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CONVERSION

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la révélation : Dieu parle et révèle, il a le droit rigoureux d'être cru et obéi. Ensuite, le baptême des enfants d’infidèles abandonnés par leurs parents ou en danger imminent de mort : rien de plus simple encore, dès qu’on croit, avec l’Eglise, à la nécessité du baptême pour être sauvé : les enfants dont il s’agit ont droit au moyen nécessairede salut, et leur situation les met très probablement à l’abri du péril d’apostasie ; ils peuVent donc bénéficier de la grâce du baptême. Le pouvoir, attribué à un gouvernement chrétien, d’obliger ses sujets infidèles à écouter la prédication évangélique et à se conformer aux obligations de la loi naturelle, ne peut surprendre que ceux qui ne croient à aucune religion ou qui dispensent l’Etat de tout souci à ce sujet ; mais ceux-là sont dans une évidente erreur. Que l’Eglise ait le droit de se défendre comme toute société, comme toute famille, comme tout individu, contre un agresseur injuste ; qu’elle ait le droit d’annoncer librement l’Evangile et de répandre les bienfaits de la civilisation chrétienne ; que les pouvoirs humains aient le droit de la protéger et de la seconder ; qu’ils en aient même le devoir, s’ils font partie de son corps social ; que tout homme baptisé soit, juridiquement et devant Dieu, le sujet de l’autorité ecclésiastique : voilà ce qu’on doit admettre et ce qu’on aduiet aussi aisément que logiquement, quand on a la foi en Dieu, en Jésus-Christ, en son Eglise, et quand on sait que toutes choses doivent tendre ici-bas à glorifier Dieu, à assurer le règne de Jésus-Christ, à procurer le salut de tous les hommes. Voudrait-on ne voir en cela qu’un système philosophique, il faudrait encore en admirer la grandeur, en respecter la sincérité, et en reconnaître la perfection logique.

m. — Cela posé, nous avons à résoudre des objections de deux catégories : les unes tendent à enlever toute valeur à l’argument apologétique tiré de la conversion des peuples et des individus, en faveur de la divinité du catholicisme et de l’Eglise romaine ; les autres tendent àretourner cet argument contre l’Eglise elle-même, en inculpant les moyens employés pour procurer les conversions collectives ou individuelles. Examinons successivement ces deux séries de difficultés.

I" Les objections contre la valeur apologétique des conversions dont le catholicisme se glorifie peuvent se résumer ainsi : l'étendue du territoire conquis par les apôtres et leiu’s successem-s, jusqu'à Constantin, n’est certainement pas plus considérable que celle des régions conquises par le bouddhisme, le mahométisme, le protestantisme ; la rapidité des conversions alors obtenues par le catholicisme n’a pas surpassé, et peut-être même n’a pas égalé celle des conversions obtenues par les trois religions qui viennent de lui être comparées ; du reste, le catholicisme, au moment de son apparition, répondait à un besoin général des âmes auxquelles il s’adressait, et il trouva, dans les circonstances politiques, dans le mouvevent des idées philosophiques, dans la nature de ses propres théories et de ses pratiques particvdières, tous les éléments du succès considérable, mais nullement miraculeux, nullement surnaturel, qu’il rencontra surtout auprès du bas peuple, des esclaves, des misérables, des foules écrasées depuis des siècles par l’orgueil de la tyrannie antique ; après Constantin et jusqu'à nos jours, son expansion n’a eu, avec des causes analogues, que des succès de même valeur ; il est resté, sous ce rapport, à son niveau primitif et au niveau des religions auxquelles il dispute l’empire du monde et le privilège d’une origine divine.

A ce système. qui n’est pas d’aujourd’hui, nous répondons tout d’abord qu’on a tort de s’en tenir à la

seule question d'étendue et de rapidité, comme si nous nevoj’ionset n’alléguions que cela pour démontrer la divinité de l’Eglise parla conversion du monde. En réalité, nous raisonnons tout autrement ; car en accordant que d’autres mouvements religieux ou pseudo-x’eligieux ont eu pareillement beaucoup de rapidité et d'étendue, nous disons que le catholicisme, tel qu’il est en lui-même, avec sa doctrine, sa pratique, ses préceptes, ses prohibitions et ses moyens d’action, survenant dans un monde tel qu’il était aux premiers siècles de notre ère, et opérant dans les consciences, dans les familles et dans les empires, une transformation telle que l’histoire nous la raconte et que nous la voyons encore de nos yeux, a témoigné d’une force et d’une vitalité incomparablement supérieiu’cs à celles du bouddhisme, du mahométisme et du protestantisme, et que son œuvre ne peut raisonnablement s’expliquer sans l’intervention surnaturelle de la toute-puissance divine. Le bouddhisme n’a point apporté au monde une croj’ance nouvelle, mais bien des pratiques morales nouvelles ; il s’est modifié et transformé dans ses principes, selon les lieux où il s’est introduit ; il n’a été persécuté que tardivement par certains princes ; il a limité ses conquêtes à l’Inde et à la Chine. Sa diffusion s’explique par des causes purement naturelles : les efforts de ses premiers adeptes, leur habileté à s’accommoder aux mœurs des peuples, la faveur des princes, les excès du brahmanisme, la beauté relative de sa morale humanitaire. Le mahométisme s’est produit comme une révolte de îa chair contre l’esprit, dont le christianisme avait revendiqué les droits et rétabli la légitime domination dans la Aie humaine. Les moyens employés pour le répandre, la force des armes et la satisfaction donnée aux passions les plus basses, n’ont rien que de piu-ement naturel et expliquent aisément le fait de sa diffusion. Le protestantisme, par sa doctrine, par les exemples de ses fondateurs, par ses résultats immédiats, par ses effets successifs jusqu'à nos jours, se montre comme une émancipation à l'égard du christianisme intégral, comme une indéniable décadence de la pensée et des mœurs chrétiennes. On en peut dire autant de toutes les religions qui se sont dressées en face de la révélation mosaïque et messianique. Celle-ci, au contraire, a toujours exigé de ses adhérents une vigueur de pensée, un effort de volonté, une pureté de mœurs qui fussent une continuelle ascension de l’homme, de l’humanité même, vers l’idéal, l’immatériel, l'éternel et l’immuable. Ne voit-on pas l’immense différence qui sépare cette dernière religion des précédentes, au point de vue des conquêtes à réaliser dans le monde des âmes ? Autant celles-là ont de chances d'être facilement accueillies par le grand nombre, autant celle-ci a d’obstacles pour réussir même auprès de l'élite. A supposer que cette élite, très restreinte assurément, fût lasse et dégoûtée du paganisme, elle ne rêvait certainement rien d’aussi pur et d’aussi élevé que le catholicisme ; et si les petits, les opprimés, les misérables trouvaient en lui des avantages incontestables pour leur affranchissement, pour l’amélioration de leur situation temporelle, ils n'étaient guère préparés, tant s’en faut, aux vertus de renoncement, d’humilité, d’obéissance, de justice et de douceur qu’il leur fallait désormais euibrasser.

Le résultat naturel des crimes, des tyrannies et des misères de l’ancien monde, n'était pas l'éclosion du christianisme : c'était l'éruption d’un mouvement révolutionnaire effroyable, dont les gueri-es stériles n’aviraient été qu’un prélude relativement modéré. Les ressemblances d’idées et de sentiments que Renan, Havet et autres signalent si complaisaniment entre quelques écrivains antiques, dans leurs heures de