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DÉCRÉTALES (FAUSSES)

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n’ont pas été achevées avant le commencement de 848.

D’autre part il est certain qu’elles ont été rédigées avant 85^, année où elles sont citées dans une lettre synodale du concile de Quierzy, et dans un écrit de l’archevêque de Reims Hincmar, la Cullectio de ecclesiis et capellis. Elles ont été rédigées avant 856, parce que la première partie de la chronique des évéques du Mans, dite Actus Poniificum Cenomanriis in urbe degentium, qui a tiré parti de l’œuvre d’Isidore, a été composée au plus tard en 856. Eniin on peut limiter encore la période oùse place la rédaction des Fausses Décrétâtes : elles sont citées à deux reprises dans les statuts diocésains d’Hincmai-, promulgués en 852.

Il résulte des recherches dont je viens de résumer les conclusions que les Fausses Décrétales ont été composées entre la fin de 847 ^^ ^^ ^^ ^^ l’année 852, approximativement vers 850.

IV. Patrie des Fausses Décrétales. — On a jadis soutenu que Rome était le berceau de la compilation isidorienne ; on se fondait sur ce fait qu’Isidore porte très haut le pouvoir du Siège Apostolique. C’est une opinion qui est abandonnée depuis longtemps ; il est incontestable que les Fausses Décrétales ont été composées dans l’Empire franc. Mais dans quelle province ecclésiastique ? On a proposé la province de Mayence, sans invoquer de raison sérieuse ; en réalité le véritable débat ne s’est établi qu’entre la province de Reims et celle de Tours.

Des érudits de grande autorité, à commencer par Hinschius, ont placé le berceau de la compilation isidorienne dans la province de Reims. A l’époque où cette compilation vit le jour, la province de Reims était déchirée par des divisions. Une lutte s’était élevée entre l’archevêque Hincmar et les clercs ordonnés jadis par son prédécesseur Ebbon, qui, déposé, avait été plus ou moins régulièrement rétabli sur son siège en 840. On a cru que les Fausses Décrétales avaient été composées afin de fournir des armes à ces clercs, et en particulier à leur chef Vulfade, et qu’elles étaient destinées à répondre aux aspirations de tous les adversaires du métropolitain autoritaire et impérieux qu’était Hincmar. Je me suis efforcé de démontrer ailleurs que les textes ne fournissent aucune raison décisive pour attribuer les Fausses Décrétales à la province de Reims, et pour les considérer comme l’œuvre de Vulfade ou de ses partisans. Au surplus, si elles n’étaient autre chose qu’une arme forgée pour combattre Hincmar, on ne s’expliquerait pas que le prélat, qui connaissait les textes canoniques et avait eu certainement des doutes sur l’authenticité de certains textes isidoriens, rie se fût pas insurgé contre toute la collection et n’eût pas démasqué la fraude. D’ailleurs, si les Fausses Décrétâtes ont été rédigées au profit des clercs ordonnés par Ebbon, il faut reconnaître que l’effet est bien peu proportionné à la cause. On comprend mal, dans cette hypothèse, pourquoi Isidore a tant insisté sur le maintien de la constitution intérieure de l’Eglise, qui n’était pas mise en cause par la controverse relative à la valeur des ordinations d’Ebbon. Au contraire, dans la Bretagne armoricaine, qui dépendait du métropolitain de Tours, le duc Noménoé, désireux d’assurer l’indépendance du pays celtique vis-à-vis de l’Empire franc, avait accompli une véritable révolution, destinée à substituer un épiscopat breton à l’épiscopat imbu d’idées et de tendances franques qui s’était implanté en Armorique. Il avait, de sa propre autorité, démembré la province de Tours, chassé, dépouillé ou mis en accusation les évêques, créé de nouveaux évêchés et de nouveaux

évêques, disposé à son gré des biens des Eglises ; en réalité il avait, de 845 à 850, brisé tous les cadres de la hiérarchie ecclésiastique. Ces événements avaient naturellement produit, dans l’Eglise franque, A-ers le milieu du ix" siècle, une émotion autrement vive que la querelle, à ce moment assoupie, qui divisait Hincmar et quelques prêtres du diocèse de Reims. On pouvait dire que l’Eglise en Bretagne était attaquée dans son indépendance aussi bien que dans sa constitution intime. Ainsi la compilation isidorienne, rédigée vers 850, s’adaptait très bien aux besoins du clergé franc dans la province de Tours.

