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CŒUR DE JÉSUS (CULTE DU)

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nelles, mais bien de contrecarrer le Postulateur, de susciter et de soutenir des objections, de signaler les points faibles et les inconvénients des mesures proposées, d’épuiser tous les arguments défavorables, aussi bien apparents que solides. « A lui de soulever des difficultés, tant de fait que de droit », ainsi parle Lambertini lui-même dans l’ouvrage indiqué (lib. I, c. XVIII, n. i). Prosjier Lambertini eut donc à remplir en I’526-1 727, ces fonctions d’opposant. Il s’appuya d’abord, par similitude, sur l’autorité de saint Bei-nard, blâmant les chanoines de Lyon d’avoir introduit la fête nouvelle de la Conception de la Sainte Vierge ; puis il s’attacha à établir que l’on ne pouvait, par contre, admettre l’analogie, invoquée par le Postulateur, entre les circonstances qui motivèrent l’institution de la fête du Corpus Christi et celles qui pouvaient motiver alors l’institution d’une fête du sacré Cœur ; enfin il prétendit que la façon dont le Postulateur présentait le cœur humain — comme comprincipe organique de la vie affective — impliquait solution d’un débat philosophique, que l’Eglise n’avait pas à dirimer. Voilà ce que Prosper Lambertini nous raconte lui-même en détail, voilà tout ce que l’on trouve dans ce passage de ses écrits dont les Jansénistes paraissent faire si grand état. Ils omettent, bien entendu, de faire remarquer que Prosper Lambertini n’avait pas à manifester là sa manière de voir, mais qu’il parlait d’office, à titre de Promoteur de la Foi, ayant pour mission de faire entendre tout ce qui pouvait être dit contre la requête examinée, et de ne faire entendre que cela. Les difficultés qu’il lit valoir — lesquelles d’ailleurs, fussent-elles décisives, laisseraient intacte la dévotion même du sacré Cœur — il les prenait si peu à son compte qu’il prolesta, à la suite de son travail, n’avoir rédigé toutes les remarques susdites (aniinadversiones) que pour s’acquitter des devoirs de sa charge. Cette note peut se lire dans la réimpression officielle de ces mêmes Remarques, faite à la reprise de l’affaire sous Clément XIII (PosiTio causai ; , Romae, typis Rev. Caméras apost., 1765, — part. UI, p. 8).

Dans le traité même sur la Canonisation des Saints (1. iii, c. LUI, n. g), lorsqu’il s’agit de la méthode critique à appliquer et des règles de discernement à suivre pour reconnaître la valeur des communications surnaturelles, Prosper Lambertini désigne comme faisant autorité dans la matière le Discours préliminaire dont Mgr Languet a fait précéder sa Vie Je Marguerite-Marie Alacoque, et où le prélat conclut très fermement à l’authenticité des révélations de Paray-le-Monial.

Un autre document, fort signiûcatif, indique lui aussi ce qu’il faut penser des dispositions et des vues réelles de Prosper Lambertini. En même temps qu’il avait remis son Mémoire à la Congrégation des Rites, le P. de GallilTet avait fait paraître à Rome en 1726 un livre en latin sur le culte du sacré Cœur. Dans la suite, l’ouvrage fut traduit en français. En i^^S une nouvelle édition fut publiée à Lyon, chez H. Declaustre. Le P. de Galliffet la dédia à Benoît XIV, pape depuis trois ans. Or, voici le début de l’épitrc dédicatoirc :

« Très Saint Père, prosterné aux pieds de

Votre Sainteté je prends la liberté de lui offrir un ()uvrage sur lequel Elle a un droit particulier ; puisque c’est à Votre Sainteté qu’il doit le jour. Daignez, Très Saint Père, rappeler dans votre souvenir ce qui se passa à Home à cette occasion l’an 1726. J’y étais Assistant du Général de Notre Compagnie. J’avais composé un Livre latin, De CuUa SS. Con/is Domini Nostri Jesu Christi, rpieje « U^diais au pape Benoît XIII, d’heureuse mémoire. Le IMaître du Sacré Palais à qui je demandai, selon les règles, la permission d’imprimer ce Livre, y trouva quelque difficulté : il me dit

que s’agissant d’un culte qui lui paraissait nouveau, il était expédient d’avoir le sentiment du Promoteur de la Foi.

