Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/469

Cette page n’a pas encore été corrigée

U21

DEMONS

922

Scth, mais les anges, s’appuie sur Jub, i, 6 ; ii, i ; Ps. XXVIII, 1 ; lxxxix, 7, où cette locution désigne les anges, et a été admise par Josèpiie, Arit. Jud.^ I, iii, i, saint Justin, ii Apol., 5 ; et aussi par Athkxagore, Clément d’Alexandrie, Tertlllien, S. Irknée, S. Cyprien, S. Ambroise. D’autres Pères, S. Jean Chrysostome, S. Cyrille d’Alexandrie, Théodgret, S. Acglstin, De Ch’it. Dei, xv, 28, ne voient dans ce passage que les fils de Setli, et nient que les anges puissent s’unir aux tilles des hommes ; S. Augustin rejette même explicitement le témoignage des apocryphes et du livre d’Hénoch. Nous avons relevé au long les traditions consignées dans ce livre célèbre, à cause de l’influence qu’elles ont eue sur la littérature ecclésiastique, et de l’autorité que leur communique la citation de S. Jude (i/J) qui écrit encore (5-6 et 13) : Jésus a résen’é pour le jugement du grand jour, liés de chaînes éternelles, au sein des ténèbres, les anges qui n’ont pas conservé leur principauté, mais qui ont abandonné leur demeure… astres errants, auxquels d’épaisses ténèbres sont réser’ées pour l’éternité.

D’après le Livre des Jubilés, ce sont les anges envoyés par Dieu sur la terre qui prennent des femmes et engendrent des géants ; Dieu les fait lier au profond de la terre et fait tuer leurs enfants, chap. v. Noé demande à Dieu d’envoyer tous les dénions au lieu de la damnation, mais leur chef, Mastéiua, obtient que la dixième jiartie puisse rester sur la terre et ceux-ci, sous les ordres de Satan, trompent et aveuglent les hommes (x). Cf. Kautzsch, /oc. ci/., p. 3 i-i 19.

Dans l’Ascension d’Isaie, le chef des dénions s’appelle Béliar, comme dans S. Paul, ou encore Sammæl et Satan ; ses anges portent les hommes au mal et se font adorer par eux. Cf. E. Tisserant, Ascension d’Isaie, i. 20-26. Dans les Testaments des douze patriarches, nous retrouvons Béliar, Dan, i, iv, v ; Aser, i ; c’est lui qui pousse Dan à tuer Joseph. Cf. Kautzsch, loc. cit., p. 483-484, 496.

D’autres apocryphes décrivent les démons et les supplices de l’enfer. Ils supposent en général que ces faits sont connus par ravissement ou révélation ; c’est le cas de « la Fidèle Sagesse » et de plusieurs apocalypses (voir l’article Apocryphes).

3. Les démons dans l ancienne littérature profane. — La vérité sur l’existence et le rôle des démons s’est corrompue, dans les diverses littératures et les diverses religions, comme les hommes qui se la transmettaient ; mais, avec un peu d’attention, on peut la dégager des erreurs qui l’obscurcissent.

Dans la littérature grecque, on trouve qu’à l’origine le mot « démon » désigne un génie ou une divinité plutôt qu’un esprit mauvïds : « nous combattrons cnlin jusqu’à ce qu’un démon donne la victoire à l’un ou à l’autre », Iliade, vii, 291, 3^6, 896. (iLedémon nous souffla un grandcourage », Odyssée, IX, 381. Il en était encore de même au temps de Socrate. Mais, à toute époque, nous trouvons chez les Grecs des êtres qui répondent, au nom près, à nos démons : chez IIomkrk, c’est d’abord la Terreur et la Panique qu’il personnifie, mais surtout la sombre Erinnys, Iliade, xix, 87, et « la pernicieuse Até, la vieille fille de Zeus, qui nous aveugle tous. Ses pieds sont invisibles et ne touchent pas au sol ; elle marchesur la tête des hommes, les frappant de folie ; elle a même osé s’attaquer à un autre : Zeus lui-même a subi ses atteintes, lui que l’on dit le plus grand des hommes el des dieux », ibid., gi-96. Jupiter la saisit par les cheveux, jura qu’elle ne reviendrait plus jamais à l’Olympe ni au ciel étoile, et la jeta sur la terre, ibid., ia6-131, où elle frappe les hommes d’aveuglement, ibid., ix, 607, et les prive de raison, ibid., xvi, 805.

