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que pour la forme savante de la démonstration, La raison spontanée s élève à la connaissance certaine de l’existence de Dieu par une inférence causale très simple. Le sens commun n"a pas à s’embarrasser des difficultés soulevées au sujet de l’objectivité, de la valeur transcendante et analogique du principe de causalité ; et c’est tout naturellement qu il sélève à la connaissance de la cause première une et immuable des êtres multiples et changeants ; l’ordre du monde et l’existence des êtres intelligents lui montre que la cause première est intelligente ; l’obligation morale manifestée par la conscience requiert nécessairement aussi un législateur ; enfin le principe de finalité exige qu’il y ait une fin suprême, souverainement bonne, pour laquelle nous sommes faits, et par conséquent supérieure à nous. La manière dont nous allons présenter les preuves traditionnelles de l’existence de Dieu, du point de vue de la philosophie de l’être, qui n’est en réalité qu’une explicitation et une justification du sens commun, nous permet de ne pas traiter e.r professa les problèmes qui concernent la connaissance spontanée. On trouvera l’enseignement de la théologie catholique sru’ce point dans le Dictionnaire de Theol. catlioL, art. Dieu, col. 8^4923.

2° Cette démonstration ne sera pas a priori. Insuffisance de la preuve ontologique. — Quel sera le point de départ de la démonstration philosophique de l’existence de Dieu ? Le concile du Vatican nous l’indique. Ce sont les choses créées « e rébus creatis certo cognosci potest «. Ce n’est donc pas, comme l’ont prétendu les ontologistes, une intuition immédiate de l’être de Dieu qui nous manifeste son existence et ses attributs. Cette vision est le couronnement de l’ordre surnaturel. Lue intelligence créée, par ses seules forces naturelles, ne peut en aucune façon s’élever à une pareille connaissance ; créée et finie, cette intelligence a pour objet proportionné l’être créé et fini, elle ne connaît directement que les créatures (S. Thomas, Summ. TlieoL, I", q. 12, a. l^), par les créatures elle peut arriver à connaître Dieu, non pas tel qu’il est en lui-même, dans ce qui le constitue en propre (quidditati^e, cf. infr., II, iii, 1 ^o), dans l’éminente simplicité de saDéité, commesi elle en avait l’intuition, mais seulement dans la mesure où Il a une similitude analogique avec ses effets. La pluralité des concepts analogiques empruntés aux créatures, auxquels nous sommes obligés d’avoir recours pour nous représenter Dieu, nous est une preuve suffisante que nous ne possédons pas l’intuition immédiate dont parlent les ontologistes.

L’existence de Dieu ne serait-elle pas une vérité évidente par elle-même {^’eritas per se nota), qui n’ait pas besoin d’être démontrée, comme par exemple, le principe d’identité : « Ce qui est est », ou le principe de contradiction : « Ce qui est ne peut pas à la fois être et n’être pas, sous le même rapport. » Tout au moins l’existence de Dieu ne pourrait-elle se démontrer a priori, abstraction faite des réalités contingentes ? S. Anselme et les partisans de l’argument ontologique l’ont pensé. S. Anselme remarque que l’existence est impliquée dans la notion qu’éveille en l’esprit de tout homme le mot Dieu. Lorsqu’on comprend ce que signifie le mot Dieu, on entend un être tel qu’on n’en peut concevoir de plus grand. Mais s’il n’existait pas, on pourrait concevoir un être qui a tout ce qu’a le premier plus l’existence, et qui serait ainsi plus grand que l’être le plus grand qui se puisse concevoir. Donc si nous Aoulons conserver son sens à la notion qu’éveille en nous le mot Dieu, il faut affirmer que Dieu existe.

La proposition : « Dieu existe » ou : « l’être le plus parfait qui se puisse concevoir existe réellement »

est, selon S. Anselme, évidente de soi et aussi pour nousQjer se nota quoad nos), comme cette autre : « ce qui est > ou : « ce qui est ne peut pas à la fois et sous le même rapport être et ne pas être >.

