependant (raison relativement et non absolument sullisante) que le Souverain Bien se communique avec la plus absolue liberté (S. Thomas, Summa TheoL.q. 19, a. 3, et comment, de Cajetan).

La quatrième antinomie kantienne pose ti-ès bien le problème de Dieu, et nous montre la nécessité, pour le résoudre, de distinguer très nettement l’ordre intelligible et Tordre sensible, la métapliysique et la science. Dans cette antinomie, comme d’ailleurs dans les précédentes, la thèse représente la doctrine communément admise par les métaphysiciens dogmatiques, et l’antithèse la solution généralement adoptée par l’empirisme. — Suivant la thèse, il existe soit dans le monde, soit par delà, nnêtre nécessaire, cause absolue de l’univers. La preuve en est qu’il y a dans le monde sensible une série de changements. Or, tout changement, pour se produire, suppose une série complète de causes ou conditions, jusqu’à l’inconditionné absolu qui seul est nécessaire. — Suivant l’antithèse, il n’y a d’être nécessaire ni dans l’univers, comme partie intégrante du cosmos, ni au delà, comme cause du monde. En effet, s’il y a dans le monde un être nécessaire qui en fasse partie, il ne peut se concevoir que sous deux formes : ou 1° il se trouve au commencement du monde, alors il serait un commencement absolu, sans cause, ce qui est contraire à la loi dynamique de la détermination de tout phénomène dans le temps ; ou 2° il coïncide avec la série totale des phénomènes, comme le disent les panthéistes, mais une somme d’êtres relatifs et contingents ne constitue pas plus un être nécessaire et absolu que cent mille idiots ne constituent un homme intelligent. Donc rien de nécessaire dans le monde. Ce ne peut être non plus au delà de l’univers qu’existe une cause nécessaire. Pour produire les changements qui commencent dans le monde, il faiulrait qu’elle-même commençât à agir, et sa causalité rentrerait dans le temps, et par conséquent dans l’ensemble des phénomènes ou dans le monde. — C’est dire que la cause première ne peut être conçue ni sous la forme de l’immanence, ni sous celle de la transcendance. Par où l’on voit, selon Kant, que la catégorie de causalité n’a de signilication et d’usage que vis-à-vis des phénomènes, et ne peut nous permettre de les dépasser. — Cette difliculté a été reprise, nous l’avons vu, col. 972, par les empiristes : « L’absolu en tant fju’absolu, dit Spexcer, ne peut être cause. Si vous dites qu’il existait d abord par bu-même et qu’ensuite il devient cause, on se heurte à une nouvelle diflicullé : l’infini ne peut devenir ce qu’il n’était pas d’abord. Si l’on répond qu’il le peut parce qu’il est libre, on tombe dans une nouvelle contradiction : la liberté suppose la conscience, et la conscience, n’étant concevable que comme une relation, ne peut se trouver <lans l’absolu. » C’est dire que nos idées de cause, d’intelligence, de liberté n’ont pas de valeur transcendante.

On sait comment Kant résout cette quatrième antinomie, ainsi que la i)réccdente, par la distinction du monde sensible ou phénoménal et du monde intelligible ou nouménal. En cela il se souvient de la niétaphysique traditionnelle. L’antithèse (enqjiriste) est vraie ilu monde sensible, il n’y a pas en lui d’être nécessaire, et le point de vue enqiirique ne permet pas de s’élever à une cause première, non causée. En cela notis sommes d’accord avec Kant. Quant à la thèse (métaphysique dogmatique) en tant qu’elle admet une cause nécessaire en deliors de la série des êtres sensibles, dans l’ordre intelligible ou nouménal, elle

n’a rien, dit-il, de contradictoire. La cause première peut donc être tenue pour possible. Est-elle réelle ? Selon Kant, cette existence ne peut être afhrmée que par un acte de foi morale. Dieu est postulé par la raison pratique comme garantie suprême de l’ordre moral et du triomphe définitif du bien, la théologie rationnelle est ainsi subordonnée à la morale indépendante. Pour ce qui est des preuves de la théologie rationnelle classique, Kant se réserve d’établir en détail leur insuflisance en montrant qu’elles sont viciées par l’illusion transcendantale qui se cache dans l’argument de S. Anselme. La raison (Vernunft) ne peut prétendre avec la causalité, qui n’est qu’une catégorie de l’entendement (Verstand), dépasser l’ordre des phénomènes.

Nous verrons, par l’exposé des preuves classiques, que notre concept de causalité, défini non pas en fonction des pliénomènes, comme le fait Kant, mais en fonction de l’c/re (causalité = réalisation de ce qui est sans être par soi), va nous permettre d’établir l’existence du premier être ou de la cause première, et de répondre aux objections formulées par Kant contre chacune des preuves traditionnelles. Il sutTit pour l’instant 1° de faire voir la fausseté de la distinction kantienne entre l’entendement et la raison, 2° d’établir le fondement de la valeur analogique des notions métaphysiques à l’égard de Dieu.

En montrant que dans chacune de ses trois opérations (conception, jugement, raisonnement) l’intelligence a pour objet formel l’être, nous avons suffisamment montré la fausseté de la distinction kantienne entre la raison (Vernunft) et Ventendement (Verstand). La seule distinction que nous puissions admettre dans l’intelligence par rapport au sensible et à l’intelligilde est celle des trois degrés d’al)straction (Aris-TOTR, Metaph., 1. X, c. 3 ; S. Thomas, Snp. Boetium de Trinitate, q. 5, a. i ; Jeax de S. Thomas, Cursus Phil., Logica, q. 27, a. i. De distinctione scientiaruni ; Z10LIARA, Summa Phil., t. I, p. 296-302). Le <"^ degré abstrait seulement de la matière individuelle ; c’est celui des sciences expérimentales, le chimiste n’étudie pas telle molécule d’eau, mais la molécule d’eau. Le 2’degré abstrait de toute matière sensible, c’est-à-dire des qualités sensibles, mais non pas de la quantité ; c’est celui desmathématiques.Le3’degré abstrait de toute matière (de l’espace et du temps) pour ne considérer que l’être en tant qu’être et ses lois ; c’est celui de la métaphysique. Ce 3* degré n’est pas sans rapports avec ce (p^ie Kant appelle la raison (qui s’efforce d’atteindre le pur intelligible) ; mais l’intuition abstractive du S’degré, pour être vide de tout contenu sensible, n’est pas vide de tout contenu réel, comme le prétend Kant. Elle atteint au contraire l’être qui domine, transcende toutes les catégories oti prédicaments ou genres suprêmes, elle atteint aussi tout ce qui se définit par un rapport immédiat à l’être et abstrait comme l’être de toute matière, de l’espace et du temps, c’est : 1° les divisions premières de l’être en puissance et acte, essence et existence ; 2" les propriétés transcendantales de l’être : l’unité, la vérité, la bonté, et par conséquent l’intelligence (relation vivante à rètre). la volonté libre (relation vivante au bien) ; 3" les quatre causes conçues en fonction de la division de l’être en puissance et acte.

— Kant ef Spencer n’ont pas su voir en quoi la raison formelle de causalité transcende le temps comme l’espace, et peut avoir pour mesure l’immobile éternité.

iV Le fondement négatif de la valeur transcendante de la notion de cause (et des autres notions appliquées à Dieu) : ces notions, au moins par leur raison formelle, ne sont pas dans un genre, mais sont transcendantales (à