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CONCORDATS

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l’Autriche, pour la Bosnie, 8 juin 1881). Mais il est des pactes signés par Léon XIII qui ont eu une portée plus étendue, parce qu’ils ont donné un statut complet à une Eglise nationale (concordat équatorien du 2 mai 1881 complété par un acte du 8 novembre 1890, concordat monténégrin du 18 avril 1886, concordat colombien du 31 décembre 1887 complété par un acte du 2 juillet 1898). Dans la République de Garcia Moreno, il s’agissait de renouveler le pacte déchiré par le gouvernement révolutionnaire de 1877. Et ce fut fait. Dans les deux autres traités, sans rentrer dans de longs détails, Aoici quelques clauses qui paraissent intéressantes à signaler.

Les nominations épiscopales au Monténégro sont à la libre disposition du pape, le Saint-Siège est simplement tenu de faire connaître le nom des candidats au prince, avant de le rendre public (art. 2). L’indépendance du pouvoir ecclésiastique à l’égard du pouvoir civil est aussi nettement affirmée (art. 2 et 4)> et notamment en ce qui concerne le mariage (art. 9 et 10). En même temps, le gouvernement s’engage à fournir à l’archevêque d’Antivari un traitement (art. 3), à régler a^ec ledit archevêque ce qui concerne l’érection des paroisses (art. 5), la bâtisse des églises (art. 6), et l’envoi de quelques séminaristes à Rome poiu- y faire leurs études (art. 12). L’exercice de la religion catholique est libre et public (art. 1) ; et si quelque difficulté survient ({uant à l’exécution du concordat, c’est d’un commun accord qu’il sera tenté de le résoudre (art. 13).

Les garanties promises à l’Eglise par la convention colombienne sont encore plus nettes et plus étendues. La religion catholique est celle de la République ; mais celle-ci s’engage à donner sa protection, sans jamais entamer les prérogatives divines de l’Eglise, sans perdre de vue le devoir qu’elle a de conformer les lois civiles aux canoniques (art. i et 2). L’Eglise est une personne juridique dans le sens propre du mot (art. 4), et elle a le droit de posséder, aussi bien que d’administrer ses possessions (art. 5). La personnalité civile et la protection de l’Etat sont acquises aux instituts religieux, dès lors qu’ils peuvent représenter la preuve de leur érection canonique (art. 1 0). Le contrôle le plus effectif appartient aux évêques sur l’enseignement supérieur, secondaire et primaire (art. 12, 13, 14). Le mariage religieux vaut civilement, du moment qu’il a été contracté en présence du magistrat municipal (art. 1) ; et les ordinaires sont seuls à connaître des causes matrimoniales quoad vinciilujn et cohahitationem (art. 19). La nationalisation opérée des biens ecclésiastiques est regardée comme un fait accompli, vu la pénurie du trésor (art. ili) ; toutefois le gouvernement promet une somme annuelle, et qui s’augmentera, pour aider les chapitres, séminaires, diocèses, missions, etc. (art. 26) ; des pensions sont assurées aux religieux dépouillés (art. 26) ; restitution sera faite du patrimoine sacré dont l’application à d’autres usages n’aurait pas encore eu lieu (art. 28). La nomination des évêques appartient au pape, sauf à pressentir les intentions du chef de l’Etat (art. 15). Ce qui concerne le développement des missions sera réglé entre le chef "de l’Etat et le Souverain Pontife, sans que la ratification du parlement soit nécessaire (art. 31).

Il faudrait parler ici du concordat espagnol signé le 19 juin 1904, pour régler le statut légal des religieux. Comme ce texte n’est pas encore mis en exécution, cette brève indication du fait suffira.

