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CULTE CHRETIEN

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à aller au temple, comme nous le voyons dans les Actes des ai)ôtres(.4c/., ii, 46, 47 ; iii, i ; v, ai ; v, 42 ; etc.).

Quant au culte en esprit et en vérité, dont parle N. S., et qui va se substituer à l’ancien culte, il faut voir ici moins la forme d’un culte nouveau, que l’esprit dans lequel le culte doit être entendu. Au lieu d’adorer à Jérusalem ou à Garizim, on adorera partout ; le croyant adorera dans son cœur, à quehjue nation qu’il appartienne, qu’il soit juif, samaritain ou même gentil. Et il n’adorera pas, comme les Juifs et les Pharisiens, d’un cvilte purement extérieur, du bout des lèvres, d’une manière formaliste et hypocrite, mais d’un culte vrai, sincère, qui suppose et inq^lique une vie pure, une conduite honnête.

Mais il faut bien reconnaître que, s’il n’attaquait pas de front le culte ancien, Jésus y substituait un culte nouveau, qui devait peu à peu et comme naturellement remplacer le culte juif.

C’était d’abord le Baptême, qui peut avoir été plus ou moins clairement figure par les ablutions et le baptême des juifs, mais qui prend dans l’Evangile un caractère nouveau et qui est vraiment un nou-seau rite. C’est le baptême au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. (Cf. nos Origines liturgiques, p. 154 sq.)

C’était surtout l’Eucharistie, la Cène du Seigneur, qui fait rentrer dans l’ombre les sacrifices anciens, l’eucharistie qvii de bonne heure s’enchâsse dans le service juif des synagogues, en modifie profondément le caractère, et entraîne aussi par concomitance la substitution du dimanche au sabbat.

Les rites de la pénitence, l’onction des malades, la cérémonie du lavement des pieds, l’imposition des mains sur les ministres, quelques Ijénédictions, des invocations, les exorcismes, suivent de près, et sont déjà mentionnés dans le Nouveau Testament. L’office divin et les diverses formes de la psalmodie sont en germe déjà dans les plus anciennes sjnaxes chi’étiennes. Le culte des martyrs viendra bientôt, avec les cérémonies pour l’ensevelissement des morts.

Le dimanche, et bientôt le mercredi et le vendredi, constituent une semaine chrétienne, complètement différente de la semaine juive dont le sabliat formait le pivot. Pâques et la Pentecôte deviennent le noj’au d’une année liturgique. (Cf. nos Origines liturgiques, p. 128, 15ê, 62 sq.)

Mais ce nucleus, qui est à peu près tout ce que nous connaissons de la liturgie chrétienne primitive, date de la première génération chrétienne. Comme nous le disions ailleurs, « ce résidu auquel on arrive par des éliminations successives et en remontant les siècles, est chrétien, exclusivement chrétien, quelles que soient les analogies que l’on poui-rait trouver a^ec des cérémonies juives, car, chez les chrétiens, ces rites, en particulier l’eucharistie, le l)aptême, le service du dimanche, ont une signification tellement déterminée que iiersonne ne peut s’y tromper ». Je crois que ce premier point nous sera facilement concédé par ceux qui ont étudié un peu attentivement nos origines. Il est chrétien en ce sens que ces premières et essentielles institutions ont pour autevir le Christ et ses apôtres, et se laissent découvrir dans l’Evangile, les Epîtres et les Actes.

Enfin il faut reconnaître dans ce culte chrétien un caractère nouveau qui lui est essentiel et achève de lui donner sa physionomie propre. C’est l’objet même de ce culte.

Le culte des juifs s’adressait au Dieu un, tout-puissant, magnifique, souverain, roi des rois, seigneur des seigneurs, Dieu des dieux, mais sans distinction de personnes. On s’adresse à lui dans la prière comme au Dieu vivant, au Seigneur Dieu d’Israël, au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, au Dieu de nos pères, ou simplement au Seigneiu", à notre Dieu. Cette for mule de prière au Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, demeure même en usage parmi les chrétiens. Mais d’ordinaire Dieu sera désormais invoqué par les chrétiens sous d’autres titres et avec une autre forme.

