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CŒUR DE JÉSUS (CULTE DU)

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Jésus-Christ est le grand absent : les mœurs, et encore plus les institutions et les lois, sont vides de lui. Voilà le mal moderne, qui le guérira ? Le remède spéciûque semble clairement indiqué dans le culte du sacré Cœur, providentiellement destiné à ramener vers Jésus-Christ quiconque l’oublie et le méconnaît, à resserrer, à renouer, s’il le faut, les liens relâchés ou rompus de l’amitié divine. Les nations chrétiennes en sont venues, elles aussi, à perdre insensiblement « conscience de leur relation personnelle avec un divin Maître » ; les nations ont besoin, en tant que nations, de revenir au Sauveur, de l’aimer à nouveau, comme pour vivre de lui il faut l’aimer. C’est assez dire que le culte du sacré Cœur convient aux nations, en tant que nations, et qu’il est appelé à prendre une forme sociale.

Social, ce culte l’est encore par ses effets sur les relations humaines. Amour de Dieu, amour des hommes, ces deux commandements suprêmes ne font qu’un. La pratique du culte du sacré Cœur va droit à combattre et à terrasser l’ennemi capital : l’égoïsme. Elle remplace l’àpre conflit des intérêts, la lutte à mort pour la jouissance terrestre, par l’esprit de conciliation, le sacrifice mutuel, la paix dans la fraternité. On sait pour quelle part prédominante l’élément moral entre dans la question sociale : le culte du sacré Cœur a pour résultat d’appliquer la solution chrétienne, la seule efficace. L’égoïsme abaisse et divise : comme l’avilissement païen a été guéri par la Croix, la haine cupide d’aujourd’hui pourra être guérie par la charité, apprise à l’école du Cœ’ur de Jésus.

XII. Compromissions politiques ? — Le culte du sacré Cœur a été, de temps à autre, accusé d’avoir un caractère politiqiie.

Si l’on veut dire par là — en termes alors bien impropres — que ce culte, par cela même qu’il attache et dévoue à la personne de Jésus-Christ, à sa doctrine, à son œuvre, est opposé à toute conception et à toute action visant à « déchristianiser » les individus et les peuples, ou à ruiner les conditions essentielles de l’ordre social naturel, rien de plus juste, mais il n’y a pas lieu de l’en disculper. Que si l’on dénonce par là une solidarité entre le culte du sacré Cœur et la politique de parti, l’assertion est inadmissible, car il en est sur ce point dxi culte en question comme de la Religion même et de l’Eglise, ni plus ni moins : rien, en effet, dans ce qui est propre au culte du sacré Cœur, dans sa nature, son esprit, sa pratique, ses effets, n’implique ni n’entraîne pareille solidaiité.(Cf. J. Thomas, f.a théorie de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, Lille, 1885, p. 492-493 ; et P. Suau, Les Cordicoles, dans les Iltudes, 20 janvier 1902, p. 250 et suiv.)Les catholiques affcctionnéset adonnésau culte du sacré Cœur out évidemment tout droitd’avoir des opinions et des préférences politiques nettement marquées et de régler leur manière d’agir sur leur manière de voir, mais en quoi cela engendrerait-il confusion entre des choses essentiellement distinctes ? Que si, accidentellement, d’aucuns ont prétendu établir, entre leurs visées i)olitiques et la dévotion par eux pratiqtiée ou préconisée, des liens qui ne répondent pas à la réalité, c’est là un abus dont le culte du sacré Cœur ne doit i>as porter la peine.

Toutes les formes cl applications légitimes de ce culte peuvent invoquer le bénéfice de la déclaration faite par le cardinal Guihicht au sujet de l’œMivre du Vœu National et de la construction de la basilique de Montmartre : « … Ce que nous ne devons pas tolérer, c’est qu’on ose attribuer un caractère politique à une pensée toute de foi et de piété. La politique a été et sera toujours loin, bien loin de nos inspirations :

l’œuvre est née au contraire de la conviction profonde que la i)olitique est tout à fait impuissante à guérir les maux de notre pays. Les causes de ces maux sont morales et religieuses ; les remèdes doivent être pris dans le même ordre, et si nous invitons la France à porter auprès du Cœur de Jésus-Christ un suprême recours, c’est que nous ne voyons de salut pour elle dans aucun des moyens dont la sagesse humaine dispose.

