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CRITIQUE BIBLIQUE

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partisans ou, du moins, des témoins sympatliiques : Mf-r Batiffol et le P. Lagrange, sans parler de MM. LoisY et MiNOCcni ; et parmi les protestants conservateurs : Zahx, Roehrich, etc. Plus près de nous encore, M. Lepix, Jésus Messie et Fils de Bien, iqo5- p. XXXVI ; M. Jacquier, Histoire des li-i’es du y. T., 19052, p. 355, et M. Brassac, Manuel biblique (Bacuez), 1908’-, III, p. 114> inclinent, mais en hésitant, vers une solution éclectique.

L’authenticité de nos évangiles canoniques n’exige pas qu’on date leur composition d’une façon plus précise que n’a fait la tradition ; or l’on sait que les critiques, même les plus conservateurs, ne s’accordent pas à ce sujet. Cf. Mangenot, Evangiles, dans le Dict. de la Bible (Yigouroux), II, col. 2061 ; Bacuez-Buassac, Manuel biblique, 1908’2, iii, p. 61-62. « La chose particulièrement importante, dit M. Lepin, op. cit., p. XXXIX, est que nos trois synoptiques, alors même qu’il faudrait les attri])uer à la seconde génération chrétienne et réduire la part prise par les auteurs traditionnels à leur rédaction, reposent sur des traditions orales et des documents écrits appartenant à la première génération, à l’époque même où vi"aient encore les témoins directs du Sauveur. Or, c’est là un des faits les plus sûrement constatés par la critique moderne.)- C’est exactement la conclusion formulée par M. Harxack, Bas JVesen des Chvistentums, 1900, p. 14 (trad. franc. 1907, p. 33) : « Les Evangiles ne sont pas des écrits tle parti… ; ils nous mettent incontestal )lement en présence d’une tradition primitive. » Cf., du même auteur, Spriiche und Reden Jesu, 1907. Il n’était pas possible de donner à Baur un démenti plus catégorique. A. Jueligiier, Einleit. in das N. T., 1901’, p. 298, et surtout B. Weiss, Die Quellen der synopt. Uebeiiieferung, 1908, p. 221, 235, 251, ne sont pas d’un autre avis.

Jusqu’à ces dernières années, on avait, dans la question des Evangiles, envisagé presque exclusivement l’aspect littéraire du problème, celui qui intéresse l’origine des textes ; aujourd’hui, on s’attache à préciser le caractère et le développement de la tradition contenue dans les Evangiles. C’est l’aspect historique du problème, qui a pour objet de déterminer la valeur de cette tradition comme source de la vie de Jésus. Cf. Wernle, Die Quellen des Lebens Jesu, 190/4 La solution donnée à la question littéraire aboutissait à l’hypothèse des deux sources (Q et Marc), que l’on tenait généralement pour originales et lioniogènes ; l’œuvre de Marc, en particulier, était un écho sincère de la prédication de Pierre. Or, c’est à cette confiance dans la valeur du second évangile ([ue des critiques (Wrede, J. Weiss, Welliiausex, SciiwRiTZEH, Loisy) s’cu prennent maintenant. Il serait une œuvre de seconde main et une composition tendancieuse. Son auteur aurait une théologie, — celle de S. Paul ; — et son souci souverain aurait été de la faire remonter au Christ en personne. Du côté des conservateurs, on a répondu ({ue le paulinisme de Marc, fùt-il réel, n’a rien d’in([uiétant, puisque l’analyse des Epîtres fait voir qu’en substance ce paulinisme est antérieur à Paul, et qu’il faut bien rattril)uer au Christ lui-même. R. J. Knowling, The tesliniony of S. Paul ta Christ, 1905.