Jésus, dans le culte qu’il rend à Dieu, nous le présente comme Père, il l’adore comme son Père, Confiieor tibi, Pater, Domine cæli etterræ (Mt. xi, a5 ; cf. Luc, X, 21) ; Abba, Pater, si possibile est, transfer a me calicem hune (Me. xiv, 36) ; Pater, sancti/ica me, Pater, claripca me… Pater sancte, Pater juste (Joa. xvii), etc.

Déjà il semble réclamer pour lui-même un culte d’adoration égal à celui qui est donné au Père. Si duo ex vobis convenerint super terram, de omni re, quamcumque petierint, fiet illis a Pâtre meo, qui i ?t cælis est. Ubi enim sunt duo vel très congregati in nomine meo, ibi sum in medio eorum (M t. XAiii, ig, 20). Les apôtres, et même ceux qui ne sont pas ses disciples, le prient de son vivant : Domine, si tu es, jubé me venire ad te (super aquas)(Mt. xiv, 30). Domine, saU’a nos, périmas (Mi. viii, 25). Domine, salvum me fac (Mt. xv, 33). Domine, si vis, potes me mundare (Mt. viii, 2 ; cf. Me. 1, 40, Le. y, 12). Miserere mei, Domine ; et adoravit eum (Chananea) dicens : Domine adjuva me (Mt. xv, 22, 25), etc.

Il ordonne que le baptême soit donné en son nom, aussi bien qu’au nom du Père : Baptizantes eos in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti (Mt. xxviii, 18-19). Les exorcismes, les impositions des mains et les onctions aux malades seront faits en son nom : In nomine meo dæmonia ejicient… super aegros manus imponent (Me. xvi, i’j-18).

Dans saint Jean, cette idée est présentée avec insistance : Ut omnes Jionori/tcent Filium sicut honorificant Patrem (v, 23). Quodcumque petieritis Patrem in nomine meo, hoc faciam, ut glorificetur Pater in Filio. Si quid petieritis me in nomine meo, hoc faciam (xiv, 13, 14). Amen, amen^dico vobis, si quid petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis ; usque modo non petistis qaidquam in nomine meo. In illo die in nomine 7neo petetis (xvi, 23, 24, 26).

A peine est-il monté dans sa gloire, qu’il devient à côté du Père, et par suite de son égalité avec lui, l’objet du culte des premiers chrétiens.

Omne quodcumque facitis (S. Paul vient de parler de la prière) in verbo aut in opère, omnia in nomine Domini Jesu Christi, gratias agentes Deo et Patri per ipsum (Col. iii, 17), ce qui semble la finale même de nos oraisons.

Il paraît probable que la prière pour le choix de Mathias est adressée à lui directement : Tu Domine, qui corda nosti omnium (Act. 11, 21-26). Son nom devient consacré pour la prière, sous cette formule : In nomine Domini nostri Jesu Christi (Act. iv, 10) ; per nomen sancti Filii tuiJesu (Act.w^ 23-30). Saint Etienne le prie en ces termes : Domine Jesu, suscipe spiritummeum {Act. vii, Sg, 60). C’est aussi ensonnomque sont formulés les exorcismes iPræcipiotibi (Satana) in nomine Jesu Christi, exire ab ea (ma li ère) (Act. xvi, 18). Si bien que les exorcistes juifs essaient eux-mêmes pour leiu’s exorcismes de se servir de ce nom : Tentaverunt quidam de judæis exorcistis… invocare saper eos nomen Domini Jesu dicentes : adjuro vos per Jesum quem Paulas prædicat (Act, xix, 13).

Dans saint Paul, les expressions comme celles-ci : Gratia vobis et pax a Deo Pâtre nostro et Domino Jesu Christo… Gratias ago Deo meo per Jesum Christum. .. Gloriamur in Deo per Dominum nostrum Jesum Christum… (Christas) qui est saper omnia Deus benedictus in sæcula (ad Boni.). Obsecro vos, fratres per nomen Domini nostri Jesu Christi, et autres semblables, sont si nombi-euses que nous renonçons à les rappeler ici.