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CONVULSIONNÂIRES

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Ainsi les convulsionnaires affectent l’état d’enfance, au témoignage non suspect de Montgeron (loc. cit., p. 88), qui y trouve une faveur spéciale du ciel ; elles priaient, dit D. Lataste (Lettres théolog., t. II, p. 298, et t. I, p. m), en se faisant la bai’be, pour imiter, disaient-elles, un saint, en mangeant de la soupe à vide, par la même raison, en faisant mille autres folies dignes des Petites-maisons. Le même auteur décrit ensuite le ridicule et l’indécence des secours les plus ordinaires, des jeunes lilles qui se livrent à des hommes qui les pressent, les secouent, les balancent ; des jeunes filles qui px-ient en se faisant tirailler les bras et les jambes, le sein, en se renversant les jambes en l’air (Lettres théolog., et cpr. le cas de la veuve Thévenet, à la fin de cet article). L’attitude des improvisateurs et discoureurs n’était pas moins. extravagante (D. Lataste, t. II, p. 929 et 980. Cpr. Picot).

Les discoiu’S eux-mêmes étaient remplis de faussetés, ce qui a fait dire à d’Alembert : « On assure que dès le lendemain de l’expulsion des Jésuites, les convulsionnaires ont commencé à la prédire, c’est ainsi qu’ils ont toujours prophétisé. Quand on vit que les prédictions ne s’accomplissaient pas, rien de plus simple : Dieu laissait pénétrer le faux dans l’œuvre, pour mieux aveugler les endurcis. » (V. Picot, Mémoires pour servir à l’histoire eccl. pendant le yjviuP siècle, année lySS, t. II, p. 117, édit. de Paris, 1815.) Et, notons-le bien, Montgeron lui-même n’ose approuver tous les discours : « Il y en a eu, surtout dans les premiers temps, dit-il, dont l’esprit était éclairé par une lumière surnaturelle ; mais, dans ces derniers temps, quelques-uns des discours n’étaient que la production d’une imagination échauffée, et ceux des augustinistes et des vaillantistes peuvent être l’effet de la suggestion du démon. » Nous avons déjà cité cet endroit plus haut. Quant aux petits secours, c’est encore Montgeron lui-même qui en reconnaît le danger au point de vue de la décence, et il insinue, avec force précautions, et en avertissant ses frères d’éviter les pièges du démon, mais assez clairement, que la satisfaction des mauvais instincts n’était pas étrangère à l’œuvre. (T. II, 4" partie, p. 3335.) Qui plus est, s’il faut en croire Barbier : « Ce qui est certain, c’est qu’il y a dix ou douze filles (convulsionnaires ) grosses, et que ces chefs de doctrine et de prédiction engagent les femmes du peuple, qui ont cédé à la persuasion, de leur livrer elles-mêmes leurs filles, ce qu’elles font en vue de Dieu. » (T. II, p. 027.)

Hecquet, sectaire lui-même, est explicite sur ce point. (Le naturalisme des comndsions dans les maladies de l’épidémie convulsionnaire (i^33), p. 69 et suiv.)

Enfin, la cruauté des grands secours, surtout des secours meurtriers, des épreuves du feu et des épées, des scènes de crucifiement, que peut-elle avoir de commun avec une œuvre divine ? Ajoutons à la cruauté, le désespoir. Poncet a vu une convulsionnaire qui voulait se déchirer le visage avec les ongles et se jeter par la fenêtre (l’abbé des Essarts (dit Poncet), Lettres sur l’œuvre des convulsions, cité par D. Lataste). Et le blasphème et le sacrilège ? « Une sœur dit un jour : Les sauvages adorent le soleil et ils adorent Dieu, car Dieu est le soleil. Une autre portait l’impiété jusqu’à dire la messe ; et ce qui est à peine croyable, des prêtres la lui servaient, et voulaient faire admirer la majesté avec laquelle cette fille commettait ce sacrilège. » (Picot, loc. cit.) Montgeron rapporte aussi le fait d’une sœur qui dit la messe avec dignité, d’un bout à l’autre, dans une langue inconnue (qui, sans doute, n’en est pas une). Mais elle dit cette messe, étendue sur le dos, et s’agi tant quelquefois si fortement, qu’on doit retenir ses vêtements pour prévenir toute indécence (t. II, p. 26, 55). Quelle dignité !