Dans cette nouvelle phase, la critique s’attache aux idées qu’elle estime avoir été génératrices de la tradition évangélique, beaucoup plus qu’aux faits consignés dans cette tratlitiou ; parce que ces idées auraient modelé les faits eux-mêmes. Les évangiles, dans leur teneur définitive, seraient résultés de ten dances religieuses très actives. Nous voilà, par un n-cul inattendu, ranu-nés au procédé dislinclif de l’école de Tubingue. Cf. Loisy, Les éyangiles synoptiques, I (1907), p. 66, et Wellhausen, Einleit. in

die drei ersten Eyangelien, 1905. Il va sans dire, du reste, que ces idées génératrices, surtout l’idée maîtresse, varient avec les critiques de cette école. Pour les uns (J. Weiss, Sgiiweitzer, Loisy), tout l’Evangile gravite autour de la conception que Jésus se serait faite d’un Royaume de Dieu purement eschatologique ; pour Wrede, l’Evangile reste inexplicable, tant qu’on n’a pas deviné l’énigme du secret messianique. M. Harnack, Spriiche und Reden Jesu, 1907, p. 3, raille agréablement ces faiseurs de systèmes, qui font dépendre toute étude sur les Evangiles d’une « idée fixe » ; mais est-il bien sûr d’échapper à la critique, lui qui fait tenir obstinément toute la prédication de Jésus dans la notion du Dieu-Père ?

La question du Quatrième Evangile se pose à part, distincte de celle qui concerne les Synoptiques. Cette distinction a sa raison d’être, même si l’on admet l’authenticité et le caractère historique de cet écrit, à cause des pai-ticularités qu’il présente, tant pour le fond que pour la forme. Aussi bien, commence-t-on à en tenir compte jusque dans l’enseignement courant. Cf. B.vcuez-Brassac, Manuel biblique, III, 1908’-, p. 102, 135. En outre, le problème se complique ici de celle des rapports du quatrième évangile avec les lettres de S. Jean et de l’Apocalypse ; c’est la question dite johannique. L’unité littéraire de ces écrits a trouvé, ces derniers temps, plus d’un défenseur ; notamment M. Harxack, Geschichle der altchristlichen Literatar, 1, Die Chronologie, 1897, p. 80-110. Mais, par contre, l’authenticité et le caractère historique de l’Evangile selon S. Jean a perdu du terrain dans les milieux protestants et modernistes. Voir à ce sujet, d’une part : J. Réville, Le Quatrième Evangile, 1901 ; A. Loisy, Ze Quatrième Evangile, 1908 ; et d’autre part (conformément aux conclusions traditionnelles ) : M. Lepin, L’origine du Quatrième Evangile, 1907 ; E. Jacquier, LIistoire des livres du Nouveau Testament, 1, 1908. Le plus grand nombre des critiques placent aujourd’hui la composition du Quatrième Evangile entre 100 et I25, au lieu de 160 et 170, qui est la date mise en avant par Baur. Sur l’origine de I’Apocalypse, voir ci-dessus, col. 151-153.

La réhabilitation des Actes des Apôtres est en bonne voie, grâce aux travaux de Ramsay, Blass, C11.A.SE, CoppiETERS et IIauxack. Le nombre des critiques, admettant leur unité littéraire et leur authenticité, augmente cliaque jour. Entre la date proposée aujourd’hui par M. Ilarnack pour leur composition et celle couramment admise dans l’école de Tubingue, il y a un siècle de différence. Voir ci-dessus, col. 261, l’article Apôtres (Actes des).

Au lieu des quatre grandes épîtres seulement (Gal., l et II, Cor., Rom.), qnc Banr laissait à S. Paul, c’est l’ensemble des lettres à lui attribuées par la tradition, qu’on reconnaît maintenant pour l’œuvre authentique de l’Apôtre. A. Jueliguer ne fait d’opposition qu’aux seules épîtres pastorales (Tit. et Tim), il doute de celle aux Ephésiens ; de son côté, A. Harnack n’a d’objection à soulever que contre les épîtres pastorales ; encore y reconnaît-il des fragments authentiques. Cf. F. Prat, La théologie de S. Paul, 1908, p. 14. Quelle que soit la valeur des hypothèses qui ont été laites au sujet du rédacteur de VEpitre aux Jlébreux (et il y en a de bien singulières), on est près de s’entendre pour placer sa composition avant l’an 70. Quant à la part qu’il convient de faire à S. Paul dans la fondation du christianisme, c’est une queslion de criliciue religieuse revenue, plus que jamais, à l’ordre du jour ; mais elle se fonde précisément sur l’authenticité et l’intégrité des Epîtres ; d’autant plus qu’il y a, encore aujourd’hui, une tendance à exagérer le rôle joué par l’Apôtre.

Les études sur les Epîtres catholiques (Jacob.,