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CONVERSION

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tianisme. Si saint Paul et saint Aug’ustin se sont faits catlioliques, Lutlier et Calvin se sont faits protestants ; si Constantin a embrassé la foi chrétienne, Julien l’a apostasiée : les parts sont égales ; le pour et le contre ont les mêmes arguments à leur service. Telles sont, ce semble, les objections et les plus graves et les lîlus fréquemment renouvelées.

Nous commencerons notre réponse en rappelant ce que nous avons dit plus haut des principes théoriques de l’Eglise en cette matière. Si le pouvoir civil ou les particuliers, si parfois même quelques évêques ou quelques prêtres ont employé, pour la conversion des peuples et des individus, des moyens incompatibles avec la lil)erté de la foi et la sincérité de la conscience, non seulement nous n’invoquerons jamais leurs succès en faveur de la cause que nous soutenons, mais nous les regretterons et les blâmerons catégoriquement, comme étant formellement en contradiction avec les doctrines et la pratique constante de l’Eglise, qui n’a jamais cessé de les regretter et de les blâmer elle-même.

Ajoutons que les al)us commis à ce sujet ne sont pas le fait exclusif de certains catholiques. Le paganisme et le mahométisme, les albigeois, les vaudois et les hussites, les luthériens et les moscovites, les anglicans et les anabaptistes, en général tous les schismes et toutes les sectes se sont montrés persécuteurs quand ils l’ont pu. C’est à la Réforme qu’est dû cet incroyable et abominable axiome : Cujus regio, ejus et religio, « la région fait la religion », qui devrait rendre fort circonspects les auteurs trop prompts à s’enflammer sur la révocation de l’édit de Nantes. — Nous n’avons donc ni le désir ni surtout l’obligation d’examiner et de justifier tous les faits historiques où l’on croirait trouvcr des traces de pression, de violence ou de ruse, et d’artifice pour obtenir des conversions au catholicisme. Que les rudes compagnons de Clovis se soient contentés d’une démonstration sommaire de la foi chrétienne avant d’y adhérer comme leur chef ; que les armées de Charlemagne aient traité sans ménagement les Saxons rebelles à la prédication évangélique, et plus encore aux notions les plus élémentaires de justice et de religion naturelles ; que les dragons de Louis XIV et même de Louis XV aient maltraité des huguenots, non moins dangereux pour l’Etat que pour l’Eglise, qu’est-ce que cela prouve contre la divinité du christianisme ? " Nos philosophes, disait Bergier (Dict. de ThéoL, art. Fanatisme), aflirment que les peuples du Nord ont été convertis par force : quand cela serait vrai, nous aiu-ions encore à nous féliciter de cette heureuse violence qui a délivré l’Europe entière de leurs incursions, et qui les a tirés eux-mêmes de la barbarie. Mais le fait est faux… Il est encore faux que les ordres militaires aient été fondés pour convertir les infidèles à coups d’épée : ils l’ont été pour repousser les infidèles qui attaquaient le christianisme à coups d’épée. On a été forcé de le défendre de même. »

Le fanatisme populaire ne suffit pas davantage à expliquer les mouvements de conversion au catholicisme. Nous avons lu les récits curieux, parfois émouvants, des revivais organisés par certaines sectes protestantes. Nous avons lu, dans les annales du moyen âge, des faits tout analogues ; et, par exemple, les flagellants d’autrefois nous paraissent fort ressembler à V Armée du salut d’aujourd’hui. L’Eglise a-t-elle prétendu profiter de ces étranges mouvements de conversion ? Nullement ; elle les a toujours distingués des conversions véritables et durables ; elle les a condamnés et empêchés de tout son pouvoir, et si elle a encouragé les admirables efforts d’apôtres ardents et populaires comme saint Dominique, saint Vincent

FeiTier, saint François Xavier, ou saint François Régis, elle a réprimé au xiii siècle les flagellants d’Italie, au xiv<’et au xv « ceux d’Allemagne, au xviii® les convulsionnaires du cimetière Saint-Médard, sans parler des fanatiques des premiers siècles, dont la frénésie s’allumait auxsoui-ces impures du paganisme et du gnosticisme. Par contre, ce qui n’est à aucun degré du fanatisme : la légitime admiration causée par la sainteté et les œuvres des hommes apostoliques ; l’enthousiasme excité par des miracles parfaitement authentiques, non seulement à l’origine du christianisme, mais plus ou moins fréquemment dans les âges suivants ; les salutaires commotions produites dans les peuples par des événements terribles ou par de manifestes bénédictions du ciel, doivent être considérés comme des moyens absolument réguliers et providentiels de conversion ou de régénération morale. Et c’est précisément ce qui a toujours manqué, ce qui manquera toujours aux faux réformateurs (cf. Bergier, ibid., art. Mission).

Pour les conversions individuelles, il s’en rencontre de peu loyales et de peu sincères : telle déjà celle de Simon le magicien, venant solliciter les Apôtres à prix d’or de lui conférer leur pouvoir surnaturel. Mais l’on ne peut, sans un sophisme évident, partir de là pour prétendre que toutes, ou le plus grand nombre des conversions individuelles, sont mauvaises. Quand on les étudiede près, quandon examine les raisons qui les ont motivées et qui sont exposées par les convertis eux-mêmes, on est également frappé de deux choses : de la générosité parfaitement désintéressée de tant de noljles et savants esprits revenus à la foi catholique ; puis, de l’extrême abondance de lumières que la grâce a mises à leur disposition et dont les catholiques de naissance et de profession devraient eux-mêmes profiter beaucoup plus qu’ils ne font. On s’est plaint de la Caisse de conversion placée sous l’administration de Pellisson, au temps de Louis XIV, et destinée à rémunérer, moyennant six livres par tête, l’abjuration des calvinistes ; elle n’aurait pas donné de grands résultats, et alors le roi se serait décidé à la révocation de l’Edit de Nantes ! La véiùté historique est qu’il exista, dès 1698, une caisse de secours pour les ministres protestants convertis et souvent, par là même, dénués de ressources : s’ils avaient de quoi vivre, ils ne recevaient rien de la caisse, qui n’était nullement destinée à payer leur abjuration (cf. R.ess, Die Convertiten seit der Reformation, tome III, pp. 269-2^7 ; Fellkr, Dict. hist., sur Pellisson). La maison établie à Paris pour les Convertis, les mesures prises en leur faveur par le parlement en 1 063, et par le roi en 1664, 1681 et 1685, n’eurent d’autre but que celui-là ; et certes ce n’est pas en France, à cette époque surtout, qu’un marché aux consciences aurait pu s’établir.

Quant à la célèbre Révocation (voir Edit de Nantes), elle ne fut pas motivée par l’insuccès imaginaire de la caisse de Pellisson ; plusieurs écrivains ont même pensé qu’elle n avait pas eu pour but d’obtenir de nouvelles conversions, qu’on aurait plus facilement amenées par les mesures précédemment adoptées. Le protestant et sceptique Bayle l’a expliquée et presque justifiée par d’autres raisons ; évidemment, il est plus près du vrai que ceux qui voudraient en attribuer l’idée et la responsabilité à l’Eglise. Que certains personnages ecclésiastiques aient eu cette illusion, ou plutôt qu’ils aient loué l’intention politique du roi, c’est possible ; mais, ni en droit ni en fait, l’Eglise n’a classé la Révocation de l’édit de Nantes parmi ses instruments d’apostolat et sc ; ^ moyens de conversion.

Ce n’est pas sans réflexions graves et sans raisons décisives, que les convertis reviennent à l’Eglise el