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CRITICISME KANTIEN

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prononcer théoriquement sur son existence. II n’y a pas ni ne peut y avoir de devoirs concernant les affirmations théoriques (--= connaissance), mais seulement concernant les actes (= : pratique).

7. La science et la foi sont hétérogènes : elles ne peuvent mutuellement ni se prêter secours ni se faire tort.

8. La A’olonté humaine est autonome, c’est-à-dire qu’elle ne reconnaît aucun maître ; pareillement, la raison humaine est autonome, c’est-à-dire que le sens propre juge de tout en dernier ressort’.

9. Cela seul appartient à l’ordre de la moralité, qui est accompli par l’unique respect du devoir. Agir en vue de la béatitude, ou pour éviter le châtiment, ou par amour de l’humanité, est amoral.

10. La religion est fonction de la morale ; elle n’a pas d’autre contenu qu’elle, et tout ce qui est en surplus n’a qu’une valeur économique (Kant, Die Relig., Ed. Rosenkranz, p. 196 ; rappr. A. Sahatier, 1. c, p. 119 ; 128 ; 204).

11. L’homme est une fin en soi ; en ce sens qu’il n’est ordonné à nul autre, pas même à Dieu.

Article ii. — Examen du criticisme

Il ne peut s’agir de faire en quelques pages une critique détaillée de la philosophie kantienne. On ne doit donc s’attendre à trouver ici que l’examen de ses principales erreurs, avec l’indication plutôt que le développement des solutions destinées à remplacer celles qu’on rejette.

Le Kantisme et l’Orthodoxie. — Il suffît, pensons-nous, d’avoir lu altentivcment l’exposé qui précède, pour s’être convaincu qu’il n’y a pas d’ingéniosité qui puisse concilier le Kantisme avec la vérité catholique. Ses thèses maîtresses sont la négation même du dogme ; les reprendre une à une pour les confronter avec lui serait un travail incontestablement utile, mais il est aisé à faire : nous devons nous contenter d’en avoir fourni les matériaux. — La philosophie Kantienne a été spécialement signalée, et répudiée

« omme subversive de la religion, dans la lettre de

LÉON XIII au clergé français, 8 sept. 1899 (cf. aussi Encj’cl. yEterni Patris, 4 août 18’j9) ; et récemment le Saint Père Pie X, dans l’Encyclique Pascendi, dénonçait à la base de l’hérésie moderniste un «  « /ios^ic/sme où l’on doit reconnaître l’essence même du Kantisme.

A. Le Criticisme théorique.

Question préliminaire : le problème et la doctrine {y. supra, col.ySS). — Le problème critique n’a plus de signification, et ia doctrine Kantienne est, de l’aveu même de son auteur, siuiplement « absurde)> (Crit. p. 149), si l’on admet la théorie de la perception immédiate. En ce cas, « tout subjectivisme, y compris celui de Kant, aurait vécu » (A. Farges, Bévue de Phil., juillet 07, p. 25).

La théorie de la perception médiate est néanmoins soutenue de nos jours par des auteurs qu’on ne saurait suspecter de partialité pour le Kantisme. Ou la trouve par exemple dans le manuel si estimé, de M. G. Sortais, s.j. : « La perception, dit M. Sortais, ne nous fait pas connaître les choses telles qu’elles sont en elles-mêuies, mais d’après les effets, les sensations, qu’elles produisent en nous » (Traité de Philos., I. Lethielleux, 4’éd., p. 205) ; c’est cette

1. Celte foi-inule, ainsi que la onzième, ne saurait être donnée, telle (nulle, comme l’exposé exact de la pensée Kantienne. El’e représente plulùl le parti qu’a tiré de la doctrine du philosophe le sens populaire.

théorie qui circule dans l’ouvrage de M. Ch. Sex-TROUL, L’objet de la Métaph. selon Kant et selon Aristote, thèse d’agrégation à l’Ecole Saint-Thomas. Louvain, Institut, sup. de Phil. igoS ; Aoir aussi Probes, s.j., Auf der schiefen Ebene zum Idealismus ? dans les Stimmen ans Maria-Laach, 1907, Bd ^3, Heft 7 et 8.

Entre ces deux théories, dont l’une devrait logiquement objectiver toutes les qualités sensibles, même la chaleur et le son, et dont l’autre, poux être pleinement fidèle à l’esprit qui l’inspire, devi-ait subjectiver toutes les qualités sensibles, même l’étendue, le débat est d’une nature strictement philosophique et scientifique. — L’avantage stratégique de la première position, la sécurité qu’elle garantit contre les entreprises d’une doctrine dont elle empêche de dire même qu’elle garde un sens, la rendent fort séduisante jiour l’apologiste ; mais est-elle confirmée par la psychologie expérimentale ? Est-elle même possible a priori ? Telle est la Araie question. Les nombreux ouvrages de M. A. Farges, s’attachent à montrer cpie oui, et cpi’il n’y a rien dans les découvertes de la science la plus récente qui rende impossible l’attitude d’Aristote et de S. Thomas’. Dans le même sens, il faut lire les articles de M. H. Dehove, Sur la perception extérieure, parus d’abord dans la Revue de Lille, 1906, puis dans la Revue de philosophie, oct. et nov. 1906 ; janv. et fév. 1907 ; le no de juin 1907 de la même Revue renferme une critique de ses articles, sous le titre : Le perceptionisme. Il faut poui-tant reconnaître que cette position n’a plus de partisans en dehors de l’Ecole. Sans entrer ici dans le débat, nous devons concéder aux philosophes non-scolastiques, que rejeter la thèse de la perception immédiate n’est pas se prononcer par là même en faveur du subjectivisme ; c’est simplement admettre que le problème critique se pose : il reste à voir s’il en existe une solution satisfaisante.

En tout cas, nous allons montrer que celle de Kant ne l’est pas : la doctrine critique est fausse et contradictoire ; elle doit être remplacée par une doctrine franchement dogmatique.

a) Erreurs fondamentales.

i. Les jugements synthétiques a priori. — La Critique de Kant repose tout entière, comme on a vu (v. supra, col. 786) sur les jugements synthétiques a priori. Kant lui-même nous concède que si l’on mine ce fondement, toute sa théorie s’écroule : « Ce qui pourrait, dit-il, arriver de plus fâcheux à ces recherches, c’est que quelqu’un fît cette découverte inattendue, qu’il n’y a nulle part de connaissance a priori et qu’il n’en peut y avoir. Mais il n’y a de ce côté nul danger… » (Crit.^, p. 16). Ailleurs, il reconnaît que si l’on démontrait la fausseté de sa conception relative aux jugements qu’il appelle sjnthétiques a priori, cela » mettrait fin à toute (sa) critique et (l’) oldigerait à retourner à l’ancienne méthode » (Crit.*, 2 éd., p. 33/)). Il importe donc d’examiner ce fondeiuent. Deux questions se posent à son sujet, l’une réelle, l’autre nominale.

a) Discussion de la question réelle. — Kant n’a pas résolu le problème de l’origine des idées. — Il importe en souime peu ((n’en définissant le mot synthétique comme il a fait (OvV. *, p. 46 scj. ; dans notre exposé, col. 736), Kant se donne la faculté d’appeler synthét’» ques des jugements que l’usage de la langue appelait avant lui analytirpies. La question foncière est de savoir en quel sens de pareils jugements, synlhéti ques par définition, universels et nécessaires par nature, sont, et peuvent être dits, a priori. Or le paralo 1. Voir Lillératurc, à la (in de l’article.