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CROISADES

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Sanctae, 1307), ou des hommes d’expérience, tels que Fidence de Padoue, Jacques de Molay, Guillaume d’Adam, Marino Sanude. etc., recherchèrent les causes des défaites de la chrétienté et indiquèrent des remèdes variés qui exigeaient, pour être efficaces, l’établissement préalable de la paix universelle en Europe. En outre, depuis l’exemple donné par S. François d’Assise à Damiette (1218), beaucoup d’esprits, comme Raimond Lulle voulaient remplacer la croisade gaierrière par la propagande religieuse chez les infidèles. Le xiV siècle estvme époque glorieuse dans l’histoire des missions franciscaines et dominicaines qui parcoiu-urent l’Asie et pénétrèrent jusqu’en Chine. Les papes continuèrent à diriger l’action chrétienne en Orient, envoj’ant des missionnaires, négociant avec les princes mongols, constituant une escadre chargée de faire le blocus commercial de l’Egypte. En 1310, les Hospitaliers s’établirent dans l’île de Rhodes. Mais les princes d’Occident ne prenaient plus la croix que pour lever les décimes de la croisade sur le clergé. En même temps, la formation en Asie Mineure de la puissance nouvelle des Ottomans allait donner aux croisades un caractère purement défensif. En 1344> une flotte chrétienne s’empara de Snij rue, mais Hunibert, dauphin de Viennois, mis à la tête de la croisade, ne tira aucun parti de ce succès. Le roi de Chypre Pierre de Lusignan prit Satalie (Petite-Arménie) en 1361, et, poussé par son chancelier Pliilippe de Mézières, vint faire chez les princes d’Occident une propagande enthousiaste pour la croisade (i 362-1 365). Il fut bien reçu, mais dut repartir presque seul et se contenter d’inquiéter les Musulmans par des coups de main hardis (prise d’Alexandrie, 1 365, pillage des ports de Syrie, 136 ;). La défense de Constantinople, menacée par les Turcs, préoccupa alors l’Occident. En 1366 Amédée VI, comte de Savoie, enleva Gallipoli. En 1396, lorsque Bajazet menaça la Hongrie, des chevaliers français, parmi lesquels le comte de Xe^ers, prirent la croix : leur indiscipline fut la cause du désastre de Xicopolis. L’invasion des Mongols et de Tamerlan (1^02) i-etarda de quelques années la chute de Constantinojjle. Xi l’union religieuse proclamée au concile de Florence, ni la croisade dirigée par le légat Julien Cesarini et qui aboutit à la défaite de Varna (1 444) » ni l’héroïsme de Jean Hunyade, voiévode de Transylvanie, ne purent la sauver. Mahomet II s"en empara le 28 mai 1453, sans que les princes d’Occident eussent fait le moindre effort pour retarder sa chute. Les papes prêchèrent en Aain la croisade. En 1464, Pie II ne put rassembler à Ancône qu’un ramassis d’aventuriers et il mourut au nioment où il allait les conduire en Orient. En 1480, Mahomet II put même occuper Otrante, mais sa mort qui survint à propos arrêta les progrès des Turcs. Enfin les projets de croisade de Charles VIII, en 1492, sombrèrent au milieu des complications de la politique italienne.

VII. Transformation et survivance de l’idée des croisades. — A j)artir du xvi’= siècle, le principe <k’la raison d’Etat, qui domine en Europe, rend tout projet de croisade cliimérique. L’expédition préparée par Léon X en 1517, après la concpiète de l’Egypte et de Jérusalem par Selim, échoua par suite de la lutte entre François I"-’^ et Charles-Quint. L’ardeur pour la croisade ne s’éteignit pas cependant : les « conquistadores », l’infant don Enrique, Christoplic Colomb, Albuquerque portaient la croix sur la poitrine et croyaient, en cherchant les nouvelles routes des Indes qui permettraient de prendre les Musulmans à revers, préparer la délivrance de la Terre Sainte. En outre la maison d’Autriche, maîtresse de la Hongrie et prédominante dans la Méditerranée, eut parfois

