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CONCILES

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Mais la discussion close, il n’y eut d’avis décisif émis que par les Apôtres, la suite du récit le prouve : non seulement Luc ne mentionne comme haranguant l’assistance que Pierre, Paul, Barnabe et Jacques, mais sa narration exclut tout autre discours ; cardés que Pierre eut dit son sentiment, « toute l’assemblée garda le silence, et Ton écouta Barnal)é et Paul « (12), et, « lorsque ceux-ci eurent cessé de parler, Jacques parla à son tour » (13). et ; enfin, l’allocution de Jacques terminée, vient immédiatement l’indication de la conclusion pratique (22) : « Alors il parut bon aux Apôtres, aux anciens, ainsi qu’à toute l’Eglise, de choisir quelques-uns d’entre eux et de les envoyer à Antioche. n

Tel est donc le véritable usage, non seulement ancien, mais apostolique, dans la société chrétienne. Conformément à ce précédent, des membres du clergé inférieur n’ont été admis dans les conciles qu’à titre de consulteurs, de savants, sans qu’il leur fût permis d’intervenir directement, et comme ayant autorité, dans les décisions à prendre. De vestige d’une coutume opposée, on n’en rencontre point, sinon dans les conciles de Pise, de Constance et de Bàle. Mais tous les historiens conviennent et les contemporains mêmes de ces trois assemblées reconnaissaient que l’admission des docteurs avec droit de vote, aussi bien que le mode de votation par nation et non point par tête, était une innovation motivée par les circonstances ditriciles qu’on traversait alors et surtout par le désir de neutraliser l’influence des prélats de second ordre. Contraires à toute la tradition, introduits dans un moment de lièvre et de vertige, ces procédés n’ont jamais été reçus depuis dans l’Eglise, comme ils n’y avaient jamais été connus auparavant. C’est donc bien à tort qu’on a prétendu les rattacher au droit divin.

Autre chose est que ceux qui, en qualité de pasteurs divinement constitués, ont incontestablement voix délibérative dans les conciles, puissent s’adjoindre et s’adjoignent librement, même pour l’acte final du vote, un certain nombre d’auxiliaires. Dès que les premiers ont le droit de chercher en dehors de leurs rangs des lumières pour la discussion, de s’associer des consulteurs, des compagnons de travail, on ne voit pas pourquoi il ne leur serait pas loisible de demander aussi ou d’autoriser l’appoint de leurs suffrages. C’est sur une concession de ce genre, consentie ou par l’Eglise universelle ou par l’autorité centrale du Saint-Siège, que repose le droit de voix délibérative de ceux que théologiens et canonistes s’accordent à désigner comme en jouissant par privilège. Il y a d’ailleurs à cet élargissement du corps délibérant des évêques une limite morale, indiquée par le simple bon sens : c’est celle dont l’oubli tendrait à transformer le groupe auxiliaire en groupe principal, à mettre donc l’Eglise enseignante en quelque sorte à la remorque et à la merci de l’Eglise enseignée.

6" La question de la situation respective du concile œcuménique et du pape, c’est-à-dire de la prééminence de l’un sur l’autre, trouve sa solution dans les principes déjà exposés. A la prendre dans toute l’ampleur et la propriété des termes, et rigoureusement parlant, on devrait dire qu’elle ne se pose même pas, qu’elle est un non-sens, puisqu’il n’y a point de concile vraiment œcuménique sans le pape, comme il ne saurait y avoir d’Eglise catholique sans son fondement. Que si néanmoins il plaît de considérer, d’une part, le corps épiscopal assemblé et, d’autre part, le pontife romain, et de les comparer, le problème devient du moins intelligible.

1) On sait que, sous cette forme, il a été agité au temps du grand schisme. Le concile de Constance, par

ses fameux décrets des sessions iv « et v, dont il a été question ci-dessus, l’a tranché dans le sens de la supériorité de l’assemblée conciliaire.

