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CROISADES

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Constantinople qui firent reconstruire l’église du Saint Sépulcre (102’ ;) et prirent les chrétiens de Jérusalem sous leur protection. Loin de diminuer, le mouvement des pèlerinages s’accrut encore au xi^ siècle. De véritables armées de pèlerins traversèrent l’Europe : en 1026, la bande de Richard, abbé de Saint-Vanne, comprenait 700 pèlerins ; en io65 Giinther, évêque de Bamberg, mena en Palestine plus de 1.200 Allemands, qui durent se défendre pendant leur voyage contre les attaques des Bédouins. La route de Palestine était donc familière aux Occidentaux, quand les invasions des Turcs Seldjoucides vinrent menacer l’empire byzantin et la chrétienté tout entière. Le pape Grégoire VII fit le projet de conduire lui-même une expédition en Orient pour faire cesser le schisme de Constantinople et délivrer les chrétiens opi^rimés par les Turcs (1078) ; la guerre des investitures l’empêcha de le réaliser. L’empereur Alexis Comnène chercha à enrôler dans son armée des chevaliers occidentaux ; mais ce fut le pape Urbain II qui conçut Acritablement l’idée de la croisade. La prétendue lettre d’Alexis Comnène au comte de Flandre est l’œuvre d’un faussaire. De même le rôle joué par Pierre l’Ermite a été défiguré par la légende. Seul Urbain II, frappé du danger où l’invasion des Turcs jetait lEuroiie, et désireux d’offrir une diversion aux guerres qui désolaient la chrétienté, x^rit l’initiative de la croisade.

III. Fccdation des Etats chrétiens d’Orient. — Le résultat de cette première croisade fut la fondation de colonies chrétiennes en Orient. Au concile tenu par Urbainllà Clermont-Ferrand (18-28 novembre 1095), des milliers de chevaliers prirent la croix au cri de : « Dieu le veut !)> Le mouvement se propagea dans toute l’Europe et des bandes populaires se dirigèrent vers l’Orient. Celle que commandait Pierre l’Ermite, après avoir massacré sur son passage les colonies juives des Ailles allemandes, parvint à Constantinople et fut détruite par les Turcs en Asie Mineure. Des armées plus régulières ai-riAèrent à Constantinople (1096-1097). Godefroy de Bouillon, duc de Basse-Lorraine, conduisit les Français du nord et les Allemands par la Aallée du Danube. Les Normands et les Français de l’ouest, sous les ordres de Robert Courte Heuse, duc de Normandie, de Ilugue de Vermandois, frère du roi de France Philippe I", d’Etienne, comte de Blois, passèrent les Alpes et s’embarquèrent dans les ports d’Apulie. Leur exemple entraîna les Normands de l’Italie méridionale avec Bohémond, fils de Robert Guiscard et son cousin Tancrède. Enfin les Français du Midi, sous Rainiond de S. Gilles, comte de Toulouse, et Adhémar de Monteil, éAêque du Puy et légat du pape, travcrsèrent la Lombardie et gagnèrent Constantinople par la Aallée de la Save. Le passage des croisés terrifia les Grecs, et les désordres qu’il excita engendrèrent les malentendus qui devaienl contribuer à l’échec des croisades. Alexis Comnène réussit, de gré ou de force, à se faire prêter serment de fidélité par les chefs croisés, mais après les avoir euvoyés assiéger Nicée, il se fit livrer la Aille par les Turcs et abandonna les Occidentaux à leur sort. Vainqueurs des Turcs à Dorylée (1" juillet 1097), les croisés traA’ersèrent le plateau d’AnatoIie au j)rix de cruelles souft’rances. Pendant qu’ils se raA’ilaillaient, grâce aux Arméniens du Taurus, Baudouin, frère de Godefroj- de Bouillon s’emparait de la princiiiauté arménienne d’Edesse (octobre). La prise d’Antioche (2 juin 1098) ouvrit aux croisés la route de Palestine, mais à peine entrés dans la place, ils furent assiégés à leur tour par Kerbùga, émir de Mossoul. Accablés par la peste et la famine, ils réussirent cependant à repousser les

