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CRITIQUE BIBLIQUE

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le nom de midrasch, c’était quelque chose d’analogue à notre roman historique. La question est aujourd’hui débattue entre exégètes, même du côté des catholiques, à propos de Tobie, de Judith, Aoire de Ruth, d’Esther et de Jouas. Les catholiques se iirononcent en général, pour la négative, à cause du sentiment traditionnel. Cf. Gigot, Spécial Introd. to the stiidy of the Iloly Scriptiire, 1901, I, p. S^a, 352, 360 ; II, 1906, p. 484 ; P- Brlcker, dans les Etudes, igoS, t. XCI’V', p. 231 ; Vax Hooxacker, Les douze petits Prophètes, 1908, p. 324- — Plus aiguë encore et plus grave a été la controverse sur le caractère des récils primitifs de la Genèse, spécialement dans les onze premiers chapitres. Le sentiment commun parmi les catholiques y voit de « Ihistoire proiiremenl dite », encore qu’elle soit racontée d’après une « tradition populaire, dramatique et Aivement imagée ». Les arguments en faveur de cette manière de voir viennent d’être rajeunis par le P. Brucker, L’Eglise et la crii. biblique, 1908, p. 188 ; cf. Questio72s actuelles d’Ecriture Sai/ite, 1890, p.)45. D’autres s’étaient demandé avec le P. Lagraxge, La Méthode historique, igoS, 6^ Gonfér., et Bes’ue biblique, 1896, p. 381405 ; 1897, p. 341-379 ; 190g, p. 294, si le sentiment traditionnel s’imposait à la foi chrétienne, non pas seulement en ce qui concerne la valeur dogmatique de ces récits primitifs, mais encore au sujet de leur genre littéraire. Ils ne le pensaient pas, tout au moins estimaient-ils que la chose n’était pas certaine. Depuis, une réponse de la Commission pour les études bibliques (30 juin 190g) est venue conlirmer le sentiment traditionnel, relativement aux trois premiers chapitres de la Genèse. Cf. Acta ApostoUcæ Sedis, 15 jul. igog, p. 567. — Pour le fond de la question, voir Genèse (Récits primitifs de la).

Jusque dans les livres d’un caractère historique proprement dit, il ne faut pas chercher un récit composé d’après la méthode critique des modernes ; pour le fond et pour la forme, les textes bibliques relèvent d’un genre historique plus rudimentaire, tel qu’il était couramment pratiqué, dans l’antiquité, par des historiens du mérite de Polybe et de Thucydide. On I)eut prétendre écrire de l’histoire véridique sans l’appareil scientiQque des modernes.

Des auteurs ont cru pouvoir ajouter qu’il fallait en outre tenir conipte des mœurs littéraires reçues en Orient, et qui existent encore chez les Arabes. D’autres se sont alarmés, comme si, à la faveur de cette observation, on tentait d’introduire l’erreur dans la Bil)le. Réduite à sa juste portée, cette licence de l’histoire orientale se borne à certains procédés liltéi-aires inconnus des écrivains occidentaux. La généalogie est, par excellence, un document historique. Et pourtant, sa rédaction a, chez les Orientaux, un caractère conventionnel incontestable. Dans ces extraits de naissance, ils confondent, à dessein, la liliation réelle et la libation purement légale ; on y omet, sans scrupule, des générations intermédiaires ; ne serait-ce que pour obtenir la symétrie. Cf. Bict. de la /Jible (Vigouroux), igoo, III, col. 163-166. A quel historien de la France serait jamais venue l’idée de dresser une liste de nos rois, dans laquelle les noms de pkisieurs souverains auraient été omis délibérément, ou encore de faire d’Henri IV un fils d’Henri 111 ? (, )ue dirions-nous d’une généahjgic ainsi conçue : Rol)ort le Diable engendra Guiihiume de Nornumdic, Guilhiunie engendra Angleterre, Angleterre engendra Royaume-Uni et Royaume-Uni engendra Washington ? Elle serait calquée sur celle qui se lit dans la Genèse, x, G-13.— Il n’est pas jusqu’à la plus humble des formes reçues pour la conq>()sili()n hisioricjue, (pii n’ait trouvé sa place dans la Bible, je veux dire le « résumé ». L’auleur du second livre des Maccha bées, II, 24, 27, 2g, nous avertit qu’il s’est proposé d’abréger les cinq livres de Jasox de Cyrène.