« C’était vous-même, Très Saint Père, qui exerciez

alors avec tant de réputation cet office. J’allai donc à Vous, j’en fus reçu avec cette affabilité qui Vous gagnait tous les cœurs. J’eus l’honneur de Vous faire le rapport de ce qu’avait exigé de moi le Maître du Sacré Palais et je présentai à Votre Sainteté mon Manuscrit, la suppliant de vouloir bien y jeter les yeux. Elle le prit avec bonté : Elle le garda quelques jours : Elle en parut contente, et Elle me fit la faveur d’écrire un billet au Maître du Sacré Palais pour lui déclarer qu’il pouvait librement permettre l’impression de ce Livre…

« Votre Sainteté verra par ce détail qu’il est vrai, 

comme je l’ai dit, que l’Ouvrage que j’ai l’honneur de Lui présenter Lui appartient : puisque c’est une Traduction du Livre latin qui lui doit le jour… »

Du reste, le Pape ne se départit pas de son sentiment d’antan : « … Le souverain Pontife sachant la tendre dévotion qu’a notre auguste et pieuse reine [Marie Leczinska] pour le sacré Cœur, lui envoya en 1748 un gi*and nombre de cœurs d’un taffetas rouge brodé en or. Ceux donc qui répandent des images du sacré Cœur entrent dans l’esprit du Chef del’Eglise… > » (G. F. NicoLLET, Le Parfait Adorateur du S. Cœur de Jésus, Paris, Valleyre, 1761, p. 74- Cf. Bened. Tetamo, De vero cultu et festo SS. Cordis Jesu, Venise, 1772, append. II.) Fait plus caractéristique : diu’ant son pontificat il n’accorda pas moins de 41g brefs d’indulgences perpétuelles à autant de confréries érigées sous le titre du sacré Cœur de Jésus

— dépassant en cela tous ses prédécesseurs. Le catalogue s’en trouve dans la Positio causæ de 1766 déjà mentionnée (part. II, Summar., pp. 34-56). Par un bref du 24 mars 1751 il avait, notamment, attaché la faveur du privilège perpétuel à l’autel dédié au sacré Cœur de Jésus dans l’Oratoire public, contigu à l’église de Saint-Théodore in Campo Vaccino, appartenant à l’archiconfrérie établie depuis 1729 sous ce même vocable du sacré Cœur de Jésus. {Ibid., Summar., n. 5, p. 6.)

Et voilà comment le pape Benoît XIV s’est personnellement et persévéramment opposé au culte du sacré Cœur !

Si cette fable janséniste a eu souvent les honneiu’S de la réédition, ce n’est pas que les réfutations lui aient manqué, même dès le xviiie siècle. Pour ne citer qn’un ouvrage français, Mgr de Fomel, évè([ue de Lodève, en fait justice danssonlivre Le culte de l’amour divin (nouv. édit., Lodève, 1776, t. I, 2e part., §§ xv et xvi). Il est vrai que M. Gustave Téky, homme de haute culture universitaire, copiant mal son devancier l’abbé Grégoire, range bravement Mgr de Fumel parmi les adversaires du sacré Cœur. (Z^es Cordicoles, Paris, i(jo2, p. 46 note.)

IX. Les origines. — Aussi bien que ses fondements théologiques, les éléments constitutifs du culte du sacré Cœur sont contenus dans la substance même du christianisme. L’amour de Jésus-Christ pour les hommes, l’amour rendu par les hommes à Jésus-Christ, c’est le fond de la religion. De tout temps Taniour du Sauveur, sa charité humaine et divine, fut digne d’hommage et d’adoration ; de tout temps le cœur de riIonune-Dieu fut apte à symboliser naturellement cet amour. Néanmoins ce fut seulement au cours des âges que, en fait, les chrétiens se portèrent à faire de l’amour de Jésus pour nous l’objet propre d’une attention particulière et d’un culte explicitement spécial, et, en même temps, à utiliser à cette lin l’aptitude qu’avait le cœur corporel à être la représentation

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