intérêt, pour arrêter les progrès des Turcs, à réveiller l’esprit de la croisade. La victoire de Lépante (7 octobre J571) abattit la prépondérance navale des Turcs. Celle de Saint-Gothard (1664) gagnée grâce à l’appui d’un contingent français envoyé par Louis XIV et surtout celle du roi de Pologne Jean Sobieski devant Vienne (1683) marquèrent le recul définitif des Ottomans. Enfin les Hospitaliers, établis à Malte en 1530 après la prise de Rhodes par les Turcs, survécurent jusqu’à la conquête de Bonaparte (1798) comme un débris glorieux des croisades. La politique réaliste des hommes d’Etat n’a jamais pu faire disparaître entièrement la tradition généreuse que l’Europe doit aux croisades ; en plein xix<= siècle, elle inspira, autant que les souvenirs de l’antiquité, les philhellènes qui aidèrent les Grecs à recouvrer leur indépendance.

VIII. Importance historique des croisades. — L’histoire des croisades, considérée dans son ensemble, est dans un rapport intime avec celle de la papauté. La croisade est avant tout une entreprise des papes. Ce fut au xi^ siècle, à une époque où il n’y avait pas encore d’état organisé en Europe, et où, au milieu de l’anarchie féodale, le pape avait seul gardé le sens des intérêts chrétiens, que naquit l’idée de la croisade. Profilant du prestige dont jouissait son autorité, Urbain H entreprit de faire cesser les querelles entre tous les chrétiens et de les réunir sous une même bannière pour arrêter l’invasion des Turcs. La tradition séculaire qui poussait les Occidentaux à visiter les Lieux Saints, les souvenirs glorieux du protectorat de Charlemagne, rendirent la tâche du pape facile et la fondation des colonies chrétiennes de Syrie fut le résultat de cet effort. Tant que l’autorité des papes demem’a incontestée en Europe, ils purent assurer à ces colonies les secours qui leur étaient nécessaires ; au contraire, quand la lutte du sacerdoce et de l’empire eut affaibli à la fois la puissance Tiolitique des papes et la notion de la république chrétienne, l’armée de la croisade perdit l’unité de direction, nécessaire au succès. Les puissances mai-itimes de l’Italie, dont le concours étaient indispensable aux armées chrétiennes, ne songèrent qu’à exjiloiter la croisade pour développer leur commerce et ne craignirent pas de conclure des traités particuliers avec les Musulmans. Les Hohenstaufen, et après eux Charles d’Anjou, essayèrent de se servir de la croisade pour satisfaire leur ambition politique. La croisade de 1204 fut la iiremière rébellion éclatante contre la volonté du pape. La prédication de la croisade contre des hérétiques ou des excommuniés eut pour résultat de disperser les forces qu’il aurait fallu concentrer en Orient. Bientôt la croisade se trouva discréditée dans l’esprit des fidèles <jui voyaient leurs princes prendre la croix et lever les décimes sans accomplir leur vœu. Saint Louis fut le dernier prince qui eut le vrai sens de la croisade. Il n’j' eut plus après lui que des expéditions d’aventuriers et des coups de main. Malgré les elforls des papes, l’Europe assista indifférente à la chute de Saint-Jean-d’Acre et de Constantinople : l’Orient tout entier fut asservi par les Turcs, et le résultat de plusieurs siècles d’héroïsme sembla anéanti. Et pourtant en dépit de cet échec, les croisades n’en tiennent pas nu>ins une grande place dans l’histoire. Oùivre des papes, elles eurent d’abord pour résultat de fortifier l’autorité pontificale. La prédication de la croisade donnait aux papes l’occasion d’intervenir dans les guerres entre les princes chrétiens et d’exercer leur juridiction sur tous ceux qui avaient pris la croix. Mais les avantages acquis ainsi pai* les papes étaient employés