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85’CURIE ROMAINE (CARDINAUX)

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Aux premiers assistent, outre les membres du sacré collège, d’autres prélats et des représentants des princes sécidiers ; le pape préside en personne. C’est dans ces assemblées très solennelles qu’on promulgue, s’il y a lieu, les décisions prises en consistoire secret. Elles peuvent aussi avoir pour objet ou occasion une canonisation, la réception d’un ambassadeur, le retour d’un légat a lateve. Les cardinaux seuls sont admis aux autres consistoires, et en cas d’empêchement du pape, c’est le doyen du sacré collège qui dirige les débats. On y discute la création de nouveaux cardinaux, les nominations, confirmations, translations, renonciations et dépositions d’évéques, la désignation de coadjuteurs, la concession du pallium ou d’autres faveurs importantes, rérection, la délimitation, l’union et la division des diocèses, les approliations des ordi*es religieux, en un mot, toutes les causes qui intéressent grandement l’Eglise et qu’on appelle conslstoriale.f. Les cardinaux n’ont que voix consultative. Quel que soit du reste leur avis, il ne leur est pas loisible d’en refuser la manifestation au Saint-Père.

Mais les affaires ecclésiastiques sont trop nombreuses et trop variées, pour qu’il soit possible de les régler toutes dans des consistoires. On a senti depuis longtemps la nécessité de diviser une lâche si ardue et si conqilicjuée. Voilà pourquoi on a établi des congrégations, des tribunaux et des offices particuliers, en assignant à chacun de ces groupes un département propre. On comptait naguère jusqu’à douze congrégations et au delà. La constitution Sapienti consilio, édictée par Pie X le 29 juin 1908, ne maintient que onze congrégations proprement dites, outre les trois tribunaux de la Sacrée Péiiifencerie, delà Bute, delà Signature apostolifjue, et les cinq offices ou bureaux de la Chancellerie apostolique, de la Daterie aposiolicjue, de la Chambre apostolique, de la Secrétairerie apostolique et de la Secrétairerie des brefs. Tous ces corps, la congrégation du Saint-Olficc exceptée, sont sous la présidence et la direction d’un cardinal, et c’est aussi dans le collège des cardinaux que sont pris les membres proprement dits des congrégations, j’entends ceux qui ont voix délibérative.

A la dignité et aux fonctions essentielles du cardinalat se rattachent ses privilèges juridiques ou honorifiques et ses insignes extérieurs. C’est au xiii « siècle que les cardinaux commencèrent à prendre le pas sur tous les autres dignitaires ecclésiastiques, même srr les archevêques, les primats et les patriarches. Cette préséance a été officiellement reconnue et ratifiée par EuGiïxE III et par Léon X. Innocent IV assigna le chapeau rouge, comme marque distinctive, aux cardinaux pris dans le sein du clergé séculier, et Grkgoiri ; XIII généralisa la mesiu’c. L’usage du manteau de pourpre est d’introduction postérieure ; il a été, croit-on, décrété par Paul II. Enfin, Ukbain VIII, en 1630, vovdut que les cardinaux fussent appelés Eminences ou Enii/ientissiines Seigneurs,

Au point de vue des relations sociales et politiques, il est entendu que les cardinaux sont sur le même rang et qu’ils reçoivent les mêmes honneurs que les princes non souverains. Dans l’ordre des choses ecclésiastiques, nombreuses sont les prérogatives qui leur ont été octroyées. Lors même qu’ils ne seraient pas évêques, ils ont droit de séance et de Aote dans les conciles œcuméni(pies, et ils sont en outre appelés, depuis le xiii’siècle, à émettre leur avis les premiers. Un cardinal-prêtre ou un cardinal-diacre revêtu du caractère sacerdotal peut toujours conférer la tonsure et les ordres mineurs à ses familiers, ainsi qu’aux personnes remplissant une fonction dans son église. Tous jouis.scnt d’une inviolal)ilité à laquelle on ne saurait porter atteinte sans commettre un crime de

lèse-majesté et encourir l’excommunication. Euxmêmes ne sont justiciables que du pape et n’encourent que les censures qui ont été décrétées ou comminées avec mention expresse d’eux. Ils participent à tous les privilèges des évêques.

VI. Utilité du cardinalat. — Cn conçoit suffisamment, par ce que nous avons dit des devoirs inhérents au cardinalat, le rôle capital des cardinaux dans l’Eglise, le concours multiforme et très efficace que le premier pasteur en attend et en reçoit, bref, l’utilité de leur institution. Ajoutez que la création des cardinaux choisis parmi le clergé des différentes nations établit des liens plus étroits entre elles et le centre de la catholicité, et assure au Saint-Père un précieux et légitime moyen d’influence sur les gouvernements. Chacun de ceux-ci tient avec raison à être représenté au sein du sacré collège par un ou plusieurs de ses sujets. Sans doute, c’est au pape seul qu’il appartient de créer de nouveaux cardinaux, après avoir demandé, s’il le juge à propos^ l’avis des anciens ; mais il le fait parfois à la prière et sur la présentation des princes ou des Etats catholiques. Ceci a lieu surtout pour les cardinaux de curie, qui représentent et ont charge de défendre auprès du Saint-Siège les intérêts de telle ou telle nation en particulier. Quatre pays spécialement peuvent, en Aerlu d’une coutume plusieurs fois séculaire, obtenir un cardinal de curie : c’est l’Autriche, la France, l’Espagne et le Portugal. Mais il est clair qu’actuellement la France, par la dénonciation brutale du Concordat de 1802, a renoncé à l’exercice de ce privilège.

Les cardinaux sont les princes de l’Eglise, sa plus haute noblesse. Leurs fonctions propres, cjui en font les organes directs et comme les représentants-nés du pontife suprême, le rang qu’en conséquence ils tiennent dans la hiérarchie ecclésiastique, immédiatement au-dessous de lui, le respect de leur dignité dont l’éclat rejaillit sur le Siège apostolique, les relations indispensables qu’ils ont ou iieuvent aA’oir avec les ijrinces séculiers, dont ils sont réputés les égaux, les mettent dans la nécessité de s’entourer d’un certain apparat ; il ne leur est pas permis en principe de se départir d’un train convenable. On aurait tort de considérer comme un luxe superflu ce qui, exigé par les conventions et les bienséances sociales, contribue en définitive au prestige et à l’influence bienfaisante de la religion. Depuis que Rome a dû subir l’invasion du Piémont, les cardinaux qui y résident paraissent beaucoup moins en public et font en un sens moins grande figure qu’auparavant ; force leur a été de diminuer leur état considérablement. Mais cette diminution, qui prive le Saint-Siège d’un relief aussi légitime que favorable au rayonnement de son action religieuse, n’est qu’un des maux nombreux que l’invasion a causés à l’Eglise de Dieu.

VIL Erreurs et objections diverses. — Nous relèverons d’abord, concernant l’origine du cardinalat, deux erreurs diamétralement opposées. On a cherché cette origine et trop haut et trop bas.

Quelques gallicans semblent avoir considéré la dignité cardinalice comme une institution de droit strictement divin. Gerson a écrit qu’elle fait partie de la hiérarcliie établie par Jésus-Christ. Au concile de Constance, Pieruk d’Ailly aflirmait que si, du temps de saint Pierre, le titre de cardinal était inconnu, la chose du moins existait déjà : « Les Apôtres, disait-il, ont été cardinaux avant d’être évêques, cardinaux de Home lorstpi’ils n’étaient pas encore cardinaux de l’univers : prias cardinales L’rbis quant orbis. Le sacré collège cardinalice succède au sénat