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AGNOSTICISME

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iiilinic est tellement au-dessus de tout qiie l’intelliy^ence est impuissante à dire ce qu’elle en conçoit. F. dist. 8, q. I, art. i, ad 5 ; Suarez, Disp. inetapli., io, 12, n. De Pot., q. 7. a. 5, ad 13 sq.

2'J Les attributs relatifs, pris au sens de droit, se lamènent à des attributs aljsolus, et par conséquent ()nt de pair avec eux (sajiessc. libre volonté, puissance rtc). Nous pensons ces attriJ)uts al)solus par des con pts empruntés aux créatures : par exemple la sagesse livine est pensée par nous au moyen du concept de -an’csse en général, résidu de notre expérience I, (list. 22, q. I, art. i, ad 2). Or, il est clair que le concept commun de sagesse ne jieut pas s’appliquer à Dieu tel que nous le pensons, sans aucun correctif ; soit parce qu’en Dieu la sagesse n’est pas la sagesse en général, mais la sagesse divine, soit parce que la sagesse, telle cjue nous la pensons par le concept général de sagesse, est une qualité linie ou négati"cluent infinie qui n’est pas ainsi en Dieu où la sagesse est la substance positivement inlinie (De Pot., qiiæst. 7, art. 2, ad -). Si quelqu’un disait : « La sagesse en général, telle que je la pense, est en Dieu », il ne dirait pas une cliose absolument fausse, mais il parlerait d’une manière incongrue : affirmationes incoiiipaclae, dit Denjs. L’affirmation ne serait pas absolument fausse : parce que la sagesse en général, telle que vous la pensez, est une chose créée ; or toutes les perfections créées sont en Dieu de quelque manière. Comme d’ailleurs, en pensant la sagesse en général, vous formez un concept objectivement illimité, la cliose signifiée se trouve en Dieu. Mais votre airirmation est incongrue pour deux raisons. 1° Quand on donne à Dieu le nom de sage, on ne veut pas dire seulement qu’il connaît et produit la sagesse, mais bien qu’en soi il est sage, Z>e /'o^, q. 7, a. 7, ad 6, ser. i. 2" Et si Aous répondez que c’est bien ici que vous l’entendez, alors vous parlez de travers, en disant ([ue la sagesse est en Dieu, telle que aous la pensez (De Pot., q. -, art. 5, ad 2 ; cf. Corderius, Proleg. in Dionys., Migne, t. III, col. 83). Vous jjcnsez en effet la sagesse comme distincte, aliquam furiiiani de/initain : or en Dieu elle n’est pas ainsi, puisqu’elle est identique à la substance et i)ar suite à toutes les autres perfections. On peut donc nier votre proposition, puisque toute projtosition allirmative, qui n’est pas vraie à tous égards, est en toute rigueur niable : Ad yeritatem et proprieiatetn affirmationis requirltur ut toium — res si'^nificata et modas signiflcandi — affirinetitr I, d st. 22, art. 2, i ; dist. 4> <l- 2, art. i, ad 2 ; dist. 3/|, quæst. 3, ai’t. i). Au contraire pour qu’une proposition négative soit vraie, il suffît que la proposition aflirmalive contradictoire soit inexacte sur lin seul point : Ad proprietatem negationis sufficit si alterum tantum desit : ideo dicit })ionyi ; ias quod negatiories saut ahsoltite verae, sed tiffinnationes nonnisi secaiiduin qiiid (l, dist. 22, q. i, art. 2, ad i). Que dans tous ces j)assagcs, comme dans la ({uestion 7 De Pot., art. 5, dont on a tant abusé, ce ([ue S. Thomas concède qu’on peut al)solument nier de Dieu, ahsoldte negari possunt I attrituitaj, soit « la sagesse en général, telle que nous la concevons » ; on ne saurait en douter, si i" on remarriue que cette plirase commence par un ideo qui la joint à la précédente et détermine le sens où il faut la prendre ; 2" et qu’elle finit par ces mots : coiueniunf Deo attriIxita suhlimiori modo ; clsid'^ Von connaît la terminologie de S. Thomas sur les négations al)solucs (cf. 4 Metaph., lect. 3 init., et l’enqjloi cpi’il en fait v. g. I, dist. 28, quæst. i, art. 1, ad 2 ; dist. 13, art. 4). Enfin S. Tlionuis s’en expli(iuc clairemenl lui-même : Qii(im-is non nomiiiemus Deuin nisi e.r creaturis, lion lamen sempcr noniinanius ipsitni ex perfectione quæ est propria creaturx.secundumproprinm modum

