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CONVULSIONNAIRES


souffrir dans leurs maisons aucun concours ou assemblée de convulsionnaires, le mal dure toujoiu-s ; on se réunit clandestinement pour convulsionner ; aux convulsions s’ajoutent des extases, des discours, la prétention de faire des prophéties, de parler des langues inconnues, d’opérer des miracles d’invulnérabilité (il y a ressemblance frappante de ces phénomènes avec ceux qui se produisirent chez les Camisards. V. Hipp. Blanc, De l’inspiration des Cainisards, chap. ii et iii), de représenter au vif la passion et l’agonie de Jésus-Christ en croix ; d’où les scènes des secours meurtriers, de l’épreuve du feu, du crucitiement, etc. Ces surprenantes manifestations durèrent, pour ainsi dire, jusqu’à la Révolution et peut-être jusqu’à nos jours (v. Hipp. Blanc, Le mer’eilleux dans le jansénisme, etc. Paris, 1865, p. 27 et suiv.). L’attention publique en fut détournée pendant quelques années, environ depuis 17^0 jusqu’en 1758, mais nous les retrouvons aussi vivaces que jamais en 1769 et 1760 ; c’est alors que d’Alembert et La Condamine assistèrent aux scènes de crucillement. Cette occultation temporaire s’explique par l’apparition des philosophes ou encyclopédistes qui préparèrent la grande Révolution : les jansénistes avaient ruiné l’autorité de l’Eglise, comme celle du pouvoir civil, jeté le trouble dans les consciences et dans les convictions, et préparé de cette manière la voie à l’incrédulité et à la rébellion (v. Bergikr, Dictionnaire de Théologie, art. Jansénisme) ; et ainsi, quand ils crurent en finir avec les molinistes, par les miracles des conA’ulsionnaires, il se trouva qu’il ne fut plus autant question de jansénisme que d’incrédulité et de philosophisme. Voltaire, d’Alembert et les autres, qui avaient exploité le jansénisme en faveur de leur impiété, avaient attiré toute l’attention.

Nous voudrions pouvoir décrire en détail, d’après les auteurs contemporains ou même témoins oculaires, différentes scènes, qui donnent une idée plus complète des convulsions, et des autres phénomènes étranges qui les accompagnèrent, en mettant en regard les récits d’un témoin sectaire, prônant les convulsions comme d’origine céleste, tel que Carré de Montgeron, d’un témoin naturaliste et anti-convulsionnisle, quoique sectaire, comme Hecquet, d’un témoin inclinant pour la supercherie, comme La Condamine, et enfin d’un témoin catholique, qui fait la critique des faits, comme D. Lataste. Mais l’espace nous manque. Nous suppléerons cependant à cette lacune, nous l’espérons, à l’entière satisfaction du lecteur : tout en faisant l’examen des faits, en recherchant leur nature et leur caractère, nous produirons, d’après les témoins de différents sentiments déjà cités, nombre de détails capables déclairer et d’édifier complètement le lecteur sur les ijhénomènes en question. Nous voici donc arrivé à la seconde partie de notre étude sur les convulsionnaires, où nous avons la confiance de démontrer à l’évidence que rien, absolument rien dans leurs faits et gestes ne saurait fournir aux adversaires de la foi catholique et de la sainte Eglise le moindre argument contre sa doctrine. le moindre prétexte pour rejeter le surnaturel, ou les miracles en particulier, ou pour attaquer la sainteté de l’Eglise ; bien au contraire, nous y voyons la sollicitude constante, et jamais démentie alors comme dans les siècles précédents et dans ceux qui ont suivi, de l’autorité ecclésiastique, pour conserver intact le dépôt de la foi comme les bonnes mœurs, sa prudence pour discerner le vrai du faux, le bien du mal, son extrême réserve pour admettre le surnaturel, ou même le préternaturel, dans les guérisons ou dans les autres faits proclamés prodigieux par les foules. .otre première proposition est celle-ci : Etant donné que les convulsions de Saint-Médard, avec les phéno mènes qui les accompagnent, aient en réalité une origine préternaturelle, nous disons qu’elles ne sauraient venir de Dieu, soit immédiatement, soit médiatement pai-les Anges, mais que leur origine serait diabolique.

Dans les convulsions mêmes, dans la manière d’agir des convulsionnaires et leurs discours, dans les fins de toute cette œuvre des convulsions, comme l’appelaient les fervents, non seulement on ne voit rien qui soit digne de l’action divine, mais, au contraire, tout est indigne de l’intervention céleste, et mai’qué au coin du démon.

L’œuvre des convulsions ne tendait pas à la fondation d’une nouvelle forme de religion ou de culte, mais les jansénistes, partisans des convulsions, y voyaient une approbation divine de leur doctrine sur la grâce. Or, tout en prétendant être de l’Eglise catholique, ils se mettaient en rébellion ouverte avec son chef suprême et avec le corps des évêquestout entier, à l’exception d’un petit nombre d’évêques français, qui, sous le rapport de la vertu et de la science, étaient loin d’être parmi les plus distingués ; et, en même temps, ils étaient rebelles à la puissance séculière.

De plus, les jansénistes n’étaient point d’accord sur l’œuvre des convulsions. Les uns, et c’étaient les plus sensés en ce point, étaient adversaires convaincus des convulsions, comme Hecquet et bien d’autres. Les convulsionnaires eux-mêmes se divisèrent en plusieurs sectes, parmi lesquelles se distinguaient les Augusiinistes partisans du frère Augustin, qui, au dire de Barbier (Journal, ou Chronique de la Régence et du règne de Louis A’V (j18-i-63), t. II, p. ôaô), se faisait rendre un culte, couché siu-une table dans la posture de l’Agneau sans tache ; les Vaillantisies, tirant leur nom de l’abbé Vaillant, qui se prétendait Elle en personne. Montgeron lui-même déplore ce certain mélange dans l’œuvre des convulsions, et dit que les discours des convulsionnaires des deux sectes que nous venons de nommer étaient faits pour autoriser les erreurs, et ne pouvaient provenir que de l’égarement de leur propre esprit ou de la suggestion du démon (t. II, 2 « partie, Idée de Cétat des convulsionnaires, p. 19). De là encore la secte des mélangistes, des discernants, et plusieurs autres. Peut-on raisonnablement se figiu-er l’intervention et l’approbation divines dans cette confusion et dans cette rébellion contre l’autorité légitime ?

Les convulsions elles-mêmes, à part la tendance et les agissements des convulsionnaires, peuvent-elles bien être attribuées à Dieu ? Distinguons : à la permission divine, pour punir ces misérables, nous pouvons l’accorder ; à l’approbation divine, produisant ces phénomènes, qui saurait jamais le croire ? Qui pourrait se figurer que Dieu soit la cause de ces mouvements désordonnés, de ces horribles contractions de la figau-e, de cette protusion de la langue, de ces cris féroces, aboiements, etc., et cela pour signitier son approbation ?

On dira peut-être que c’étaient là des épreuves pour ces saints personnages, et le moyen d’attirer sur eux l’attention, et que le surnaturel se manifestait surtout dans les circonstances, dans les actions et les discours des convulsionnaires. Nous répondons que Dieu a des moyens plus dignes pour attirer l’attention, et que ce sont précisément les faits et gestes des convulsionnaires <jui répugnent le plus évidemment à une intervention divine. Dans les secours, dans la manière d’agir des convulsionnaires, dans leurs discours, c’est le ridicule qui le dispute à l’indécence ; c’est trop peu dire, c’est l’immoralité jointe à la cruauté, c’est la fausseté et même le blasphème et le sacrilège.