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16, le bref fut intimé solennellement aux Jésuites de Rome. Ils furent, malj^ré quelques mesiu-es rigoureuses, traités non en condamnés, mais en victimes. Le pape, en effet, dans le bref de suppression Dominas ac liedemptor, après avoir rappelé d’une part les exemples de ceux de ses prédécesseurs qui, depuis Clément V, avaient aboli des ordres religieux, et, d’autre part, les plaintes formées contre les Jésuites depuis Paul IV, déclarait ne rechercher et ne vouloir que le rétablissement de la paix et de la tranquillité. Il ne les accusait cependant d’aucun crime et accédait seulement aux désirs des princes, qui avaient, depuis plusieurs années, demandé l’aljolition de la Compagnie pour assiu-er « la tranquillité perpétuelle de leurs sujets et le bien général de l’Eglise de Jésus-Christ ». Naturellement, les cours du sud de l’Europe accueillirent avec joie le bref qu’elles avaient tant sollicité. Les coiu’s du nord ne montrèrent pas le même empressement aie recevoir ; l’impératrice Marie-Thérèse le mit sans doute à exécution, mais dans les autres parties du vaste empire d’Allemagne, il rencontra des opposants. La Prusse et la Russie conservèrent les Jésuites, l’une jusqu’en 1^80, l’autre jusqu’au règne de Pie VII, qui les rétablit dans tout l’Univers.

Clément XIV mourut un an après la promulgation du hrei Dominus ac Hedemptor (-22 septembre 1^74) ; ses derniers mois furent attristés par le souvenir de la concession qui lui avait été arrachée, et la vue de l’inutilité de cette concession pour la paix de l’Eglise. Son agonie semble avoir été consolée par la présence miraculeuse de saint Alphonse de Liguori. Peu après sa mort, le bruit se répandit que, dans une lettre confiée à son confesseur pour être remise à son successeiu ", il avait rétracté le bref Dominus ac liedemptor ; Pie VI ne protesta pas contre la publication de cette lettre, faite en 1789.

L’histoire des tergiversations de Clément XIV, et de la concession qu’il crut devoir faire aux haines conjurées des cours catholiques, peut se résumer dans la phrase bien connue de saint Alphonse de Liguori.

« Pauvre pape, que pouvait-il faire, dans les circonstances

difficiles où il se trouvait, tandis cpie toutes les couronnes demandaient de concert cette suppression ! » Un seul auteiu* catholique a, de nos jours, tenté, non d’excuser et d’expliquer, mais de présenter comme un acte glorieux à Clément XIV et utile à l’Eglise, le bref Dominus ac Redemptor : le P. Theiner, dans son Histoire de Clément XIV.

Les historiens s’accordent, par ailleurs, à reconnaître la science, la dignité de vie, les vertus religieuses du pape ; un des Jésuites qu’il frapi>a si rudement, l’historien Jules Cordara, lui rendit, peu après sa mort, ce témoignage : « Il aurait été un i)apc excellent dans des temps meilleurs. »

Bibliographie. — Sources : Continuatio BuUarii romani, t. IV, Prati. 1845 ; démentis XIV Epistolae et lirevia, édit. Theiner, Paris, 1852.

Ouvrages : Crétineau-Joly. Clément XIV et les Jésuites, Paris, 18^7 ; Masson, Le Cardinal de Bernis, Paris, 1884 ; Ravignan S. J., Clément XIII et Clément XIV, Paris, 1854 ; Reumont, Canganelli, Papst Clemens XIV, Berlin, 1847 ; Rousseau, Histoire du règne de Charles Jl^ Paris, 1907 ; Rousseau, Expulsion des Jésuites d’Espagne (Revue des Quest. Hist., janvier 1904) ; J. de la Servière, Article Clément XIV Au Dictionnaire de Théologie catholique ; Sidney Smith, S. J., The.suppression of tlie Society of Jésus (The Month, igoa-iyoS) ; Theiner, Histoire du pontificat de Clément XIV, Paris, 1862.

[J. B. Jaugky.]

J. DE LA Servière.


CLERGÉ (CRIMINALITÉ DU). — Les ennemis de la religion attaquent volontiers la moralité du clergé catholique et exploitent contre la loi du célibat ecclésiastique des défaillances individuelles vraies ou prétendues. La question de droit sera traitée au mot Sacerdoce chrétien. Quant à la question de fait, voici, à titre de document, les résultats d’une enquête faite en France dans les premières années du xx^ siècle.

I. Utilité de la criminalité comparée. — II. Za criminalité dans les professions libérales : ï* Observations préliminaires ; 2° La criminalité comparée, de 1864 à 1 8g3 : a) Statistique sur le nombre des propriétaires ; b) sur le nombre des professeurs et instituteurs laïques ; c) sur le nombre des congréganistes et des ecclésiastiques séculiers ; d) tableau des condamnations ; 30 La criminalité de 180 i à 1897 ; 4" de 1898 à 1901 : a)Discussion du recensement professionnel de 1896 ; h) tableau des condamnations. — III. La criminalité dans le personnel laïque de l’enseignement : i" Tableaux statistiques ; 2’^ L’invraisemblance du changement et ses motifs ; ’5° Conversion simultanée des fonctionnaires ; 4" Ce qu’on doit conclure. —

IV. Les crimes contre les mœurs chez les maîtres laïques et dans le clergé et les congrégations. —

V. Za criminalité dans les professions non libérales : 1" Comparaison sommaire et générale ; 2" Statistique criminelle dans les diverses professions non libérales. — VI. Statistiques mensongères. — VU. Conclusiotis.

X. B. — Le mol criminalité sera pris ici dans son sens propre : il ne sera question que des faits qualifiés crimes par la loi, ceux qui conduisent les accusés devant les com*s d’assises. Nous laisserons de côté les simples délits, justiciables des tribunaux correctionnels. Ceux-ci, étant moins graves, appellent moins l’attention ; et d’ailleurs les statistiques par professions, que le gouvernement a fait dresser jusqu’au début du vingtième siècle, ne s’applif{uent pas aux actes délictueux : elles ne concernent que les actes criminels. Il faut donc se borner nécessairement à ces derniers, si l’on veut étudier, d’après les documents officiels, la moralité comparée des diverses professions, en France, depuis un demi-siècle, y compris le clergé séculier et régulier’.

I. Utilité de la criminalité comparée

On sait combien les ennemis de l’Eglise ont abusé et al)usent des défaillances isolées que l’on observe de temps en temps chez les ecclésiastiques et les membres congréganistes de l’enseignement libre ! Us les relèvent avec zèle, les signalent avec des cris de joie, et en tirent les conséquences les plus opposées, on va le voir, à la justice et à la vérité. Et en même temps ils se taisent sur les crimes des autres professions. Il n’y a pas de méthode plus inique.

Si l’on veut parler des actions coupables d’un groupe et indiquer son niveau moral, la seule manière de ne pas jeter le public dans l’erreur, et dans une erreur grave, nuisible à toute une catégorie de citoyens, c’est de donner aussi la proportion des crimes, qu’on rcnuirque dans les groupes voisins ; c’est d’établir la criminalité comparée entre les professions. Il faut publier les statistiques criminelles des principales classes de la société française, — ou n’en publier aucune. C’est le seul moyen de placer chacun à son rang et de mettre l’opinion publique en état de juger d’une manière équitable.

1. La comparaison pour les délits serait plus avantageusf encore au clergé que ne l’est celle des crimes, qui l’es’beaucoup cependant, comme on le verra.