participandi illam ; xoilk bien « la sagesse en général, telle que nous la concevons », dont on a dit que rallirnier de Dieu est incongru et qu’on peut la nier de Dieu ; mais S.Thomas ajoute : « Sed etiani possiinius imponeve nomen ipsi perfectioni absolute : et hæc pruprie dicuntur de Deo. » S. Thomas n’a pas lu M. Le Roy ; mais il a lu Maïmonide, et il se trouve que contredire ^laïmonide. c’est renverser tout le système de M. Le lloy I, dist. 22, quæst. i, art. 2, ad 2 sqq.).

Maintenant, comment x^^^sera-t-on du concept

« de la sagesse en général, telle que nous la pensons » à la sagesse en Dieu ; comment le concept

commun deviendra-t-il un concept propre ? Xegatione conceptus communis fit proprius, none.r propnis, sed ex conununihiis. On procède par négations, qui portent et sur le mode dont la sagesse est dans les créatures et surtout sur le mode dont nous connaissons la sagesse (Suniina, 1, quæst, 13, art. i ; cf. Tolet, in h. 1.). Mais il reste bien entendu que ces négations ne nous amènent jamais à connaître l’essence ut est in se, et aussi que ces négations n’aboutissent pas à nier en Dieu la sagesse : sunt positiones efficaces, dit le commentateur de Denys, S. Maxime (cf. TiioMASsix, De Deo, lY, 7-12). S. Thomas donne sa pensée sur ce sujet d’une façon piquante qui fait bien saisir le résultat de l’opération : « On parle du sourire des prés ; la sagesse incréée diffère plus de la sagesse créée que la floraison des prés ne diffère du sourire de l’homme, si l’on considère ce que la sagesse incréée est en Dieu ; mais quant à la raison objective pour laquelle on donne le nom de sagesse et à la sagesse divine et à la sagesse créée, la ressemblance est plus grande qu’entre les fleurs des prés et le sourire de l’homme, parce que cette raison objective est une par analogie, se trouvant en Dieu comme dans le premier principe et dans la créature par a oie de causalité. » I, dist. 22, q. 1, art. 2, ad 3.) Ce rôle des négations dans notre connaissance de Dieu en soi est la seconde raison pour laquelle tous les théologiens disent que la" connaissance négative est la i)lus parfaite.

3*^ On parle souvent, avec un air mystérieux, de la voie de négation et d'éminence, surtout de cette dernière. En réalité rien n’est plus simple, et tous les fidèles conçoivent Dieu par Aoie d'éminence, comme M. Jourdain faisait de la prose : il s’agit tout simplement de concevoir Dieu, par exemple connue sage, au superlatif absolu. Xous disons tous familièrement d’une personne bienfaisante : « C’est la bonté en personne, c’est la bonté même » ; les grammairiens ramènent cet emploi de l’abstrait pour le concret à un superlatif absolu. L’adverl)c tout ou l’adjectif se » / jouent le même rôle : Lillré, ou un autre dictionnaire, fourniront des exenq)lcs ; toutes nos mères et sivurs parlent couramment de fil cxtrafort. les hommes connaissent la fine chanq)agne superfine. On dit en théologie que les noms divins sont attribués à Dieu par voie d'éminence, lors<[irils sont employés de la sorte : il est la bonté même, le toutpuissant, le seul Très Haut, sa sagesse est supérieure à tout. Jusipie là, le rôle de la négation n’apparaît guère, liien <pie toutes ces expressions renfcriuenl la négation d’une parité, conçue i)ar resi)ril, el écartée. Celte négation devient quehpiefois très saillante, et le superlatif absolu s’exprime jiar une négation sur latpielle seuls les nigauds se méprennent. X. g. à une noce de campagne, on offre de l’alicante au dessert ; les convives, gens bien élevés, se croiront tenus de dire aux mariés : « Mais ce n’est pas du vin ! » Tous savent fort l)ien ce qu’il en est ; mais ils expriment que, comparé à toules les espèces de vin qu’ils ont goûtées, l’alicante est une espèce à part,