Mais cette affirmation, même en tant qu’elle s’appliquait à la crise passagère d’alors ou qu’elle s’appliquerait à toute crise analogue, c’est-à-dire au cas où, de plusieurs prétendants à la papauté, aucun n’apparait comme le pape certainement légitime, n’est admissible qu’à la condition d’être soigneusement expliquée ou, plutôt, rectifiée : ce qui est vrai, c’est que, dans l’hypothèse, il appartiendrait au corps épiscopal de se réunir pour examiner et juger les titres réels des divers compétiteurs et aviser au rétablissement de l’unité effective, soit en provo(jiiant une cession volontaire, soit en recourant à d’autres moyens appropriés. Mais dès que l’on transforme ce droit accidentel, motivé par la nécessité, restreint quant à sa durée et sa portée intrinsèque, en principe affirmant, pour tous les temps et à l’égard des papes légitimement élus, une véritable supériorité de l’assemblée des évêques, alors on va manifestement à rencontre du dogme de la primauté, on tombe dans l’absurde ; car, tandis que le Christ, en faisant de Pierre et de ses successeurs le fondement de l’édifice ecclésiastique, en les chargeant d’affermir leurs frères, a rendu l’Eglise et l’épiscopat dépendants du pontife romain, c’est celui-ci qu’on constitue dans la dépendance de ceux-là. Cette thèse, opposée à l’Ecriture, ne l’est pas moins à la croyance et à la pratique constante de toutes les générations chrétiennes. Ce ne sont pas les conciles qui ont jamais commandé aux papes, ce sont les papes qui souvcnt ont prescrit aux conciles des décisions à prendre. Nous avons entendu plus haut CÉLESTixI" disant à ses délégués au concile d’Ephèse (P. L., t. L, col. 503) : « Si une discussion a lieu, vous devez rester juges des sentiments des autres, mais ne point vous soumettre à leur jugement. » " On ne saurait juger les jugements du Siège apostolique », éci’ivait le pape Nicolas 1*=’" à l’empereur Michel.

Quant aux décrets de Constance, nous en contestons absolument la valeur relativement à la question qui nous occupe. Il n’est pas nécessaire de rappeler que ce concile, comme nous l’avons prouvé, n’était pas œcuménique à l’époque des sessions dont il s’agit ; que deux obédiences n’y étaient point représentées et n’en approuvèrent jamais les résolutions ; que les cardinaux en masse protestèrent ; que Jean XXIII s’était retiré et ne s’était pas fait remplacer par des légats ; qu’enfin, quel qu’ait été alors le pape légitime, il est certain qu’il y avait dissidence et séparation entre le concile et le pontife véritable, donc point de concile œcuménique. Il nous suffit que l’assemblée de Constance n’ait pas entendu faire une définition dogmatique. Pour le prouver, nous ne recourrons pas, avec Bellarmix, Cano et beaucoup d’autres, à l’argument tiré de l’absence de la forme usuelle dans les définitions de ce genre, forme qui consiste essentiellement à imposer à tous les fidèles l’obligation de croire ce qui est décidé ou à condamner comme hérétiques ceux qui refuseraient de se soumettre. Demandons plutôt à l’histoire du concile de nous éclairer sur la pensée de ses membres.

Que quelques-uns, connus d’ailleurs pour leurs opinions extrêmes, comme Gkhsox et d’Ailly, aient songé à promulguer un dogme, c’est chose possible, jieut-ètre probable ; mais ce qui nous importe, c’est l’intention de la généralité. Or, cette intention ressort de l’ensemble des circonstances que voici : les cardinaux et la « nation » d’Italie, la plus nombreuse de toutes, n’avaient pas pris part à la congrégation préparatoire, où le texte des décrets fut arrêté ; ils se montrèrent ensuite absolument opposés à ces décrets et prièrent l’empereur Sigismond d’en empêcher