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CRITIQUE BIBLIQUE

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niens, s’étant relâchés de la conception rigide de la théopnevistie, telle que les premiers Réformateurs l’avaient enseignée, apportaient à Télude de la Bible des procédés philologiques et historiques dont leur exégèse n’avait pas tardé à se ressentir. R. Simon connaît les commentaires de l’arminien Grotius (de Groot, -^ 1645), et en fait assez de cas, toutefois sans lui épargner la critique, p. 443. Mais il est évident par tout le contenu de V Histoire critique (et l’auteur en fait plus d’une fois l’observation expresse, p. 13, 35^, 427, 478) » f^^e l’œuvre tend à ruiner la prétention des Protestants de faire de l’Ecriture la règle unique de la foi. Cf. A. Sabatikr, Les religions d’autorité et la religion de l’esprit, i(jo4, p. 320-321. C’est ce dont convenait Bossuet lui-même. Cf. Margival. lac cit. C’est un fait, que les Protestants furent les premiers à réfuter l’Histoire critique. Ils le firent d’abord par la piume de Jean Lk Clerc (Clericus), un arminien de Hollande, dans une série de publications qui s’ouvre en 1680, par les Sentiments de quelques théologiens de Hollande sur VHist. crit. du V. T. de Richard Simon. Vint bientôt après la Défense des Sentiments. .., 1686 ; et enfin Ars critica in qua ad studia ling. lat. grœc. et hebr. via munitur, 1697. Du reste, la critique de J. Le Clerc sur le Pentateuque était encore plus radicale que celle de R. Simon. Du côté des Catholiques, VHistoire critique ne reçut pas un meillem" accueil. On sait comment elle fut condamnée à Paris dabord, puis à Rome. C’est pour la réfuter que Bossuet a écrit sa Défense de la Tradition et des Saints /^ères (publiée seulement en 1743). Cependant, si, à plus de deux cents ans de distance, on compare la position prise par R. Simon dans la question du Pentateuque avec la récente réponse de la Commission biblique, on constate qu’elle se trouve satisfaire aux exigences du décret du 27 juin 1906.

e) Ce n’est qu’un siècle plus tard que le problème littéraù-e concernant le Pentateuque devait être repris. Il le fut par un autre catholique français, J. AsTRUc, Conjectures sur les mémoires originaux dont il paraît que Jloïse s’est servi pour composer le livre de la Genèse, Bruxelles, 1753. Voir l’article Astruc dans le Dict. de la Bible (Vigouroux). Le mémoire d’Astruc fut réfuté sur-le-champ par les protestants J. D. MicHAELis et J. F. W. Jérusalem, qui le prenaient de très haut avec le médecin de Montpellier. C’était pourtant l’époque où Lowth en Angleterre et Herder en Allemagne mettaient en honneur les études littéraires sur la Bible.

2. L’Ancien Testament et la critique depuis un siècle. — rt) La lin du xviii* siècle fut marquée en Allemagne par une activité philosophique et littéraire sans précédent dans l’histoire de ce pays. Les études bil)liqucs devaient s’en ressentir. On commença par l’Ancien Testament. Les idées de R. Simon et d’Astruc furent reprises par J. G. Eicuuoux, Einleitung in das A. T., 1780-1788, qui du reste ne nommait pas même Astruc ; et peut-être en clfet ne le connaissail-il (pie par la réfutation de Michælis. Les travaux d’Eiclihorn furent suivis de près par ceux d un prêtre catholique anglais, Alex. Geddes (1792), qui concluait dans le même sens. Désormais, la question du Pentateuque est à l’ordre du jour, et elle y restera pendant un siècle. C’est sur ce terrain, on peut le dire, que s’est édiiiée la critique bil)lique moderne. Les universités allemandes en ont eu pendant plus de cinquante ans le monopole. Toutefois, il ne faut pas oublier que E. Rkuss, dit le Nestor de la criticiue, qui enseignait à l’université de Strasbourg, restée française jusqu’en 1871, semble avoir ouvert la voie dans laquelle on marche encore. De l’Allemagne, la ques tion passa dans les écoles de la Hollande, de 1" Angleterre et de la France.

