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CRITIQUE BIBLIQUE

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la première moitié du xix « siècle se montrèrent plutôt favorables aux résultats de la critique moderne ; on peut citer Movers, Haneberg, Reixke, etc. Toutes les forces vives de l’apologétique catliolique étaient alors dépensées à faire face aux attaques dirigées contre la chronologie Jjiblique au nom de l’égyptologie, et contre les premiers récits de la Genèse au nom des sciences natvirelles : la géologie, l’astronomie et la paléontologie. Cependant, vers le milieu du siècle, les auteurs d’Introductions à l’Ecriture Sainte (Herbst etWELTE, 1840 ; Glaire, : 843 ; Sciiolz, 1845) commençaient à faire à la critique du Pentateuque un peu de place ; Kaulex, 1876, Ubaldi, 1877, Corxely, 1885, devaient lui donner plus de développements. M. Vi-GOUROUX, S. S., a été le premier à vulgariser en France la question sous sa foruîe actuelle, d’abord dans le Manuel biblique, I, 18 ; 8 ; puis dans les Lisi-es Saints et la critique rationaliste, III, 1886. Comme ses devanciers, il s’en tient au sentiment traditionnel. A vingt-cinq ans de distance, on peut observer un changement de position dans la dernière Introduction spéciale à l’A. T. sortie d’une plume catholique : Fr. Gigot, S. S., Spécial Introd. to the study of tlie Old Testament, 1901. Je le cite. « Un certain nomljre de saA’ants catholiques, qui apparemment ira en croissant, — tels que Bickell, Von Hummelauer, S. J., en Allemagne ; Vox HuEGEL, Rob. Clarke, en Angleterre ; Lagraxge, O.P., à Jérusalem ; Loisy, Robert et d’autres, en France, etc. — acceptent comme solidement établis la plupart des plus importants résultats de la recherche critique », p. 45 ; cfr. p. 110, 187, i^o. Depuis, il a paru deux ouvrages dans lesquels on soutient le sentiment traditionnel : James Orr (protestant écossais), The problem of the Old Testament, 1906 ; et E. Maxgexot, L’authenticité mosaïque du Pentateuque, ’.907. Il faut joindre à ces monographies J. Brucker, L’Eglise et la critique biblique, igo8, p. 103-189. D’après ce dernier, on peut ramener à trois points ce qu’il est permis de retenir de la théorie documentaire : 10 La constitution définitis’e du Pentateuque peut être postérieure à l’exil ; et donc les écrits dont il se compose auraient existé jusque là séparément. 2° Il est possible que Moïse ait fait rédiger ces textes par des écrivains sous ses ordres. 3" La rédaction des écrits d’origine mosaïque peut se fonder elle-même sur des documents plus anciens.

b) Tous les autres livres de l’A. T. ont été soumis successivement à l’épreuve de la critique histoi-ique. Du reste, il est facile de s’apercevoir que, par contrecoup, l’attitude prise vis-à-vis du Pentateuque change déjà, à elle seule, toute la perspective de l’A. T. : histoire, institutions et doctrines.

Il y a cinquante ans, on se demandait s’il fallait abaisser la date de la composition de quelques psaumes à l’époque des Macchabées ; aujourd’hui, écrit Wellhausex, on se demande s’il y a des psaumes datant d’avant l’exil. Voir l’article Psaumes. De Delitzscii (1860), qui maintenait encore au compte de David 44 psaumes (sm- ^3 qui lui sont attribués par les titres), à Bakthgex (1897), qui ne lui en conserve plus que 3, on peut mesurer le chemin parcouru. Pour Driver, res non liquet, tandis que Duhm et Cheyxe se rangeraient volontiers à la formule de Wellhausen. La plupart des catholiques : Patrizi, Vax Steexkiste, Lesètre, Crampox, Filliox, PanxiER maintiennent que le plus grand nombre des psaumes datent d’avant l’exil et que beaucoup sont de David ; mais ils accordent que les autres sont de l’époque du second Temple, et même que quelques-uns pourraient bien avoir été composés sous les Macchabées. Dans ces conditions, le psautier n’aurait été définitivement clos que peu de temps avant la composition du prologue de l’Ecclésiastique grec, vers 1 30.