En outre, il est démontré quTsidore ou un de ses associés rédigeait, vers la même époque, une fausse bulle de Grégoire IV et un mémoire de procédure destinés à sei’vir les intérêts particuliers de l’Eglise du Mans dans ses procès contre l’abbaye de Saint-Calais ; ces pièces portent incontestablement la marque de l’atelier pseudo-isidorien.

Ainsi l’on constate une liaison étroite entre Isidore et le clergé du Mans, d’ailleurs très hostile aux Bretons qui avaient ravagé la région du Maine et déuiembré la province ecclésiastique de Tours dont le Mans faisait partie. C’en est assez pour justifier l’opinion qui place dans la province de Toiu’s, probablement au Mans, le lierceau des Fausses Décrétales.

V. L’accueil fait aux Fausses Décrétales. — Il convient d’examiner l’accueil qui fut fait aux Fausses Décrétales par les Pontifes Romains et par l’Eglise en général.

Le premier des Papes dont la conduite ait pu subir l’influence des Fausses Décrétales n’est autre que Nicolas I*"’. A-t-il connu la célèbre compilation ? C’est une question qui a été plus d’une fois discutée. Il est certain, à mon avis, que Nicolas I*"" a connu, non seulement l’existence des Fausses Décrétales, mais, au moins, un certain nombre de textes empruntés à ce recueil ; ces extraits lui ont été probablement présentés par des évêques de l’Empire franc, venus à Rome pour y soutenir des procès, entre autres par l’évêque de Soissons, Rothade, l’un des adversaires d’Hincmar. Quelle opinion s’en est formée le Pontife, il est assez difficile de le dire. Dans une lettre qu’il adressa en 865 aux évêques francs se trouve une allusion aux décrétales des Papes martyrs ; vraisemblablement il vise par ce mot des textes tirés de la compilation isidorienne, invoqués devant Nicolas P"’par Rothade et sans doute contestés par les adversaires de cet évêque. Le Pape profite de Toccasion pour rappeler le principe en vertu duquel toutes les Décrétales, même celles qui ne font pas partie du Corpus Cano-H » /n, c’est-à-dire de la Dionysio-Hadriana, s’imposent au respect des fidèles. Sauf en cette circonstance, Nicolasl’^’^neparlejamais des Fausses Décrétales ; aucun destinataire de ses lettres n’a pu en déduire l’existence des décrétales apocryphes. En réalité, sauf en un cas, Nicolas I’"' semble être le Pontife qui, s’adressant à Hincmar en 863, lui cite les Papes dont les lettres doivent être pour lui une loi ; or le premier en date de ces Papes est Sirice, qui est l’auteur des plus anciennes Décrétales authentiques contenues dans la Dionysio-IIadriana. Toutefois Nicolas 1"=, ou le rédacteur de ses lettres, s’est inspiré, dans quelques passages, de textes qu’il a tirés des Fausses Décrétales, sans d’ailleurs nommer cette compilation. En tout cas, sur le fond de sa politique, les Fausses Décrétales, vis-à-vis desquelles il observait une réserve évidente, n’ont exercé qu’une influence médiocre. Il s’est peut-être appuyé, au moins implicitement, sur les textes isidoriens pour établir le droit, qu’il avait toujours réclamé, de connaître les causes des évêques ; sans doute aussi les textes isidoriens