Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

83

ALEXANDRE VI

84

constitutions destinées à réprimer les liérésies de l'époque ; le premier document pontifical établissant la censure des œuvres imprimées est de lui ; il a favorisé l’organisation ou la réforme d’Ordres reli-. gieux fervents. Enfin il s’occupa avec un véritable zèle de l'évangélisation des peuples infidèles que les voyages de Christophe Colomb avaient fait connaître. (Pastoh, Histoire, t. VI, p. 133 sq.)

Le loyal aveu des désordres qui déshonorèrent le pontificat d’Alexandre YI est un devoir pour l’apologiste catholique. De ces désordres on ne saurait tirer aucun argument contre la sainteté de l’Eglise. C’est, en effet, en manquant à toutes les lois de cette Eglise, en oubliant les enseignements de ses conciles et de ses docteurs, qu’un Pape a pu être indigne ; et aucune société ne saurait être rendue solidaire des prévarications de l’un de ses membres. Bien plus, si malgré la corruption de nombre de ses cliefs, l’Eglise du quinzième et du seizième siècle a continué de produire des saints et de convertir à l’Evangile des peuples nouveaux, si elle s’est réformée elle-même avec vigueur et succès, si le siècle, dont les débuts virent les scandales des Borgia s’achève par les mesures réparatrices du concile de Trente, n’est-ce pas qu’il y a dans la société fondée par Jésus-Christ une vertu divine, qui la sauve toujours des infirmités humaines. « L’historien de l’Eglise, écrivait naguère Léon XIII, sera d’autant plus fort j)our faire ressortir son origine divine, supérieure à tout concept d’ordre purement terrestre et naturel, qu’il aura été plus loyal à ne rien dissimuler des épreuves que les fautes de ses enfants, et parfois même de ses ministres, ont fait subir à cette épouse du Christ dans le cours des siècles. » (Lettre au Clergé de France, 8 septembre 1899.)

Bibliographie, — Les constitutions d’Alexandre VI se trouvent au Bullaire romain, tome V, Turin 1860, p. 353 sq. — Les principaux documents sur le Pape et sa cour sont les Diaires de Burchard (éd. Thuasne, Paris 1883) et d’Infessura (Diario délia citta di Borna, dans les Fonti per la storia d’Italia, t. V, Rome 1890).

Tous les travaux précédents se trouvent résumés et complétés dans les tomes V et VI de V Histoire des Papes de L. Pastor (trad. F. Raynaud, Paris 1888 sq.). — Pour certains détails, consulter Gregorovius, Lucrèce Borgia, Paris 1876.

J. DE LA SeRVIÈRE.

II. Les brefs de partage du Nouveau-Monde. —

Il est peu d’actes pontificaux plus discutés que ceux par lesquels Alexandre VI accorda aux rois catholiques Ferdinand et Isabelle, à l’exclusion de tous autres princes chrétiens, une portion du Nouveau-Monde découverte ou à découvrir. Nous exposerons d’abord les faits, et montrerons ensuite comment l’intervention du Pape en cette affaire n’eut rien que de légitime et de salutaire.

Christophe Colomb était revenu, en mars i^qS, de son premier voyage de découvertes, et se préparait à une nouvelle expédition. Le roi Emmanuel de Portugal, bien qu’il eût repoussé les avances de Colomb, prétendit que les terres du Nouveau-Monde devaient lui appartenir, en vertu du traité d’Alcacevas, par leqiel l’Espagne avait accepté un arbitrage de Calixte III, reconnaissant au Portugal le droit exclusif de fonder des colonies et de faire le commerce depuis le cap Bojador jusqu'à l’extrémité méridionale de la Guinée inclusivement (1479)- Ferdinand le Catholique, au lieu d’engager avec son voisin une guerre sanglante, en appela au Pape. Après plusieurs jours de négociations habilement conduites par le Cardinal

espagnol Bernardin Carvajal, Alexandre VI promulgua, les 3 et 4 mai 1^93, trois Constitutions d’une grande importance. La première investit l’Esjiagne

« sous forme de donation, et en posant comme condition la propagation de la foi, du droit de propriété

exclusif sur les îles et territoires découverts ou à découvrir par Christophe Colomb, en tant qu’ils ne sont pas déjà en possession d’une puissance chrétienne » (Pastor, Histoire, t. VI, P- 150). En ces pays, les rois d’Espagne devaient jouir des mêmes droits et privilèges dont jouissaient les rois de Portugal pour leurs possessions d’Afrique occidentale. Le deuxième document énumère et précise ces prérogatives. Le troisième, le plus important des trois, la constitution Inter cetera (4 mai 1493) délimite exactement les domaines d’action de l’Espagne et du Portugal, les sphères d’influence de ces deux pays, comme nous dirions aujourd’hui. Après avoir rappelé les expéditions de Christoplie Colomb,

« homme très digne, très louable, et bien fait pour

de si grandes choses « et décrit, d’après les renseignements qui lui avaient été transmis, les pays découverts, le Pape loue le dessein formé par les rois Ferdinand et Isabelle k de se soumettre, la divine clémence aidant, lejs terres fermes et îles susmentionnées et leurs habitants, et de les convertir à la foi catholique ». Il les exhorte « à amener à la foi catholique les peuples de ces terres et de ces îles, sans que périls ou labeurs les détournent de cette œuvre ». Et pour que les souverains s’acquittent de cette mission

« avec plus de liberté et de courage », il leur «. donne

et assigne de son propre mouvement, sans y être déterminé par leur instance ou celle de tout autre intercédant pour eux, mais de sa pui>e libéralité, par sa science certaine, par la plénitude du pouvoir apostolique… en vertu de l’autorité du Dieu tout-puissant conférée au Pape en la personne du bienheureux Pierre, et de la charge de Vicaire de Jésus-Christ qu’il exerce sur la terre… toutes les îles et terres fermes, découvertes et à découA’rir, à l’occident d’une ligne tracée du pôle Nord au pôle Sud… et passant à cent lieues ouest des îles dites Açores ». Il leur donne ces pays « avec tous les domaines, cités, places fortes, lieux, droits et juridictions qui leur appartiennent ». Les souverains d’Espagne et leurs héritiers sont

« faits, constitués et députés, maîtres de ces terres, 

avec pouvoir, autorité et juridiction, pleine, libre et entière ». Par cet acte cependant, le Pape n’entend pas déroger aux droits « d’un prince chrétien quelconque qui posséderait actuellement les dites îles et terres ». Enfin Ferdinand et Isabelle sont tenus en coiiscience « d’envoyer en ces pays des hommes probes et craignant Dieu, doctes, habiles et experts, pour instruire les naturels dans la foi catholique et les bonnes mœurs ». Tous les autres princes, quelle que soit leur dignité, reçoivent stricte défense, sous peine d’excommunication à encourir ipso facto,

« d’aborder aux terres susmentionnées, pour y faire

le commerce, ou pour toute autre cause », sans la permission spéciale ]des Souverains espagnols ou de leurs successeurs (Bullarium romnnum, t. V, p. '|361-364). Un bref complémentaire, en date du 25 septembre 1493, « statua que les nouvelles découvertes faites au cours d’explorations entreprises dans le sud et vers l’ouest, seraient attribuées aux souverains espagnols » (Pastor, Histoire, t. VI, p. 151). Enfin, l’année suivante, le traité de Tordesillas transféra à deux cent soixante-dix lieues plus à l’ouest la ligne de démarcation créée par le Pape (7 juin

1494) Ces actes d’Alexandre VI, qui devinrent la base de toutes les négociations relatives au partage du Nouveau Monde, ont été attaqués comme lésant à la fois, et le