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CŒUR DE JÉSUS (CULTE DU)

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« On comprend donc comment l’opinion populaire a

pu considérer le cœur comme le siège ou le générateur des émotions. C’est l’expression instinctive d’une vue très juste : l’importance souveraine, pour la vie affectiA^e, de l’action des viscères résumée dans un organe fondamental » (p. 119). — Mais alors, en ce qui concerne la vie affective, quelle est la part d’action du cerveau ? M. Ribot déclare admettre, d’accord avec G. Sergi, que « le rôle du cerveau dans la genèse des états affectifs a été surfait ; il n’agit que de deux manières : comme moyen de rendre conscients tous les troubles de la vie organique, base physique des sentiments ; comme cause d’excitation par le moyen des idées » (p. 128). — En somme, les excitations, engendrées par des sensations ou des représentations mentales, proviennent ])ien du cerveau, c’est bien par le moyen du cerceau que sont ressentis les modifications et les troubles de la vie organique, mais il n’en est pas moins vrai qu’une correspondance intime et étroite règne entre les mouvcments du cœur et les états passionnels qui influent sur eux, que ces états nous deviennent conscients précisément par la conscience même que nous avons des altérations du rythme cardiaque, des variations dans la fréquence et l’amplitude des battements, et enfin que certains des symptômes extérieurs, indices de ces états passionnels, résultent de modifications dans la circulation du sang, suite directe des modifications survenues au cœur. — Si donc le cœur n’est pas un principe organique, l’organe de production des affections sensibles de l’homme, il en est, en revanche, l’organe de manifestation. L’examen scientifique établit que le rapport physiologique, perçu par l’expérience générale, entre le cœur et les passions, est un rapport d’expression. Pareille explication ne va qu’à confirmer la valeur symbolique attribuée au cauir, à le montrer comme d’autant mieux qualifié pour être la représentation expressive de l’amour.

Le rapport physiologique ne relie, il est vrai, d’une façon directe, le cœur qu’à l’amour sensible. Mais dans l’homme les opérations les plus spirituelles sont nécessairement accompagnées d’opérations sensiljles : pas d’idée qui aille sans image, pas d’amour supérieur, pas d’acte de la volonté qui aille sans affections sensibles. La faculté supérieure d’aimer et de vouloir est, en Aerlu de l’unité de nature, indissolublement unie à la puissance corporelle de sentir et de s’émouvoir. L’amour le plus élevé, de soi immatériel, a donc sa répercussion dans le cœ-ur par l’intermédiaire des émotions et passions, qu’il suppose ou qu’il détermine ; à son égard le cœur joue encore le rôle d’organe de manifestation. Par suite, c’est l’amour humain tout entier, dans son ensemble cojnplexe, que le cœur est apte à signifier et à exprimer.

Mais en Jésus-Christ, comme il y a deux natures, il y a deux amours : l’amour humain, tant spirituel que sensible, et l’amour incréé. Le cœur de l’Homme-Dieii pourra-t-il symboliser la charité divine ? Outre le rapprochement provenant de l’analogie, l’amour créé se rattache à l’amour incréc par un lien intime de causalité, d’iiiq)ulsion reçue, de régulation et de sujétion, si bien que l’un ne se sépare pas de l’autre et qu ainsi le syndiole incontesté de l’un éveillera, en plus, par association, la i)ensée de l’autre, et, partant, sera indirectement symbole de l’amour incréé comme il est direcleiuent synd)()le del’anumr humain. On peut dire encore <{nc si, ; iu point de dé|)art de la signification, le cœur est symbole naturel et spécial de l’amour sensible, l’acception de l’emblènie va s’élargissanl et qu’il s’étend à symboliser indistinctement et sans restriction tout l’amour, tout amour de la personne dans la poitrine de laquelle il vil. Le cœur d’une personne symbolisant ainsi, d’une façon

générale, l’amour que peut avoir cette personne, et, d’autre part, la personne divine de Jésus nous portant, en vertu de l’union hypostatique des deux natures, non seulement une affection sensible et un amour de volonté humaine, mais aussi un amour divin, il semble parfaitement admissible que son cœur symbolise ces amours dans leur plénitude et leur totalité. Le cœur de Jésus est le cœiu* d’une personne divine, il est le cœur du Verbe incarné, il représente donc tout l’amour que le Verbe incarné a pour nous.

111. L’adoration due au cœur corporel de Jésus.

— Le cœur de Jésus est d’autant plus apte à servir d’élément sensible dans l’objet d’un culte spécial qu’il est, lui-même, digne d’adoration.

L’humanité de Jésus-Christ est adorable du culte suprême de l’adoration proprement dite, non pas certes pour elle-même, chose créée et iinie, mais à raison de son union à la personne du Verbe divin. Ce n’est point simplement une adoration semblable, mais bien une seule et même adoration, qui est due à la personne divine et à ce qui subsiste en elle et par elle. Le motif du culte rendu à la nature humaine du Sauveur est sa prise en possession par la personne divine, mais, comme objet de culte, cette humanité est adorable directement, immédiatement, en soi ; elle présente un terme matériel à qui peut s’adresser l’hommage d’adoration. Cela est Arai de l’humanité du Christ ; cela est vrai aussi de chacun des éléments, de chacune des parties dont elle se compose. En conséquence de l’union hypostatique le corps de Jésus-Christ est la propre chair de Dieu, son camr est adorable comme le propre cœHir de Dieu.

Toutefois la situation changerait radicalement, bien entendu, au cas où, par un effort d’abstraction, on s’attacherait à envisager l’humanité, ou une portion de l’humanité du Christ, comme séparée de la personne divine, à rompre ainsi par une hypothèse toute fictive l’union hj’postatitjue du Verbe avec l’humanité, en Aertu de laciuelle. d’ailleurs, cette humanité même et chacune de ses parties subsistent et existent en réalité. Ceux qui firent opposition au culte du sacré Cœur, principalement dans le dernier tiers du XAiii"^ siècle, menèrent grand bruit autour de cette Aerité élémentaire, prétendant que le culte attaqué par eux importait justement cette division et cette séparation ; que, par suite, l’on n’adorait le canir de Jésus qu’en ruinant par le fait même les raisons d’une adoration légitime ; qu’enfin l’adoration ainsi rendue à une portion de sinq)le humanité était pur nestorianisme. L’accusation est fausse, au point de manquer même de A’raisemblancc, et dénote une ignorance surprenante de la question de fait. De tous les ouvrages antérieurs où le culte du sacré Ca’ur avait été l’objet d’un exposé doctrinal, des mémoires et rapports présentés à la Congrégation des Rites pour l’obtention de la fête, du fond même et des formules du culte, il ressortait, sans aucun malentendu possible, que le culte du sacré Cieur prend le cœur de Jésus non pas imaginaireinenl détaché de l’humanité ou séparé du Verbe — à quoi rimerait cette invcntion ? — mais tel qu’il existe dans la réalité, en pleine vie, coexistant à toutes les autres parties de l’humanité sans que celles-ci soient exclues même numtalement, subsistant avec l’humanité totale dans la personne du Vei-be, et ([u’on y adore la personne dans son ca^ur ainsi que le cœur dans la personne. Néanmoins l’imputation mensongère fut maintenue avec tant de persistance et d’alfectation que dans la Bulle Auctoiem fidel, PiK VI eut à la repousser ; il le fil en condamnant la 63* proposition du synode janséniste de Pistoie, aux termes de hupielle ceux qui adorent le cœur « oublient que la chair très sainte du Christ, ou toute partie de