Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/508

Cette page n’a pas encore été corrigée

999

DIEU

1000

actiim. La puissance est pour l’acte, c’est la plus liante formule du principe de iinalité. Le mot pour a un sens non seulement lorsqu’il s’ajjit de l’activité humaine qui a une On connue et voulue, mais lorsqu’il s’agit de n’importe quelle activité. Tandis qvie la cause eiliciente est la raison d’être réalisatrice (pur exercice qui aboutit à la pure existence), la cause ûnale est la raison d’être spécilicatrice (qui détermine la puissance et le devenir à être tel ou tel). Les yeux sont faits pour voir et non pour entendre. Le principe de finalité est donc analytique (au sens aristotélicien), comme le principe de causalité.

La rencontre de deux agents peut être fortuite, mais l’action propre de chacun des deux agents a nécessairement une lin. Certains (par ex. P. Jaxet, Les causes finales) ont pensé que la connaissance de la valeur absolue du principe de Iinalité suppose celle de l’existence de Dieu, cause intelligente du monde ; ils retiennent l’argument de l’ordre du monde comme preuve populaire, mais rejettent toute preuve de l’existence de Dieu par la finalité interne (fondée sur le principe : un désir naturel ne peut être vain) comme impliquant une pétition de principe. — Nous venons de voir que le principe de Iinalité est au contraire un principe analytique (cf. sur ce point col. 1070 les citations du P. Garokil, O.P., de Hartmann, JouFFROY, Ravaisso.v et M. Lachelier). Non seulement il est évident de soi, antérieurement à toute connaissance de l’existence de Dieu, que tout agent agit pour une liii, mais on peut encore établir que cette lin doit être connue sub raiione finis par cet agent ou par un autre : un moyen ne peut en effet être ordonné à une lin que par une intelligence, car seule une intelligence peut saisir ce rapport, cette raison d’être (ohjecium intellectus est ensi, et ramener le moyen et la fin à l’unité d’une même conception. Et si l’intelligence, pure relation transcendantale à l’être, n’implique pas plus que l’être imperfection, on pourra et on devra l’attribuer analogiquement à la cause première. Ce sera le principe de la preuve par l’ordre du monde (cf. col. 1070).

Tels sont les principes métaphysiques des preuves de l’existence de Dieu : par delà l’objet de l’intuition sensible, l’intuition abstractive de l’intelligence atteint l’être et ses principes premiers, qu’elle rattache tous au principe d’identité qui énonce ce qui convient premièrement à l’être.

Il" Instance idéaliste : on ne peut partir de Vêtre, un au-delà de la pensée est impensable.

— Raisons pour lesquelles la nécessité de partir de l’être s’impose en fait et en droit, antérieurement à toute théorie de la connaissance. — L’idéalisme subjectiviste nous fait ici une dernière dilliculté : vous êtes toujours partis de l’être et non pas de la représentation de l’être, sans vous interroger sur la valeur de cette représentation. « Tout réalisme ontologique est absurde et ruineux, dit M. Le Roy ; un dehors, un au-delà de la pensée est par définition chose absolument impensable. Jamais on ne sortira de cette objection, et il faut conclure, avec toute la philosophie moderne, qu’un certain idéalisme s’impose » (Comment se pose le problème de Dieu, Rev. de Met. et Mor., iuillet iqot p. 488, 495).

A cette difïiculté il faut d’abord répondre qu’elle porte sur le mode selon lequel s’opère le fait de la connaissance, et qu’on ne peut nier un fait sous prétexte qu’on ne saisit pas comment il se produit. La question du quomodo restera toujours plus ou moins obscure, et si pour éviter cette obscurité on nie le fait, on se prépare des contradictions.

Antérieurement donc à toute théorie sur le mode

selon lequel s’opère la connaissance, la nécessité de partir de l’être s’impose en fait et en droit, pour quatre raisons : la i" prise de l’objet connu, la 2" prise de l’idée ou représentation par laquelle on connaît, la 3’prise de l’acte de connaître, la 4^- de l’intelligence qui connaît. — i* liaison prise de l’objet : L’intelligence, de fait, connaît l’être par un acte direct, avant de se connaître elle-même par réflexion, ou de connaître les idées qui rendent possible l’acte direct ; elle connaît la pierre avant de connaître l’idée de la pierre (S. Thomas,.Summ. Theol., I^. q. 85, a. 2). Il est même impossible en soi que l’intelligence se connaisse avant de connaître l’être, car elle devrait se connaître alors qu’elle n’est encore l’intelligence de rien, pure puissance indéterminée. Avant de dire « cogito », il faut nécessairement penser à quelque chose ; impossible de penser à rien. — 2° Raison prise de l’idée ou de la représentation. De fait, la représentation dans l’acte direct fait connaître le représenté, sans être elle-même connue. Et lorsque ensuite par un acte de réflexion nous essayons de connaître la représentation elle-même, il nous est impossible de la définir autrement que par une relation au représenté. Que serait une pensée qui ne serait pas pensée de quelque chose, une expression qui ne serait expression de rien ? Dire que la représentation ne se réfère à rien, c’est dire qu’elle est à la fois et sous le même rapport quelqvie chose de relatif et de non relatif, c’est détruire le concept même de représentation, d’expression, d’idée, comme ce serait détruire le concept d’intelligence que de nier sa relation essentielle à l’être. Une idée ne se réfère pas nécessairement à un être réel actuel, mais au moins à un être réel possible ; elle ne peut se référer au pur néant que si elle implique contradiction, comme le cercle-carré, mais alors ce n’est plus une idée. Kant l’admettait encore en 1763 (cf. col. io55).

— 3° Raison prise de l’acte de connaître. Si l’on refuse de partir de l’être, il est impossible de le rejoindre jamais, et même d’être jamais certain de l’existence de notre propre pensée : en efl"et, l’idéaliste, loin de pouvoir dire : « cogito ergo sum » ne peut même pas dire « cogito », car cogito = ego sum cogiians. Or l’idéaliste ne connaît pas la réalité de son action, mais seulement la représentation qu’il s’en fait ; et connût-il cette réalité par la conscience directe, il ne pourrait être absolument certain qu’elle est bien réelle, car s’il doute de l’objectivité du principe d’identité, de sa valeur comme loi de l’être, si le réel peut être contradictoire en son fond, rien ne l’assure que l’action qu’il tient pour réelle l’est réellement. Si l’être n’est pas l’objet premier et formel de l’intelligence, l’intelligence ne l’atteindra évidemment jamais ; les phénoménistes ont mille fois raison, c’est là une chose jugée. — On pourra encore moins dire « je » ; le « je », en son fond, est fatalement ontologique, il faudra se contenter d’affirmer avec je ne sais plus quel philosophe allemand :

« il pense, comme on dit : il pleut dans mon grenier

y> ; et encore n’est-ce pas certain, car il se pourrait peut-être que l’impersonnelle pensée fût identique en soi à la non-pensée. C’est ainsi que, au xvii « siècle, le Thomiste Goudin, Philosopliia, éd. 1860, t. IV, p. 254, réfutait le « cogito ergo sum » conçu comme premier principe plus certain que le principe objectif de contradiction. Cette argumentation se trouve impliquée dans la réponse qu’AnisTOTE fait aux Sophistes au IV*" (IIP) livre de la Meiaphys., c. l ei b (défense du principe de contradiction). Celui qui refuse de partir de l’être et du premier principe qu’il implique, s’interdit toute affirmation, en quoi diffère-t-il d’une plante, ô, aoio4 /y.p fcUTÔi, il est entièrement privé de connaissance, il