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CEREBROLOGIE

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l’analyse philosophique voient là un déficit intellectuel spécialisé. Ce n’est qu’un déûcit sensible.

Si la mémoire a son siègre, que l’avenir précisera plus étroitement, le langage articulé a perdu le sien, qxie Broca avait cru trouver dans la troisième circonvolution frontale gauclie (Marie). Tout son mécanisme est concentré dans la région ou dans le voisinage du noyau lenticulaire : il est subordonné à l’exercice des facultés sensibles qui sont lices aux facultés spirituelles.

VI. — L’aliénation mentale ou folie a des rapports certains avec le cerveau, mais demeure profondément mystérieuse dans sa cause. Les aliénistes tout les premiers se montrent incapables de nous en révéler la nature intime.

Leur science est à peu près nulle, manquant de sa base nécessaire, Y anaiomie pathologique. Ils ignorent les lésions propres de presque toutes les variétés de folies et ne sont pas d’accord sur les causes de la seule psychose définie, la paralysie générale. C’est pourquoi ils devraient être modestes, réservés, et porter tous leurs efforts à combler les immenses lacunes de leur science, au lieu de se perdre dans les domaines étrangers de la sociologie, de la philosophie et de la jiolitique.

Les aberrations de nombre de maîtres sont navrantes sur ce point. L’un d’eux, A. Marie (Mysticisme et folie, 1906), voit un lien entre la folie et le mysticisme : il professe cjue la religion est affaire de faiblesse cérébrale, que la foi ne se rencontre qne chez les esprits débiles ou fous. Et pourquoi admet-il que de la religion à la folie il y a une transition insensible et fatale ? Parce que nombre de pensionnaires des asiles ont un délire religieux.’Quoi d’étrange ? Les croyances religieuses sont encore très répandues de l’aveu même du préfacier D’Tbulié, elles se reflètent nécessairement dans les psj’choscs. Toujours les fous puisent dans le vaste réservoir du subconscient ou du sous-moi les éléments de leur délire, toujours leur vie psychique déviée tend à reproduire leur Aie psychique normale antérieure dont s’est imprégné en quelque sorte le cerveau.

On ne s’est pas borné à confondre le mysticisme avec la folie, on a cherché à établir que tous les criminels sont des fous. La cérébrologie n’a jamais appuyé ces dangereuses idées qui cherchent à s’introduire au prétoire. La tliéoric de Vhomme criminel imaginée par Lombroso. qui prétend confondre le crime avec la folie et nier la liberté et la responsabilité humaines, a eu une rapide et brillante vogue, mais s’est vue complètement démolie par les faits, elle n’est plus soutenue par personne. Parmi les criminels de profession ou d^habitude, il y a certes des criminels-nés ou plutôt des aliénés-criminels, dégénérés qui portent les stigmates physiques et psychiques de leur mal, incorrigibles et irresponsables dans une mesure variable (demi-fous de Grasset), mais il y a aussi et surtout de s’rais criminels sans aucune tare pathologique. Ceux-ci ne sont pas nés pervers, ils le sont devenus et portent la responsabilité de leurs actes.

VII. — La cérébrologie est une science bien jeune, mais qni présente déjà des notions importantes. Nous savons que le cerveau préside à la vie animale, qii’il est un organe sensible et moteur, nous savons que son lobe moyen gauche est préposé à la mémoire ; nous savons mieux encore par l’introspection, si mal écoutée des physiologistes et des médecins. La conscience nous est familière, toujours accessible et instructive. Toute la vie mentale s’y déroule. Au-dessous du moi, qui est conscient et responsable, il y a le sous-moi qui est inconscient ou plutôt subconscient, et joue un si grand rôle dans les actes psychiques. C’est de la collaboration intime et incessante du jnoi et du

sous-moi que dérivent toutes nos pensées. C’est incontestablement ce dualisme qu’a aouIu traduire le professeur Grasset avec sa fameuse théorie du centre et du polygone.

Malheureusement, noire savant confrère a prétendu localiser à part ces centres supérieurs et inférieurs, intimement associés dans l’unité de la vie cérébrale, et il s’est misa la remorque du matérialiste Flechsig. Le centre intellectuel n’a pas de siège avouable, et le polygone n’est qu’un pur schéma, incapable de satisfaire l’esprit. Il faut rester dans l’introspection ou n’en sortir que pour allirmer des réalités, des faits établis.

On ignore absolument la l>ase physiologique delà conscience, le fonctionnement cérébral du moi et du sous-moi, bien qu’on soit exactement informé de l’unité de la vie encéphalique dans le jeu de ses multiples organes, de ses innombrables neurones.

La volonté et l’intelligence qu’accuse notre conscience sont deux facultés de l’àine spéciales et distinctes, quoique intimement unies dans l’élaboration des actes psychiques. Qui nous dira leur substratum organique respectif ? Qui fera à chacune la part qni lui revient dans notre action consciente ? Assurément ce ne sont pas nos savants matérialistes, dont la plupart confondent intelligence et volonté.

La question de la vie affective, associée si étroitement à la vie cognoscitive, se pose depuis longtemps devant la science. Qui la résoudra ? Qui fera au cœur la place convenable dans le fonctionnement de la vie mentale ? L’organe de cette vie affective est spécial, il n’est pas au cerveau : est-il au cervelet, comme nous le croyons, ou ailleiu’s ? C’est le problème qui appelle tous nos efforts. Tant qu’il ne sera pas résolu, nous resterons muets devant tous les faits qui accusent la dualité encéphalique et qui sont si importants. Qu’est-ce que le sommeil ? Qu’est-ce que le rêve ? Comment Vhypnose ou sommeil provoqué est-il possible ? Quel est l’état second des médiums qui suscite tant de phénomènes bizarres en produisant dans l’inconscience le jeu du sous-moi ? Quel est le secret des sourciers, qui procède de la même cause ?

Toutes ces questions sont capitales, et notre xx’siècle naissant les laisse sans réponse. Le sommeil par exemple demeure une énigme indéchiffrable, et devant l’incohérence des théories proposées, les savants semblent avoir renoncé à l’expliquer.

VIII. — Ce qui est acquis et certain, au milieu des obscurités du présent, c’est que les facultés supérieures de l’esprit, perçues clairement par la conscience, épanouies dans le triomphal progrès des sciences, des lettres et des arts, ne sont pas proprement fonction du cerveau. Tout l’organe a été exploré, aucun neurone ne s’y distingue par des qualités à part, aucun centre supérieur ne s’y révèle, aucune place n’y est reconnue à l’intelligence. La cérébrologie multiplie ses témoignages en faveur de l’indépendance relative de l’esprit. L’uu d’eux mérite d’être retenu : c’est la frappante ressemblance morphologique des cerveaux humain et simien. Cette identité, que les anciens s’ingéniaient à contester sous le mauvais prétexte de sauver le spiritualisme, est l)ien établie et ne compromet rien : car, loin d’autoriser à affirmer l’identité totale de la vie psychique chez l’homme et chez le singe, elle indique seulement l’équivalence de fonctions strictement limitées. Toute la question revient à savoir si les deux « intelligences » se ressemblent, sont même comparables. Poser la question, c’est la résoudre. Et il faut arriver à cette conclusion : L’homme et le singe ont un cerveau semblable ; l’intelligence n’appartient qu’à l’homme : donc elle n’est pas une fonction du cerveau.

La fonction encéphalique doit être cherchée ailleurs, ou plutôt elle est tout indiquée ; c’est la sensibilité et