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CONVULSIONNAIRES
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que l’Eglise les reçoit. Si le cœur les y pousse parfois, il n’est pas le seul écouté ; et combien de fois ne les en éloignerait-il pas plutôt ! Ce n’est pas lui qui engage à rompre, quand la foi l’exige, avec ses amis, sa famille, son repos et ses richesses. Ce n’est pas lui qui entraîne vers la pauvreté, la persécution et le martyre. Ou bien, si c’est lui, une force supérieure l’anime : celle de la grâce, qui le transfigure, comme elle transfigure la raison humaine. Les changements de religion ne sont donc pas tous égaux devant Tapoiogétique : la conversion et la perversion, le retour à la foi et l’apostasie sont essentiellement différents et doivent provoquer des sentiments essentiellement différents aussi. D’autant plus que leurs résultats ne se ressemblent en rien : saint Paul et Luther ne virent pas de la même façon après qu’ils ont accompli leur grande évolution ; saint Augustin et Calvin n’arrivent pas, par leur transformation, au même régime de Aie religieuse et morale. Il est facile, par les fruits qu’ils portent, de juger si ces arbres ont reçu une sève divine ou une sève empoisonnée ; et les conversions, même individuelles, restent dans leur ensemble une base solide d’appréciation et de critique pour la solution du problème de la foi. Au point de vue social, la conversion de Constantin et l’apostasie de Julien offi-ent les mêmes différences et conduisent à des résultats tout opposés ; le scepticisme absolu ou le vague panthéisme de la libre pensée peuvent seuls n’y voir que des nuances insignifiantes et des quantités négligeables.
Cf. Kirchenlexicon de Fribourg, art. Comersioii et Consertiten ; Rohrbacher, Tableau général des cunieisiu 71s ; Rsess, év. de Strasbourg, Die Convertiten seit der Reformation, 13 vol. ; Baunard, Le doute et ses ^’ictimes ; La foi et ses victoires ; Coppée, Zrt bonne souffrance ; Harnack, Die Mission und Ausbreitung der Cliristentunis in deii ersten drei Jahrliunderten, 2’ « Aufi., Leipzig, 1908, 2ao1., mis au point par labbé Rivière, La propagation du christianisme dans les trois premiers siècles (brochure de la collection Science et Religion), Paris, 1907.
[D J. DiDIOT.]
CONVULSIONNAIRES (Les). — Outre les cas
isolés ou sporadiques de convulsions merveilleuses,
nous rencontrons dans l’histoire de nombreux exemples
d’épidémies convulsives. Cependant, ces étonnantes
convulsions, épidémiques ou non, ne se présentent
presque jamais séparées, ni même nettement
distinctes d’autres phénomènes, soit purement morbides
se rattachant à quelque névrose, soit dus à une
intervention diabolique, maléfice, obsession, ou possession.
Ainsi l’hystérie compte parmi ses manifestations
les attaques convulsives, et les possédés, soit
réels, soit apparents, comme les obsédés et les maléliciés,
sont très souvent sujets aux convulsions, bien
que celles-ci ne soient pas caractéristiques d’une
névrose déterminée, et moins encore d’une intervention
quelconque du démon. La convulsion affecte
aussi des formes différentes:tantôt elle se présente
sous la forme de contorsions effrayantes ; ce sont ces
contorsions qui dominent d’ordinaire, au point de
vue corporel, chez les démoniacpies, soit réels, soit
apparents. Tantôt la convulsion affecte un certain
rythme, et imite les grands mouvements, le clownisme
de la grande hystérie ; telle était ratta(iue convulsive
de la cliorée épidémique du moyen âge, de
la danse de Saint-Jean, de Saint-Guy, etc. (Voir notre
étude sur les Démoniaques, dans la Science catholique,
livraisons du 15 avril 1889 et suiv.)
