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AGNOSTICISME

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^elades résumés suffisants pour initier à la question dans Urraburu, Theodicea, t. I, p. 301-337 ; ou dans Lai-osse, Cursus theol. de Migne, t. VII, col. 80 à 98 :

; i propos des scotistes et du sens de l’univocité ontologique qu’ils soutiennent — librement, quoi qu’en

pense M. Le Roy, et cette liberté montre combien laf-nosticisme est éloigné de la pensée de l’Eglise, — oir ToLET, in I, q. 13, art. i cl art. 4 » P- 188.

h) Maïmonide confirme enfin sa doctrine par l’accord des docteurs sur cette formule : « Nous savons (le Dieu, seulement qu’il est, et non pas ce qu’il est. «  M. Le Roy, qui trouve la même phrase dans S. Thomas, où elle est très fréquente, la cite, et écrit triomphalement en note : « Cette dernière phrase ne ditelle pas exactement ce qu’on m’a tant reproché? > ([). 1 3 ;). Chez le rabbin, oui. Chez S. Thomas et dans l’Ecole, non ; là, elle dit exactement le contraire.

On peut résumer l’argumentation des modernistes sur ce point en ces termes : S. Thomas, représentant la tradition des Pères et des mystiques, dit que notre connaissance de Dieu est seulement quia est et toujours quid non sit : ce qui est une connaissance négative, une connaissance par dénominations extrinsèques, et non une connaissance de la nature intrinsèque de Dieu, bref une connaissance comme celle que nous, modernistes, nous admettons. Or la connaissance négative est la plus parfaite, de l’avis de S. Thomas, de tons les tliéologiens et de tous les mystiques. Donc. — Réponse. Ajirès ce qu’il a lu précédemment, le lecteur sent qu’a priori telle ne peut pas être la doctrine de S. Thomas ; et quand nous n’aurions pas une ligne de lui sur ce sujet, nous serions en droit d’afiirmer que pareille conclusion est le contraire de sa pensée. Mais nous n’en sommes pas réduits à des déductions ; S. Thomas s’est expliqué, soit en réfutant Maïmonide, soit en expliquant la phrase suiante de Boèce : In divinis intellectualiter 'ersari oporlehit, neque deduci ad imaginationes, sed putius ipsam inspicere forniam.

Cette phrase de Boèce, prise en elle-même, pondait exprimer deux erreurs : i" nous avons la vision intuitiAC de Dieu ; 2° nous avons la connaissance qiiiddilative de Dieu. Ces deux erreurs s'étaient rencontrées chez certains néoplatoniciens, qui soutenaient savoir ainsi de Dieu quid sit ; et quelques Arabes avaient repris cette doctrine, qui était l’inverse de l’agnosticisme de Plotin, d’Avicenne et de Maïmonide. Il est évident que si nous avions la Aision intuitive de Dieu, comme nous avons celle de nos seiublables, nous saurions de lui ce qu’est en ellemême son essence : nous saurions quid est, ut est in se. Il en est de même si nous en avions une connaissance quidditative ; car celle-ci se définit : cognuscere de re omnia prædicata ([uidditatis’a ( : = totam rei essenliam) usque ad di/ferentiain vel quasi differeutiam ultimam, eam co/icipiendo proprio et positi'0 conceptu. Psychologicjuenu’iit, le problème est le suivant : pouvons-nous, à l’aide de concepts tirés des créatures, sans voir Dieu, former un concept de Dieu qui le représente ut est in, sc.' Hkxui dk Gam) sendjle avoir pensé qu’une telle connaissance, qu’il appelle al)yssale, nous esl])Ossible, cf. AiUiENTiNAs, in Prolog. Sent, et ad calccm libri quarti. Les Platoniciens de la Renaissance reprirent cette idée : et les ontologisles en ont déduit, aussi bien que de Henri de Gand, qu’ils avaient admis leur vision en Dieu, ce qui ncst pas exact. Dej)uis Dcscarles, quelques écrivains (voir Fkmxox, de V ICxistence de Dieu, chap. 2) ont i)arlé comme s’ils avaient la connaissance ai)yssalc. Le cartésien S.volens se donne de Dieu une idée si parfaite qu’a^(( elle il résout lous les problèmes, lie pcrfectionilius di^ùnis, Coloniac Agr. 1718, t. 1, p. 363 : Contendo humanæ menti non déesse verani