On peut voir dans la chute d’Até une réminiscence de la chute des mauvais anges : comme eux, ses méfaits sont cause qu’elle est précipitée des cieux et elle est l’ennemie des hommes.

Dans Hésiode, les êtres qui correspondent aux démons sont en rapport étroit avec les forces de la nature : c’est la Nuit qui enfante « l’odieux Destin, la noire Parque et la Mort… la Misère douloureuse… les Parques qui poursuivent les fautes… la Vengeance, les Disputes, la Peste », Théogonie, vers 211 à 227. Signalons encore cette vipère à moitié nymphe et à moitié serpent, « terrible et grande, rusée, carnassière, dans les cavernes delà terre divine où elle a un repaire bien loin, sous une pierre creuse, loin des dieux immortels et des hommes mortels », ibid., 296 à302 ; c’est là qu’elle enfanta le chien de Géryon, Cerbère et l’Hydre. Le même ouvrage nous raconte la lutte cjui eut lieu dans l’Olympe entre « les dieux Titans et tous ceux t]ui étaient nés de Saturne, et tous ceux que Jupiter amena de l’Erèbe souterrain à la lumière, terribles, puissants, aux forces immenses, qui ont tous cent mains pendues à leurs épaules », ibid., etc. Ces analogies, prises individuellement, peuvent paraître légères ; c’est leur nombre surtout qui leur donne de la force : car on trouve dans Hésiode l’état de grâce primitif : « auparavant vivait sur la terre une génération d’hommes exempte de maux et de pénibles labeurs, libre encore des maladies qui depuis ont apporté la mort », Œw.’res et jours, 90 à g3 ; une femme apporta tous les maux sur la terre, l’espérance seule (de la Rédemption ?) resta pour consoler les humains ; Prométhée, puni pour avoir donné aux humains le feu du ciel, rappelle le serpent juini pom* avoir donné aux hommes la science du bien et du mal qui devait (disait-il) les rendre semblables à Dieu ; le nom, Japet, du père de Prométhée, a encore conduit à voir une analogie entre celui-ci et Noé. En somme, nous trouvons dans Hésiode toute la Genèse, mais comme vue à travers un prisme qui aurait décomposé, dispersé, coloré les objets ; c’est dans ces conditions que nous trouvons chez lui la chute des anges (Titans), la chute de l’homme et des légions de démons ou d’êtres nuisibles. On peut même reconnaître, dans Prométhée, des traits d’Adam et du Rédempteur.

Dans la bibliothèque d’Assourbanipal (G68-626) on a trouvé le récit d’une lutte dans les cieux, entre Tiamit et M irdouk. Le premier avec les monstres auxquels il a donné le jour est vaincu, de son corps est formé le monde, tandis que son armée est jetée en prison. L’enfer est hiérarchisé : en tête se trouvent le dieu Nergal et la déesse Ereskigal, analogues à Pluton et Proserpine. D’Ereèkigal dépendent les maladies et la santé. On retrouve en enfer les monstres créés par Tiamat et vaincus avec lui ; à leur tête est Quingou « qui avait été exalté sureux ».A côte d’eux se trouvent les Anounnakis qui ont lutté aussi pour Tiamat, depuis lors ils ont un double rôle : aux enfers ils jugent les morts et fixent les destinées et, sur terre, ils exécutent les châtiments envoyés par la divinité. Les dieux infernaux ont encore des messagers chargés de transmettre leurs ordres et d’exécuter leurs volontés, c’est ainsi qu Erc^ ; kigala pour messager Namtarou, le démon de la peste ; celui-ci avec d’autres monstres était encore chargé d’empêcher les morts de remonter sur la terre. Paul Duorme, Choix de textes religieux assyro-babyloniens, Paris, 1907.

Ces puissances infernales ne manquent pas d’analogies avec nos démons. Cf. George Smith, Chaldâische Genesis.Tiehsl Erlaulcrungen und fortgesetzten Forschungen von Friedrich Delitzsch, 8°, Leipzig, 1876 ; Vi( ; ouRoux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 18y6, I, 271.