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de nous constate quand il se regarde agir. » L’Eyohitioii créatrice, 2’"édit., 1907. p. 270. Comment appelai" le principe de tonte réalité et de toute vie ? « Faute d’un meilleur mot. dit M. Bergson, nous l’avons appelé conscience. Mais il ne s’agit pas de cette conscience diminuée qui fonctionne en chacun de nous » (p. 208). « Conscience ou supra-conscience est la fusée dont les débris éteints retombent en matière ; conscience encore est ce qui subsiste de la fusée même, traversant les débris et les illuminant en organismes. Mais cette conscience, qui est une exigence de création, ne se manifeste à elle-même que là où la création est possible. Elle s’endort quand la vie est condamnée à lautomatisme. Elle se réveille dès que renaît la possibilité d’un choix » (ibid., p. 288). Elle est immanente à tout ce qui est vie et liberté.

Il est clair que cette philosophie immanentiste du devenir est en opposition absolue avec la déOnition du Concile du Vatican sur la distinction de Dieu et du monde. Dieu n’est plus iina singularis siibstantia, il n’y a plus de substances ou de choses. Dieu n’est plus siniple.r omnino et iiicommiitabilis, il est « une réalité qui se fait à travers celle qui se fait » (Evol. créatr., p. 269). Il n’est plus re et essentia a miindo distinctus, il est « une continuité de jaillissement », qui ne peut exister ni se concevoir sans le monde qui jaillit de lui. Il est cet élan vital antérieur à l’intelligence qui se retrouve en tout devenir, plus particulièrement dans celui qu’expérimente notre conscience. Cet élan a ital est appelé liberté, mais cette liberté sans intelligence et sans loi est une sorte de spontanéité aveugle qui rappelle bien plutôt l’inconscient de Schopenhauer.

La même doctrine se retrouve légèrement transposée chez le modei-niste croyant. Nous employons, faute de mieux, ce nom, (pxi évidemment ne convient plus à un chétien respectueux de l’Encyclique Pascendi.

« Notre vie, écrivait M. Le Roy, en juillet

1907, est incessante création. El il en est de même pour le monde. C’est pourquoi immanence et transcendance ne sont plus contradictoires ; elles répondent à deux moments distincts de la durée : l’immanence au devenu, la transcendance au devenir. Si nous déclarons Dieu immanent, c’est que nous connaissons de Lui ce qui est devenu en nous et dans le monde ; mais pour le monde et pour nous il reste toujours un inlini à devenir, un iniini qui sera création proprement dite, non simple développement, et de ce point de vue Dieu apparaît comme transcendant ; et c’est comme transcendant que nous devons surtout le traiter dans nos rapports avec lui, selon ce que nous avons reconnu à pro])os de la personnalité divine. » (Revue de MétapJiysique et de Morale, juillet 1907, p. 012.)

Dans ime pareille conception. Dieu ne peut exister sans le monde dans lequel il devient. Il est pourtant de foi que Dieu aurait pu ne pas créer et qu’il a créé non ab aeternu (Denz., 891, 501). On aflirme bien la personnalité divine au sens pragmatique (nous devons nous comporter à l’égard de Dieu comme à l’égard d’une personne) mais il est clair que la personnalité divine ainsi conçue n’implique nullement l’indépendance et la transcendance métaphysique définie par le (Concile du Vatican. — Nous avons montré comment ces conclusions pantliéistiques découlent nécessairement de l’immanentisme dans Le Sens commun, la Philostipli’e de l’être et les Formules dogmatiques, Paris, Beauchesne, 1909.

L’immanentisme conçu comme doctrine est donc absolument contraire à la foi de l’Eglise ; en est-il de même de l’immanentisme conçu seulement comme méthode ?

5’^ La méthode exclusive d’immanence nest

pas conciliable avec renseignement de l’Eglise.