speciem divinitatis, unius, siniplicis, immensæ, omnipotentis etc. Eusèbe Amort en dit autant dans sa Philosophia Pollingana, Augustæ VindeL, i ;  ; 30. Il ne fait qu’une petite réserve : « Cette représentation intellectuelle de Dieu, n’est pas adéquate. » Chez Amort, cette théorie est la conséquence de l’ultraintellectualisme qu’il professe dans des vues apologétiques. Il constate que les modernes ont pour principe de n’admettre que les idées claires, et qu’ils rejettent tout le péripatétisme : formas, accidentia, qualitates, relationes, modos, sous le prétexte qu’ils n’en ont pas d’idées claires. Eh bien ! je vais réfuter d’un coup les athées, les protestants, les modernes (il a en vue les cartésiens, Locke, Wolf) à l’aide de deux thèses : 1° nous avons la connaissance très distincte de beaucoup d'êtres abstraits et spirituels — non tantum per species aliénas reruni sensibilium, sed ctiam per species proprias, ut sunt in seipsis. Cette façon de défendre le péripatétisme est la négation de toute la méthode scolastique. 2" Le monde intellectuel et le monde réel sont tout à fait semblables. Voilà encore un intellectualisme qui n’est sûrement pas celui de l’Ecole. Pour que ces deux thèses (que l’auteur confirme par le mot d’Aristote, anima est quodammodo omnia, repris par M. Bergson au sens idéaliste des néoplatoniciens et de certains arabes), soient prises en rigueur, Amort ajoute celleci : Similitudo inter mundum intellectualem et realem est perfectissima, formalis, univoca ac quidditativa. Et Amort applique son intellectualisme à la connaissance de Dieu conmie à celle des couleurs, de la chaleur, en un mot à tout, op. cit., p. 481-506. Voilà, pour le dire en passant, l’intelleclualisme qu’on prête à l’Ecole ; et on s’obstine à ne pas conq)rcndre que, lorsque Léon XIII et Pie X nous recommandent de revenir à S. Thomas, à la scolastique, c’est précisément de la tentation de ce cartésianisme bâtard qu’ils nous détournent. On dit partout que Descartes, Kant, rempirisme sont insuflisants : les papes font la même constatation, et ils indiquent le remède, qui a fait ses preuves avec un S. Thomas, un S. Bonaventure, un Scot, un Cajetan, un Suarez etc. Revenons à notre sujet.

Unanimement, tous les théologiens de l’Ecole nient que nous ayons une connaissance de Dieu quid est, ut est in se. Que nous n’ayons pas la vision intuitive, c’est un dogme. Que nous n’ayons pas la connaissance quidditative, tous les théologiens, — - même les Scotistes, malgré une divergence de terminologie — en conviennent. De Verit., q. 2, a. 1, ad (j. La raison a priori de cet accord est <pie certains attributs de Dievi sont absolument incommunicables ; donc, notre connaissance de Dieu étant a posteriori, les créatures ne peuvent pas nous représenter l’essence divine quidditalivement, telle qu’elle est en soi. Cette connaissance est celle de la patrie, non celle de l’exil, cf. SuARKZ, Disp. metaph., '60, sect. 12.— Et. pour bien manpier qu’on rejette toute espèce d’intuition et de connaissance quidditative, on emprunte aux Pères la formule qu’ils avaient adoptée pour exprimer la même idée contre les anoméens etc. : « Nous savons de Dieu seulement quia est et non quid sit. » Et S. Thomas explique (pu » Boèce, en parlant de inspicere formam, n’a rien dit contre cette doctrine (//( lioeth., de Trinit.. q. 6, art. 3).

Cela veut-il dire, comme les modernistes le prétendent, que nous n’avons aucune connaissance de la nature intrinsèque de Dieu ? Oui, si Ton n’admet pas d’autre connaissance (pu- celle des idées claires (le Descartes, si l’on en est encore à cette psychologie simpliste des vieux manuels de baccalauréat que tout le monde aujourd’hui déclare absolument insufiisante. Mais l’Ecole, ce n’est pas Eusèbe Anu)rt, pas plus