Musulmans (28 juin 1098), mais les discordes entre Raimond de S. Gilles et Bohémond firent ajourner la marche sur Jérusalem. Enfin Bohémond garda Antioche, Raimond s’empara de Tripoli, et le 7 juin 1099 les croisés commencèrent le siège de Jérusalem dont ils s’emparèrent le 14 juillet. Après l’horrible massacre qui suivit la prise d’assaut, les chevaliers élurent Godefroy de Bouillon seigneur de la nouvelle conquête, puis, le 12 août 1099, ils fortifièrent leur situation en repoussant une armée égjptienne à Ascalon. Mais Bohémond était i)ris par les Sarrasins tandis qu’Alexis Comnène menaçait Antioche. En II 01, trois nouvelles croisades conduites par Etienne de Blois, le comte de Ncvers, Guillaumet IX d’Aquitaine et Welf IV duc de Bavière, traversèrent l’Europe, mais furent détruites par les Turcs en Asie Mineure. A la mort de Godefroy de Bouillon, son frère Baudouin d’Edesse, élu par les barons, se fit couronner roi de Jérusalem. Avec l’aide des flottes de Gênes et de Venise, il conquit toute la côte de Syrie, appela des colons, distribua des fiefs aux cheA’aliers, concéda des quartiers dans les villes aux Italiens et organisa Araiment les Etats chrétiens, composés du royaume de Jérusalem, du comté de Tripoli, des principautés d’Antioche et d’Edesse. Dans chacun de ces états, le pouvoir du prince était limité par de puissants feudataires. Dansle royaume de Jérusalem, les Aassaux et arrière-Aassaux se réunissaient pour former la Haute-Cour qui seule publiait les « Assises » ou coutumes et exerçait la juridiction suprême. II y avait aussi une « Cour des bourgeois » et des tribunaux de commerce dans les ports. Une hiérarchie ecclésiastique fut organisée sous l’autorité des patriarches de Jérusalem et d’Antioche, des abbayes fiu’ent fondées et reçurent en donation des biens considérables tant en Palestine qu’en Eurox^e. Mais la création la i)lus originale fut celle des ordres de chevalerie religieuse. Tous les nobles devaient au roi le service jierpétuel, mais lem’s forces réunies ne dépassaient guère 20.000 hommes. Poiu’assurer la défense des Etats chrétiens, on imagina de créer des ordres religieux dont les membres, bien qu’astreints aux Aœux monastiques, menaient la Aie des chevaliers et se consacraient à la guerre contre les Sarrasins. Ainsi furent organisés les Hospitaliers en 1113 (ils étaient d’abord les desservants de l’Hôpital Saint-Jean fondé par les Amalfitains à Jérusalem avant 1096) et les Templiers en 1 118. Sous les ordres de leurs grands maîtres, assistés du chai :)itre des chevaliers, auxquels étaient subordonnés les chapelains et sergents d’armes, ces ordres formaient de A’éritables réjiubliques : comblés de donations territoriales, ils possédaient en outre les châteaux les plus importants de Palestine, Margat, le Crac, Tortose, défendus i)ar de puissantes enceintes concentriques de tours carrées. Malheureusement leur autonomie et leurs intérêts souvcnt diA’ergents étaient des obstacles à l’unité de commandement et à l’union qui eussent été si nécessaires aux chrétiens.

IV. Destruction des Etats chrétiens. — La première moitié du xii"^ siècle fut en effet pour les colonies chrétiennes une époque de prospérité. Les chevaliers français, les colons italiens émigrés en Palestine, s’affinaient au contact de populations plus cultivées, sans rien perdre de leurs qualités militaires. Le commerce des Indes, concentré dans les ports, était une source de revenus fructueux, mais le manque de cohésion entre les Etals chrétiens, l’absence d’une autorité suprême incontestée, la faiblesse des secours envoyés d’Occident, permirent aux ennemis qui entouraient les colonies chrétiennes d’en préparer la ruine. Au nord les empereurs l)yzantins