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DIEU

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fils, du fieii, de l’arrivée à l’existence. La génération passive suppose nécessairement une génération active et ne se produirait pas sans elle ; la réduction passive de l’indétermination à telle détermination, de la puissance àTacte, suppose laction d’unêtre qui réduit progressivement à l’acte. Si, pendant le fieri, cette action s’arrête, le fieri lui-même s’arrête ; si le maçon ne travaille plus, la maison ne se construit plus. — On peut assigner comme cause, non plus nécessaire mais accidentelle, de la génération passive du fils, le gi-andpère. Il n’agit nullement dans la production de ce )ieri, que son fils produit en tant qu’homme et non pas en tant que fils ; le grand-père peut ne plus exister quand son fils engendre ; on dit pourtant qu’il est cause per accidens, parce qu’il a été cause du de>enir de l’engendrant.

On voit par là que la cause nécessaire est toujours supérieure à ses elYets, éqiii’oque, disent les scolastiques et non pas unis’oque (de même espèce que ses efîets). S. TUomas cite souvent comme exemple de cause équivoque le soleil, source de la chaleur nécessaire à la génération des plantes, des animaux et à l’entretien de la vie (lioino et sol générant liomineiu). La chaleur solaire est encore, pour la science moderne, la source de toute énergie à la siu’face de la terre, elle transforme en vapeurs les eaux des mers et des fleuves, et contribue à la formation des nuages, elle produit dans les couches d’air les changements de densité d’où proviennent les Aents ; les végétaux lui empruntent l’énergie nécessaire à la foriuation des substances combustibles, lesquelles alimentent nos machines, ou servent de nourriture aux animaux et permettent leur activité. — Le soleil est ainsi un exemple de cause équivoque, supérieure à ses effets, non seulement productrice, mais conservatrice ; ce n’est cependant pas une cause nécessaire proprement dite, le soleil n’est pas chaud par lui-même, sa chaleur n’est encore qu’une chaleur d’emprunt et peut décroître. — Mais on trouve des exemples de cause nécessaire dans les grands agents physiques comme la chaleur elle-même, l’électricité, le magnétisme, ils produisent des effets qui n’ont pas avec eux une similitude spécifique et dont ils sont la cause propre supérieiu’e, non seulement productrice mais conservatrice ; ainsi la chaleur est la cause de la dilatation des corps, de la fusion des solides, de la vaporisation des liquides ; l’électricité a aussi ses effets propres, mécaniques, calorifiques, lumineux, qui sont comme ses propriétés ad extra.

Cette causalité équivoque est particulièrement manifeste, cela va sans dire, lorsqu’on passe d’un ordre inférieur à un ordre supérieur, par exemple de la matière brute à la vie ; ainsi le vivant transforme des aliments minéraux en substances organiques. De même chez l’animal, le désir, qui a sa cause nécessaire dans le bien délectable perçu, est à son tour cause nécessaire et supérieure du mouvement de l’animal. Dans l’homme, la volonté applique à l’exercice les facultés inférieures et est attirée elle-même par le bien que lui présente l’intelligence ; dans l’activité intellectuelle, la connaissance des principes est cause nécessaire et supérieure de celle des conclusions ; dans l’activité volontaire, la fin ultime est la cause nécessaire et supérieure pour laquelle sont voulus les moyens et les fins intermédiaires. Autant d’exemples de causes équivoques. — Est-il besoin de le remarquer avec Cajf.tan, in I » "", q. 4, a. 3 et aussi q. ^5, a. 5, cette causalité du supérieur sur l’inférieur est la vraie causalité ; la cause univoquc.de même nature que son effet, aussi pauvre et contingente que lui, n’est cause que matériellement et per accidens ; une série de causes univoques n’est en réalité qu’une série d’effets d’une même cause supérieure. Au contraire, la cause

équivoque, qui produit et conserve, mérite le nom de principe, de fondement ; c’est ainsi qu’on parle de la vérité fondamentale de la philosophie, des principes fondamentaux des sciences, du fondement de la morale. S’il est une cause première, elle ne peut évidemment être cause qu’en ce sens profond. L’empii-isme qui ne voit que les causes univoques, matérielles et accidentelles, qui nie la valeur supérieure des principes rationnels, qui supprime tous les fondements (fondement de l’induction, fondement du syllogisme, fondement de la morale, fondement de la société) devra être amené à nier ou tout au moins à ne pas/^ affirmer Dieu. Pour l’empiriste, qui est nécessaire- ^ ment nominaliste, comme pour le simple grammairien, il n’y aura pfis grande dilFérence entre la proposition : >< Dieu est », et cette autre : « Pierre est », et, comme le monde peut se passer de Pierre, il pourra se passer de Dieu.

Allons-nous, tombant dans l’autre extrême, rêve-’nir aux Idées de Platon, aux types suprêmes, aux Mères (Timée). que le mysticisme naturaliste de Goethe ressuscite dans le second Faust ? Admettrons-nous

« l’Homme en soi »’? Nullement. Nous nous expliquerons

sur ce point à propos de la preuve de Dieu par les degrés des êtres ; qu’il suffise de dire pour l’instant : lorsqu’un caractère (comme l’humanité ou l’animalité) i° implique dans son concept des éléments matériels qui peuvent bien être pensés mais non point réalisés sans leurs conditions individuantes, ex. : de la chair et des os (I", q. 84, a.’]. Met., 1. I, leç. it, ib ; 1. VII, leç. 9, 10), 2° constitue un genre ou une espèce déterminés et ne comporte pas le plus et le moins, des degrés divers, il faut conclure qu’il est nécessairement causé en tous les êtres dans lesquels il est susceptible de se réaliser formellement. La cause supérieure qui doit en rendre raison ne peut le contenir que virtuellement ; s’il est formellement en elle, ce ne poun-a jamais être que sous forme d’idée (idée divine). — Lorsque au contraire un caractère (comme l’être, la bonté, l’intelligence…) i » n’implique aucun élément matériel, transcende la matière, l’espace, le temps, toutes les conditions individuantes, 2" est susceptible de se réaliser à des degrés divers, transcende les espèces et les genres, n’implique aucune imperfection, il faudra conclure qu’il n’est pas nécessairement causé en tous les êtres dans lesquels il est susceptible de se réaliser formellement, mais seulement en tous moins un. La cause siipérieure requise possédera ce caractère formellement et aussi à un degré éminent (formaliter eminenter). puisqvi’elle le possédera par elle-même (per se). Elle sera par exemple l’être même, la bonté même, la sagesse même.

C’est ce qui restera du Platonisme dans la théodicée traditionnelle. Cf. S. Thomas, I », q. 6, a. 4 ; q- 65, a. I (Cajetan) ; q. io4, a. i. — Platon n a pas su distinguer les notions transcendantales qui seules peuvent être réalisées à l’état pur et absolu (cf. plus loin, col. io50) et les notions qui ne transcendent ni la matière, ni les espèces et les genres et ne peuvent pas être réalisées à un degré éminent dans un ordre supérieur à la matière et aux individus.

Cette notion de la cause nécessaire se concrétisera et deviendra par là plus claire dans l’exposé de la preuve générale par la contingence, le i)lus ne sort pas du moins, le supérieur de l’inférieur (cf. col. 1 022).

4° On ne devra donc pas remonter dans le passé la série des causes accidentellement subordonnées, mais dans le présent la série des causes essentiellement subordonnées. — Ces quelques réflexions nous montrent que les preuves de l’existence de Dieu, si elles doivent se faire par