— L’apologétique nouvelle préconisée par M. Bloxdel et M. LABKRTnoxxiKRE, toutenrépudiant l’immanence comme doctrine, l’admet comme méthode indispensable et en un sens e.i’clusive. Après beaucoup d’autres, M. CHOSSAT.dans le Dictionnaire de Théologie catholique, art. « Dieu » (col. 799-802 et 859-871), a longuement examiné cette tentative nouvelle au point tle vue de l’orthodoxie. Il paraît dillicile de ne pas se rendre à ses conclusions : cette apologétique par la méthode exclusive d’immanence semble absolument inconciliable avec la définition du Concile du Vatican, et revient inconsciemment à l’erreiu* de Jaxséxius. — En effet, dans la mesure où elle nie la valeur des preuves de Dieu telles que les a présentées l’Ecole et la théodicée traditionnelle dej)uis Platon jusqu’à Leibniz, elle concède la thèse kantienne et positiviste de l’impuissance de la raison spéculative à connaître Dieu avec certitude. M. Blondel expose nettement sa pensée stir ce point dans V Action, p. 341 : « Une preuve qui n’est qu’un argument logique demeure toujours abstraite et partielle ; elle ne conduit pas à l’être ; elle n’accule pas nécessairement la pensée à la nécessité réelle. Une preuve qui résulte du mouvement total de la vie, une preuve qui est l’action entière, aura, elle au contraire, cette vertu contraignante. Pour en égaler, par l’exposition dialectique, la force spontanée, il faut donc ne laisser à l’esprit aucune échappatoire. C’est en efiet le propre de l’action de former un tout ; c’est donc par elle que vont s’unir en une sjnthèse démonstrative tous les arguments partiels : dans leur isolement, ils demeurent stériles ; par leur unité, ils sont probants. C’est à cette condition seulement qu’ils imiteront et qu’ils stimuleront le mouvement de la vie. Sortis du dynamisme de l’action, ils en garderont l’ellicacité. » Un peu plus loin : « La notion d’une cause première ou d’un idéal moral, l’idée d’une perfection métaphysique ou d’un acte pur, toutes ces conceptions de la raison humaine, vaines, fausses et idolâtriques, si on les considère isolément comme d’abstraites représentations, sont vraies, vives et efficaces, dès que, solidaires, elles sont, non plus un jeu de l’entendement, mais une certitude pratique… C’est doncdans la pratique même que la certitude de « l’unique nécessaire » a son fondement. En ce qui touche à la complexité totale de la vie, seule l’action est nécessairement complète et totale, elle aussi. Elle porte sur le tout ; et c’est pourquoi d’elle et d’elle seule ressort l’indiscutable présence et la preuve contraignante de l’Etre. Les subtilités dialectiques, quelque longues et ingénieuses qu’elles soient, ne portent pas plus qu’une pierre lancée par un enfant contre le soleil ». (Ibid., p. 350.) « Croire qu’on peut aboutir à l’être et légitimement athmier quelque réalité que ce soit sans avoir atteint le terme même de la série qui va de la première intuition sensible à la nécessité de Dieu et de la pratique religieuse, c’est demeurer dans l’illusion. » (P. 428.) « Il n’est aucun objet dont il soit possible de concevoir et d’affirmer la réalité sans avoir embrassé par un acte de pensée la série totale, sans se soumettre en fait aux exigences de l’alternative qu’elle impose, bref sans passer par le point où brille la vérité de l’Etre qui illumine toute raison et en face de qui il faut que toute volonté se prononce. Nous avons l’idée d’une réalité objective, nous allirmons la réalité des objets ; mais pour le faire, il est nécessaire que nous posions implicitement le problème de notre destinée, et que nous subordonnions tout ce que nous sommes et tout ce qui est pour nous aune option. Nous n’arrivons à l’être et aux êtres qu’en passant par cette alternative : selon la façon même dont on la tranche, il est inévitable que le sens de l’être soit changé. La connais-