Ici nous ne nous occupons que des convulsionnaires proprement dits, que nous distinguons d’abord
des danseurs que nous venons de mentionner, sans vouloir exclure les points de contact entre les deux, et en permettant au lecteur d’applicpier à ces derniers 3e qui leur serait applicable dans les considérations que nous ferons. ous distinguons encore les convulsionnaires des démoniaques ; non pas que nous voulions nier a priori toute intervention du démon chez les convulsionnaires ; nous ne Aoulons pas même exclure a priori, d’une manière générale et absolue, la possession proprement dite ; mais nous parlons de convulsionnaires qui ne présentent pas cet ensemble de signes, soit apparents, soit réels, certains et équivoques, qui font à première vue songer, à tort ou à raison, à une possession du démon. S’ous écartons aussi l’intervention d un maléfice, comme cause générale et apparente des convulsions. Les couvulsionnaires sont ceux chez lesquels dominent les convulsions proprement dites, comme effets soit d’une étonnante maladie déjà existante, ou se déclarant subitement, soit d’une intervention préternaturelle, qui n’a pas été généralement attribuée à un maléfice, ni à la possession du démon, et qui ne devait pas y être attribuée généralement et à première vue. Outre le maléfice, il y a l’interA-ention spontanée du démon. Outre la possession, il y a l’obsession proprement dite, ou toute autre action diabolique sans que le démon inhabite et possède. Outre le démon, il y a l’intervcntion céleste. Nous verrons qu’en réalité, toutes ces hypothèses ont été faites au sujet des convulsionnaires les plus célèbres, les con-A’ulsionnaires de Saint-Médard.
Outre les cas isolés d’étranges convulsions, et pour ne pas remonter trop loin dans l’histoire, nous renconti’ons, au cours du ix*^ siècle, des scènes tumidtueuses de cette nature, deux fois répétées, qui excitèrent au même degré la curiosité et la stupeur.Xous avons sur le premier fait, qui se passa à Uzès, dans l’église de Saint-Firmin, une lettre de saint Agobard, archevêque de Lyon, à Barthélémy, é^êque de Xai’bonne (f. L., t. CIV, col. 179) ; et sur le second, qui se produisit à Dijon, en l’église de Saint-Bénigne, une lettre d’AMOLox, archevêque de Lyon, à Théobold, évêque de Langres (P. L., t. CXVI, col. 77 et suiv.).
Xous pouvons comparer encore aux convulsionnaires de Saint-Médard les Camisards des Cé^ennes à la lin du xvie siècle et au commencement du xvii’(v. Hipp. Blanc, De l’inspiration des Camisards, Pai’is, Pion, iSSg) ; et bien plus près de nous, les convulsionnaires des revivais et des camp-meetings américains et anglais, au commencement de ce siècle et jusqu’à nos jours ; l’on y vit parfois jusqu’à quatre mille personnes tomber en convulsions (v. John Chap.man, Christian revivais, London, 1860; Hipp. Blanc, Le merveilleux dans le jansénisme, livre iii, Paris, 1865).
Enfin, en 1841 et 1842, régnait une épidémie convulsive, accompagnée d’une espèce d’extase, parmi les habitants des campagnes des parties centrales de la Suède (v. Mémoire du D’" Sonden, de Stockholm, dans Gaz. méd. Paris, 1843, p. 555).
Nous nous contenterons d’examiner au point de Aue philosophique et théologique les convulsionnaires de Saint-Médard ; d’abord, pai-ce qu’ils sont les plus célèbres dans l’histoire ; ensuite, parce que ce sont surtout ceux-là que les incrédules, comme les sectaires, ont allégués contre l’Eglise catholique ; et que, par conséquent, nous pourrons aussi, à leur propos, réfuter tout ce que les adversaires ont produit ou peuvent i)roduire contre l’Eglise à propos de convulsionnaires quelconques.
Nous commencerons par un exposé très succinct des faits.
La réalité de ces étranges convulsions et des