On peut voir dans l’article Pentateuque par quelles vicissitudes et au milieu de quelles polémiques l’hypothèse’( documentaire » d’AsTRUc-EicHuoRX s’est acheminée vers l’hypothèse dite du « développement » de Reuss-Graf-Wellhausex (on dit encore Gr.f-KuE ^"E^-^^’ELLHAUSE^"), couramment reçue aujourd’hui. Voici à quoi elle revient. Le Pentateuque (ovi plutôt l’Hexateuque, car Josué fait littérairement corps avec les livres précédents), date, dans sa forme actuelle, d’après l’exil ; — on ne s’accorde pas pour fornmler une date plus précise. Cette rédaction se fonde néanmoins sur des documents fragmentaires plus anciens, à savoir : P = le Code sacerdotal (appelé tout d’abord Eci-it fondamental, Livre des origines, ou Elohiste tout court) ; E ^ l’Elohiste (ou encore le second Elohiste, par opposition au précédent) ; J = le Jéhoviste (ou le Livre de l’alliance) ; D z= le Deutéronome. Or, P serait du i’^ ou même du v » siècle, E du vii<= ou du viii<=, D du VII, J entre le vin « et le x*". Selon qu’ils donnent ou non à ces portions intégrantes de l’Hexateuque des sources écrites plus anciennes, et surtout qu’ils reconnaissent à ces documents une valeur histoiùque plus ou moins grande, les critiques sont dits relativement conservateurs ou radicaux. Tandis que Dillmaxx et Noeldeke placent la composition de la plupart de ces sources au ix<= ou au x’siècle, et même certains fragments à l’époque mosaïque, Wellhausex ne veut pas remonter au delà du viii’siècle ; à l’entendre, le Décalogue daterait du temps du prophète Michée. Dans sa phase actuelle, la critique de l’Hexateuque ne donne plus qu’une importance secondaire au critère littéraire ; l’argument historique lui-même, celui qui résulte de l’analyse du contenu de ces écrits, se fonde avant tout sur le développement progressif des institutions et des doctrines bibliques. Pour préciser ce développement, on prend comme point de repère le Deutéronome, qui aiu-ait été composé au vu siècle, du temps du roi Josias. Cette date est tenue pour certaine.

Les représentants les plus connus de l’école critique, dont les conclusions vont s’écartant toujours davantage des données traditionnelles, sont : Allern., EicHHORX, Ilgex, de Wette, h. Ewald, Vater, Vatke, Knobel, Graf, Hupfeld, Schrader, Noeldeke, Welliiausex, Stade, Budde, Fried. Delitzsch, Holzixger ; HolL, Kuenex ; France. E. Reuss ; Angl., Geddes, Rob. Smith (Encycl. hritannica), et Encycl. biblica (Ciieyne). — L’école conservatrice protestante peut se réclamer, en Allemagne, de Hexgstex-BERG, LïicKE, Keil, Hæverxick, Ed. Koemg, Jul. BoHM. Sam. Œttli, Franz Delitzsch qui devait se rallier, peu avant sa mort, à des conclusions plus avancées : et. en Angleterre. de Bissel, Green, Baxter, Orr. — Entre ces deux extrêmes il existe une école intermédiaire : Allem., Bleek, Kamphausen, Dill-MANX. Kittel, Baudissix, Strack, Klostermann, Con-MLL. Kautzscii ; langue angl., Colexso, A. B. Davidson. Driver, Rylk, B. W. Bacon, Briggs, Dict. of tlie / ?(7y/e (Hastings) ; langue franc., IIalévv, Brustox, Westpiial, L. G.vutier. Il va sans dire que cette classitîoation n’a rien d’absolu, la complexité du problème et la Aariété des solutions qu’il a reçues, ne permettent pas de prétendre à plus de précision. Cf. Westpiial. Les sources du Pentateuque, l. Le problème lilléraire, 1888 ; II, Le problème historique, 1892 ; Cli. Briggs, Tlte higher criticism of the Hexateuch, édit. de 1897 : IL HoLzi.VGKK, Einleit. in den Hexateuch, 18., 3.

Du côté des catholiques, le problème littéraire du Pentateuque excita tout d’abord peu d’intérêt. Les quelques Allemands qui s’en sont occupés pendant