D’autres cependant, par exemple le P. Zenner, Die Psalmen nach dem Urtext, 1906, I, p. 20, se rapprochent plutôt des conclusions de Bathgen. Il faut bien convenir que la date, même approximative, de la plupart des psaumes devient très difficile à déterminer, du moment que l’on n’accorde pas de valeur historique aux titres qui les attribuent respectivement à David, à Asaph, à Coré, etc.

c) Les livres historiques, n’étant datés d’aucune façon, laissent une porte largement ouverte aux conjectui’es. Assez généralement, on place la composition des deux premiers livres des Rois (autrement dit de Samuel) entre le viii" et ai’siècle. On se contente d’assigner aux deux autres l’époque qui a précédé l’exil, sans préciser davantage. M. M. Vernes, Précis d’histoire juive, 1889, p. 478-820, place au iv^ siècle la composition des quatre livres des Rois ; mais son opinion est restée sans écho. Esdras et Néhémie seraient du IV* siècle, les Paralipomènes (ou Chroniques ) auraient été rédigées après la construction du second Temple, entre 300 et 260. Les livres des Macchalîées sont du 11’siècle. Rien de précis sur l’âge de Ruth, de Job, de Tobie, de Judith, d’Esther et de Jouas. On discute même sur leur genre littéraire. — Le caractère de l’histoire biblique fait l’objet de vives controverses. Pour les tenants les plus avancés du

« criticisme)>, cette histoire est d’un bout à l’autre

foncièrement pragmatique, c’est-à-dire destinée à justifier les institutions et les doctrines du temps présent, en les reportant dans le passé par fiction littéraire. En somme, les auteurs de ces prétendus livres historiques auraient été avant tout des poètes. C’est la thèse plus que paradoxale de M. Vernes, loc. cit. Les autres, tout en admettant que l’histoire biblique est tendancieuse, estiment qu’elle met au service de la cause qu’elle entend défendre, non pas une pure fiction poétique, mais une tradition populaire, dont la valeur est de moins en moins historique à mesure que l’on remonte vers les origines. Le Pentateuque, à partir de l’Exode, serait l’épopée du peuple d’Israël, tandis que la Genèse représenterait sa mythologie. Avec les Rois seulement on prendrait pied sur le terrain ferme de l’histoire. Cf. Ryle, The early A’arratives of Genesis, 1892 ; IL Guxkel, Genesis, 1901, dans le Ilandkommentar zuni A. T. de W. Nowack, et plus brièvement dans Die Sagen der Genesis, 1901 (tiré à part de la première livraison du précédent commentaire) ; A. Loisy, Etudes bibliques, 1901, p. 61. Toutes les Histoires d’Israël publiées depuis cinquante ans relèvent plus ou moins de la critique littéraire et du mouvement d’idées dont nous venons de parler. Il faut citer celles de Eavald 1843, Grætz 1 853- 1875, HiTziG 1862, Reuss 1877, Le-DRAix 1879, Stade 1887, Kittel 1888, Vernes 1889, Renan i 887-1 891, Wellhacsen 1894, Kent 1896,

CORNILL 1898, PiEPENBRING l8y8, GUTHE 1899.

Pour les catholiques, le récit biblique reste VHistoire Sainte. Tout en convenant qu’il a été conçu et conduit en vue d’un enseignement religieux à donner, ils lui reconnaissent un caractère historique proprement dit. Quelques-uns pourtant ont fait exception pour les récits primitifs de la Genèse. Voir plus bas III, 2 b. M. ViGouRoux, a publié quatre volumes, plusieurs fois réédités, La Bible et les découvertes modernes, 1877, pour justifier l’exactitude du récit biblique. M. Lesï : tre, Histoire Sainte, 1908^ (qui est à compléter par Les récits de l’Histoire Sainte dans la Revue pratique d’Apologétique, avril 1906 et suiv.) ; et M. GiGOT, S. S., Outlines ofthe jewish historryiSgj, (commençant avec Abraham) ont tenté d’écrire un précis d’Histoire Sainte, en tenant compte des résultats certains ou du moins acceptables de la critique moderne.