Nous nous sommes étendu un peu longuement sur notre première proposition. Il était important de montrer combien nous sommes loin ici des manifestations surnaturelles, et comme c’est à tort que les incrédules ont tenté de décrier les miracles et la sainteté de l’Eglise, à propos de ces scènes jansénistes. Que nous sommes loin ici du calme, de la dignité, de la moralité irréprochable, des fins sublimes, qui accompagnent les épreuves, les discours et les actions, les phénomènes surnatui’els d’extase, de vision, etc., des saints qu’honore l’Eglise catholique !

Nous passons à une seconde et dernière proposition, moins importante sous le rapport apologétique, et que nous expliquerons, pour ce motif, très brièvement. Toute intervention céleste étant écartée, comment faut-il expliquer l’œuvre étrange des convulsions ?


Deuxième proposition. — Il est indubitable qu’en bien des occasions, la fourberie eut sa part. En outre, une multitude de phénomènes étaient des effets naturels. Mais enfin, il nous paraît diflicile d’expliquer tout sans une intervention diabolique.

Quant à la fourberie, nous la trouvons dans la manière d’agir des jansénistes en général ; nous l’avons trouvée dans les miracles jansénistes et dans les discours des convulsionnaires. Les scènes de crucifiement, telles que les rapporte La Condamlne, en portent des traces évidentes, sans que nous voulions affirmer que la supercherie à elle seule suffit à expliquer tout (v. le rapport de La Condamine, dans Hipp. Blanc, Le merveilleux dans le jansénisme, etc., Paris, r865, p. io4 et suiv.).

Quant aux phénomènes ayant une origine naturelle, maladive, nous renvoyons le lecteur aux études récentes sur l’hystérie, aux travaux de M. Charcot et de ses élèves, surtout de M. Richer, Etudes cliniques sur la grande hystérie ; appendice, L’ILystérie dans l’histoire ; 3e section, Convulsionnaires, p. 866 et suiv. Nous avons donné une idée de l’hystérie, d’après MM. Charcot et Richer, dans notre article sur les Démoniaques de la Salpêtrière (Science catholique, 15 avril 1888). Si nous n’insistons pas sur la fourberie et sur le naturalisme, dans les convulsions de Saint-Médard, c’est que ce point a trouvé peu de contradicteurs, sauf parmi les jansénistes ou plutôt parmi les seuls partisans des convulsions ; et que la difficulté de discerner entre l’artifice et la nature, d’une part, et l’intervention diabolique, d’autre part, ne commence précisément qu’aux manifestations dont nous devons parler maintenant. Cependant, il nous reste une observation à faire au sujet des ouvrages que nous venons de citer. Les médecins de la Salpêtrière sont naturalistes a priori ; tout s’explique, suivant eux, par l’hystérie, et ils ont le tort, M. Richer en particulier, de citer les documents historiques, soit d’après Figuier, qui cite lui-même d’après Calmeil, soit du moins d’après ce dernier. Or, Calmeil supprime ce qui gène sa théorie, et, ce qui est plus grave, souvent il analyse à sa façon, notamment au sujet des convulsions de la dame Thévenet, dont il va être question à l’instant ; Hipp. Blanc (Le merveilleux dans le jansénisme, etc. (Paris, 1863), p. 153 et suiv.) met en regard le texte de D. Lataste et celui de Calmeil, pour faire voir comment celui-ci rend ses explications naturalistes plus faciles, en faussant les documents. Le lecteur trouvera donc chez M. Richer tout ce qu’il faut pour expliquer par l’hystérie, ou une maladie semblable, tous les faits qui sont explicables naturellement ; mais il doit tenir compte des modifications de certains textes et se rappeler le