S. Thomas et un très grand nombre de théologiens se séparent sur ce point de S. Anselme. Sans doute, disent-ils, en soi (quoad se) l’essence de Dieu implique l’existence. Dieu est l’êli-e nécessaire et ne peut pas ne pas exister ; mais la proposition « Dieu existe » n’est pas évidente par elle-même pour nous (quoad nos). En effet, nous ne connaissons pas l’essence divine telle quelle est en elle-même, dans ce qui la constitueenpropre(^H/d/f/77rt//c), nousne l’atteignons que par des concepts négatifs ou par des concepts positifs analogiques qui nous la font connaître dans ce qu’elle a de commun avec les créatui-es. D’où il suit que nous connaissons la Déité comme toutes les autres essences d’une façon abstraite. Cette notion abstraite qu’éveille en nous le mot Dieu, bien qu’elle difi’ère de toutes les autres parce qu’elle implicjue l’aséité ou l’existence essentielle, ressemble à toutes les autres notions en tant qu’elle fait abstraction de l’existence actuelle ou de fait. — A l’argument a priori de S. Anselme, on doit répondre en distinguant la mineure : Si l’être le plus parfait qui se puisse concevoir n’existait pas, dit S. Anselme, on pourrait concevoir un être qui aurait tout ce qu’a le premier plus l’existence, et qui serait ainsi plus parfait que l’être le plus parfait qui se puisse concevoir. — S’il n’existait pas et n’était pas conçu comme existant par soi, on pourrait en concevoir un plus parfait ; je le concède. S’il n’existait pas, tout en étant conçu comme existant par soi, on pourrait en concevoir un plus parfait, je le nie. — On ne peut donc pas conclure : Donc Dieu existe ; mais seulement : donc Dieu doit être conçu comme existant par soi, et en vérité existe par soi et non par un autre, s’il existe. (Cf. S. Thomas, Suniina Theol., 1^^ q. 2, a. i.)

Descartes (5’médit, et rép. aux ohjecf.) et Leibniz (Médit, sur les idées, éd. Janet, p. 5 16, et Monadologie, § l) ont Aainement essayé de donner à cet argument, dit argument ontologique, la rigueur qui lui manquait. Pour que cette preuve, telle qu’elle se trouve chez Leibniz, fût concluante, il faudrait pouvoir établir a priori : i" » que Dieu est possible, et 2° que, s’il est possible^ il existe. Or. quoi qu’on pense de la seconde de ces propositions (légitimité du passage de lvpossibitité logique (pensable) à la. possibilité réelle intrinsèque, en vertu du principe de la A-aleur objective de l’intelligence, et du passage de cette possibilité réelle à l’existence actuelle), la première proposition leibnizienne n’est pas de soi évidente yjo « /- nous, ni démontrable a priori. Leibniz, comme Descartes, ne peut tout au plus démontrer qu’une chose, c’est que nous ne voyons pas d’impossibilité à ce que Dieu existe ; la possibilité positive nous échappe, et nous échappera tant que nous ne connaîtrons pas directement l’essence de Dieu. On doit reprendre ici le mot de S. Thomas contre S. Anselme, et dire : quia nos non scinius de Deo quid est, non possumus scire an sit capax existendi. — Bien plus, certaines perfections absolues, exigées par l’idée de l’être le plus parfait qui se puisse concevoir, semblent difficilement compossibles : telles l’immutabilité et la liberté. (Spencer a longuement développé cette objection, d’ailleurs classique chez les théologiens. Nous verrons qu’elle ne saurait infirmer la preuve a posteriori. ) — Leibniz prétend établir que l’Infini est possible, parce que l’idée de l’infini, ne contenant aucune négation, ne peut envelopper de contradiction. On lui a ré[>ondu : l’idée du mouvement le plus rapide ne renferme aucune négation, et pourtant elle répugne. (Cf. Revue Thomiste, juillet 1904, Note sur