« Il y a un autre motif non moins décisif qui nous

fait écarter de notre entreprise toute idée politique : c’est que la politique divise, tandis que notre œuvre a poiu- but l’union. Le Cœur de Jésus est un rendez-vous pacifique où nous convions tous nos frères à venir chercher avec nous la vérité dans la charité : i’eritatem facientes in caritate. Ce que nous demandons à ce Cœur adorable, c’est la conversion de la France, non la conversion à telles ou telles opinions, mais sa conversion, ou plutôt, son retour à la foi chrétienne, aux espérances éternelles, à l’amour de Dieu, qui embrasse et comprend aussi l’amour des hommes. Ainsi la pacification sociale est au ternie de l’œuvre dont nous poursuivons la réalisation… «  (Mandement du 30 mai iS’jS. En vol., Paris, 1886, p. 389-390.)

Bibliographie. — J. V. BAinvel, La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, Paris, 1906 ; J.-B. Terrien, /a dévotion au Sacré-Cœur de /e’sMS^^ p^ris, 1902 ; N. Nilles, De rationibus festorum ss. Cordis Jcsu et pur. Cordis Mariae^, Innsbruck, 1885 ; Leonis P. XIU, Litteræencyclicæ (.1 Annumsacrum » d. 25ma11189g, de hominibus ss. Cordi lesu devovendis ; X. de Franciosi, La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus… notions doctrinales et pratiques^, Montreuil-sur-Mer, 1892 ; J. Thomas, La théorie de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, Lille, s.d.[1885] ; Ch. Sauvé, Le culte du Sacré Cœur, Paris, 1906 ; H. J. Nix^ Cultus ss. Cordis Jesu’^, Freiburg i/ B., 1906 ; L.Leroy, De ss. Corde Jesu ejusque cultu, Liège, 188a ; H. E. Manning, The Divine Glury of the Sacred Heart, London, 1 8^3 (augmenté et souvent réédité sous le titre : The glories of the sacred Heart), ;. G. Bucceroni, Coinmentarius de ss. Corde Jesu^, Rome, 1890 ; Mgr de Fumel, Le culte de V amaur divin, ou la dévotion au Sacré Cœur de Jésus, nonv. éd., Lodève, 1776 (2^ partie : Réponse aux Censeurs de la dévotion au Sacré Cœur de Jésu.s) ; B. Tetanao,. De vero cultu et festo ss. Cordis Jesu…, Venise, 1772 ; E. Marquez, Defensio cultus ss. Cordis Jesu…, Venise, 1 78 1 ; Card. Gerdil, Animadversiones in notas Felleri, dans l’éd. de Rome, 1806-1 821 : Opère., ,., t. XIV, p. 297 (travail reproduit dans Migne, Théologiae cursus completus, t. IX, col. 926 sqq.) ; A. Muzzarelli, Dissertazionc intorno aile regole da asservarsi nel parlaree scrivere con esattezzae con proprietd sulla divozionee sul culto dovuto al sacro Cuore di Gesii, Rome, 1806 (trad. fraiLç., Avignon, 18a6) ; J. Perrone, Prælectiones tkeologicac ^, t. V, tract, de Incarn., part. II, cap. iv, art. II, prop.II, Rome, 18^2 (et la plupart des Cours de théologie actuellement en usage, au traité de Ver ho incarnalo).

Les quelques ouvrages suivants contiennent à peu près tous les arguments produits coH/rc le culte du sacré Cœur : C. Blasi, De festo Cordis Jesu dissertatio commonitoria…, Rome 1765 ; H. Grégoire, anc. évêque constitut. de Blois, Histoire des sectes religieuses… ; art. Les Cordicoles…, i "’éd., Paris, 1814, t. I, p. 333 ; 2<- éd., Paris, 1828, t. II, p. ^44 ; [M. -M. Tabaraud] Des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie… par un vétéran du Sacerdoce, Pavis, 18a3 ; G. Téry, /.es Cordicoles, Paris, 1902. — Dans le