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CULTE CHRETIEN

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Ni la fête des Tabernacles, ni la fête des Lumières, ni celle de la Dédicace, ni celle des Pourim ne laissèrent aucune trace dans le calendrier chrétien. Pàque et la Pentecôte, qui gardèrent leur nom juif et leur place, changèrent d’objet, lune devenant la fête de la résurrection, l’autre celle de la descente du Saint Esprit. Bien plus, fait plus capital encore, l’Eglise rejeta le sabbat, et lui substitua le dimanclie ; du même coup, comme nous l’avons dit, la semaine chrétienne était constituée ; et, comme pour affirmer cette victoire, le mercredi et le vendredi durent au souvenir de la Passion de prendre à l’origine une place prépondérante dans la semaine.

Enfin la distinction liturgico-sociale des animaux purs et impurs fut abolie, on sait en quelles circonstances (Act., xv).

On voit donc que, sur ces questions essentielles et vitales, l’Eglise s’empressa daffirmer son indépendance. (G. Hermann, Essai sur l’origine du culte chrétien dans ses rapports avec le judaïsme, Fischbacher, Paris, 1886, a soutenu la thèse opposée ; mais son étude est fort superficielle. Cf. aussi à la bibliographie. )

Ce que l’Eglise emprunta à la Synagogue et garda soigneusement, ce sont ses Livres saints, qui jouirent auprès des chrétiens de la même importance, et devinrent les premiers livres liturgiques. Dans les synaxes chrétiennes on lut, comme dans les assemblées juives, les livres de la Loi et les Prophètes, à côté des Evangiles ou des Epîtres des Apôtres.

L’Eglise emprunta encore aux juifs la forme de leurs assemblées. Les juifs de la Dispersion, qui ne pouvaient pas venir au Temple, se réunissaient le jour du sabbat dans leurs sj-nagogues pour chanter des psaumes, lire les Livres saints, écouter une exhortation. Cette réunion, avec ses cérémonies, devint le cadre, à peine modifié, de la synaxe chrétienne, qui est connue sous le nom d’avant-messe ou messe des catéchumènes. (C’est ce que nous avons essayé de démontrer dans nos articles sur les Origines de la messe, cf. nos Origines liturgiques, p. 817.)

Voilà à peu près à quoi se réduisent les influences juives.

B. Influences p.a.ïex.es. — Peut-être est-ce chez Renan que la thèse des emprunts de la liturgie chrétienne au paganisme se trouve le plus fréquemment formulée : il y revient à vingt reprises différentes dans ses Origines du Christianisme.

Selon lui, la liturgie catholique doit tout ou presque tout au gnosticisme, notamment les amulettes, le culte des anges, celui des martyrs, les onctions, la plupart des fêtes de la Vierge ou des Saints, le culte des images, etc. Le gnosticisme aurait en quelque sorte servi de pont entre le paganisme et le christianisme.

« Une liturgie entourée de secrets offrait aux fidèles

de ces singulières églises (gnostiques) les consolations sacramentelles en abondance (Iren. I, ch. xxi) ; la vie devenait comme un mystère dont tous les actes étaient sacrés. Le baptême avait beaucoup de solennité et rappelait le culte de Mithra. La formule prononcée par l’initiateur était en hébreu (Bv.7-y.’y.-/y.’j/ : 77r, jSa. tKvosa… où l’on déchiffre clairement nlîODn 01^2 » ou nom de Hachamoth. Irknée ne comprend déjà plus cette formule, cf. Lucien, Alex., 13), et après l’immersion venaient des onctions de baume, qui furent plus tard adoptées i)ar l’Eglise (Epitaphe gnostique dans Corpus Inscript. Græc., n. 9695, a, t. IV, p. Sg’.-ôgS).

« L’extrême-onction pour les mourants était aussi

administrée dune façon qui devait faire une vive impression et que l’Eglise catholique a imitée. Le

culte chez ces sectaires était, comme le dogme lui-même, plus éloigné de la simplicité juive que dans les églises de Pierre et de Paul. Les gnostiques admettaient plusieurs rites païens, des chants, des hymnes, des images du Christ, soit peintes, soit sculptées (Ir. I, XXV, 6).