2" Poésie. — C’est surtout dans ses compositions poétiques qu’éclatent la richesse et la variété de la littérature bi])lique. Il faut se contenter ici d’une sèche nomenclature. La poésie lyrique sous toutes ses formes : ode (historique ou allégorique), élégie, épithalame, etc., a trouvé son expression dans les Psaumes ou encore dans les Prophètes ; par exemple, dans /s., xiv, 4 ; xxvx, I ; XXXVIII, 1 o ; Jéréni., Thren. ; jE’cecA., xix. La poésie gnomique a atteint dans les livres Sapientiaux une hauteur inconnue aux autres littératures. Le lyrisme de Job, sur un sujet philosophique et sous la forme d’un dialogue didactique, en fait un genre à part. Si le Cantique des cantiques n’est pas un drame, faute d’une intrigue suffisante, il peut du moins soutenir la comparaison avec les plus beaux morceaux de la chorique grecque. La fable et la parabole étaient déjà familières aux auteurs de l’A. T. : Jud., ix, 7 ; W Reg., XIV, 9 ; lllieg., xiv, 6, xii, i ; cf. P. Lagraxge, La parabole en dehors de l’Evangile, dans la Revue biblique, igog, p. 337. Mais c’est dans le N. T., sur les lèvres de J.-C, que la parabole devait arriver à sa perfection. Des allégories se lisent dans Ezéchiel, ch. XVII, XXIII, XXIV, et dans S. Jean, x, i-iG.

3’^ Genre épistolaire. — Il est représenté tout d’abord par la lettre proprement dite, comme celles écrites par S. Paul aux ïhessaloniciens. On réserve le nom d’épîtres aux traités doctrinaux envoyés aux Romains et aux Hébreux ; tandis que plusieurs parlent volontiers de simples billets, à propos des quelques lignes adressées à Philémon et à Gains.

4° La littérature hébraïque connaît deux genres littéraires qui lui sont propres, ou du moins plus familiers : la Prophétie, et l’Apocalypse.

Le prophète juif ne se contente pas, comme l’oracle de Delphes, de courtes sentences énigmatiques, concernant exclusivement les choses à venir ; il délivre le message divin dont il est chargé, d’une façon plus ample. Isaïe, Jérémie et Ezéchiel ne craignent pas de faire appel à toutes les ressources de la Rhétorique et de la Poésie pour plaire et émouvoir. C’est que la prophétie biblique n’est pas seulement une prédiction de l’avenir, elle est encore une interprétation de l’histoire et une appréciation du présent. Le prophète est tout à la fois un voyant et un prédicateur. Il iml )orte beaucoup d’en connaître la psychologie, si l’on veut interpréter correctement son texte. D’ordinaire, le prophète décrit l’avenir sous les couleurs du présent, ou encore du passé, tel qu’il est connu de ses contemporains par l’histoire nationale ; il voit, tout au moins il décrit, le royaume messianique comme l’aboutissement normal et glorieux des règnes de David et de Salomon. On dirait aussi que les événements prédits vont se réaliser coup sur coup, qu’il sera donné aux Juifs qui reviendront de la captivité de contempler la i)ersonne et l’œuvre du Messie ; ce n’est là qu’une illusion d’optique, due au manque de perspective dans la vision prophétique, pour laquelle le temps et l’espace semblent ne pas compter. C’est ce que les exégètes appellent le contexte « optique », quand des événements sont décrits per modum unius, bien qu’en réalité ils doivent être séparés. Cf. J. Tor-ZARD, Sur l’étude des Prophètes de l’Ancien Testament, dans la Revue prai. d’Apologétique, igo8, p. 1 86 ; et A. B. Davidson, Old Testam. Propheo, 1 904, p. 169.

L’Apocalypse juive, en tantdumoins qu’elle se distingue de la prophétie, est un genre littéraire dans le([uel, sous forme de visions prêtées par un auteur pseudonyme à quelque personnage illustre de l’histoire ancienne biblique, on traitait de choses concernant l’avenir, surtout l’avenir des derniers temps. A