Malgré qu’il soit ignoré de la République française, qui n’a pas daigné discuter avec lui un statut convenable pour l’Eglise dans notre i^ays, et cpii renie son passé de protectrice de la foi par delà les mers, — Pie X n’en est pas moins le Pontife universel ;

sa puissance souveraine continue de s’exercer ; et en dehors de nous, des chefs d’Etat signent avec lui des traités publics. En 1906, le 26 mai, est intervenu un accord avec l’Etat indépendant du Congo, au sujet des missions. Des concessions gratuites et perpétuelles de 100 et même de 200 hectares sont promises par le gouvernement, dans les conditions suivantes : 1° chaque établissement, selon la mesure de ses ressources, ouvrira des écoles où s’enseignei-ont l’agricultiu-e et les métiers manuels ; 2° le programme de cet enseignement sera fixé de concert avec le gouvernement ; 3° les missionnaires rempliront pour l’Etat, moyennant indemnité, les travaux scientifiques de leur compétence ; la nomination des supérieurs sera notifiée au gouvernement.

VU. — La mise en œuvre de chacun des instruments diplomatiques mentionnés dans ces colonnes ne saurait nous retenir ; c’est l’objet propre d’un cours ou d’un livre d’histoire, plutôt que d’un dictionnaire apologétique. Etudiées avec soin, les péripéties de cette mise en œuvre montreraient quelle peine les gouvernements ont eue, dans tous les temps et dans tous les pays, poiu* reconnaître loyalement et pleinement les droits essentiels de cette société divine qu’est l’Eglise. Les annales de chaque nation l’évèlent même avec quelle facilité les promesses les plus claires et les plus solennelles faites à l’Eglise ont été violées pai" les princes, dès que la cupidité, l’ambition ou la crainte ont dominé, chez eux, le cri de la foi catholique ou le respect de la foi jurée. La Providence se plaît à confondre ainsi la sagesse des hommes pour leur rappeler, sans doute, qu’à la toute-puissance d’en haut il appartient uniquement de pourvoir à l’immortalité lu-omise par Jésus-Christ à son œuvre.

Mais, d’autre part, il est conforme au plan de Dieu que les institutions mêmes qui tiennent de lui leur origine et l’assurance de leurs destinées, soient gouvernées, par ceux à qui il confie en partie leur fortune terrestre, selon les données de la raison et de la foi. Or celles-ci s’accordent toutes deux pour nous dire que, là où deux puissances doivent nécessairement se rencontrer et risquent de se heurter, un accord qui règle leurs relations d’après les droits naturels à chacune est le moyen humain, le meilleur qui puisse être, de prévenir, d’atténuer et d’effacer les divisions fâcheuses. La théorie concordataire et la pratique des concordats n’ont pas besoin d’autre justification. Et cette unique réflexion suffit à faire prévoir que cette théorie et cette pratique dureront autant que les hommes.

La variété des stipulations consenties par les Pontifes romains, la trace profonde que les circonstances diverses ont laissée dans leurs actes diplomatiques, sont aussi à remarquer. Parfois elles accusent peut-être la faiblesse trop grande de négociateurs moins clairvoyants et moins courageux qu’il n’aurait fallu ; elles établissent surtout qu’il n’y a au monde jiucune autorité souveraine avec laquelle — la substance étant sauve, pour rappeler un mot fameux de Consalvi — il soit aussi facile de négocier un modiis vii’endi. Et ceci est réternelle condamnation des chefs d’Etat qui envisagent l’Eglise avec des yeux d’enfants effrayés et traitent avec elle comme ferait le machiavélisme ou la malfaisancc en personne.

VIII. Bibliographie. — I. Recueil de textes et Dictionnaires. — Walter, Fontes juris ; V. Nussi, Com’cntionL’s de rébus ecclesiasticis inter S. Sedern et cirilem potestatem’i’ariis formis iintae(Moguntia.e, j8-jO) ; G. de Luise, jDe jure puhlico seu diplomalico Ecclesiae catholicæ aociinienta ÇSe&Yioli, 1897) ; Coin’entiones Leonis A7// (Roinae, 1898) ; Kirchenlexicon