« Sous ce rapport, l’influence des gnostiques dans

l’histoire du christianisme fut de premier ordre. Ils constituèrent le pont par lequel une foule de pratiques païennes entrèrent dans l’Eglise… c est jjar le gnosticisme que l’Eglise lit sa jonction avec les mystères antiques et s’appropria ce qu’ils avaient de satisfaisant pour le peuple. C est grâce à lui qu’au iv’siècle le monde put passer du paganisme au christianisme sans s’en apercevoir, et surtout sans se douter qu’il se faisait juif… L’orthodoxie reçut d’eux une foule d’heureuses idées de dévotion populaire. Du théurgique, l’Eglise fit le sacramentel.

a Ses fêtes, ses sacrements, son art, vinrent pour une grande partie des sectes qu’elle condamnait… La première archéologie chrétienne est gnostique » (Renan, Origines du christianisme, t. VI, p. 154-156 ; t. VII, p. 142-145 sq. Cf. Matter, Hist. du Gnosticisme, t. II, p. 489 sq., G.vrrucci, Dissert, archéol., t. II,

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« Les évangiles apocrj’phes sont pour u.e bonne

moitié l’ouvrage des gnostiques. Or les évangiles apocryphes ont été la source d’un grand nombre de fêtes et ont fourni les sujets les plus affectionnés de lart chrétien, « Le culte des images serait aussi venu par les gnostiques. « Nul livre n’a eu autant de conséquences pour la liturgie, pour l’art chrétien, et pour l’histoire des fêtes chrétiennes que la Genna Marias et l’évangile apocryphe. Naissance de Marie… L’Assomption naissait, comme tant d’autres fêtes, du cycle des apocrjphes. » (Renan, loc.cit., t.VII, p. 1^5 ; t. VI, p. 609 ; t. VI, p. 513. J’ai fait remarquer ailleurs que l’Assomption, dont Renan fixe ici l’origine au u^ siècle, remonte tout au plus au iv’.) Ce sont aussi, selon lui, les gnostiques qui fondent l’art chrétien : « L’origine gnostique de ces images se voit avec évidence dans les peintures des catacombes, la statue de l’hémorroïsse paraît gnostique, l’art chrétien et l’iconographie sont nés hérétiques « (loc. cit., t. VII, p. 540545 ; cf. t. VI, p. 172 note). Par le culte des saints, le paganisme se refit sa place dans l’Eglise (loc. cit., t. VII, p. 525).

Il n’y a ici que des assertions sans preuves ; d’analogies qu’il relève entre le christianisme et le gnosticisme, Renan conclut à un emprunt de l’Eglise au gnosticisme ; ce n’est pas scientifique. (Cf. nos Origines liturgiques, p. 58 sq.)

Matter, dans son histoire très solide du gnosticisme, à laquelle du reste Renan fait à peu près tous ses emprunts, adopte justement la thèse opposée ; c’est à l’Eglise que le gnosticisme aurait pris en grande partie ses pratiques liturgiques. (Matter, Hist. du gnosticisme, 2’éd. surtout t. ii, p. 358, 887, : 446, cf. aussi p. 334 sq. Même thèse dans Probst, Sacrament., p. 11, 12, 13, 160 sq. ; Liturgie, p. SgS, 894 sq.) De son côté, Mgr Duchesne, dans ses Origines du culte chrétien (éd. anglaise, p. 336), est du même avis que Matter, et trouve que la thèse de Renan manque absolument de base.

Quant aux origines de l’art chrétien, elles sont tout autres ; il n’y a pas en réalité d’art gnostique. (Cf. DomLECLERCQ, J/a/ît/eZ d’archéol. chrétienne, 1. 1, p. 179, 180.)

Nous-même dans nos Origines liturgiques, loc, cit., et dans nos articles sur les Origines du culte catholique (Revue pratique d’Apologétique, 15 novembre 1906, p. 21 5) avons démontré plus longuement que la liturgie gnostique a emprunté de toutes mains,