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CEREBROLOGIE

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sensibilité vulgaire, brute était reléguée dans la protubérance et le bulbe. Plus tard les auteurs ont fait de l’écorce cérébrale le siège spécial des facultés supérieiu-es, le temple exclusif de la pensée.

FoviLLE plaçait dans les ganglions centraux le siège des mouvements volontaires, Luys le siège des sensibilités générale et spéciale dans les couches optiques. La doctrine des localisations cérébrales est venue en 1870 renverser cette étrange théorie : nous V reviendrons. Signalons seulement ici la dernière tentative qu’a faite le matérialisme pour enrayer la marche de la vérité : nous voulons parler de la théorie de FLECHsiG.|Le célèbre professeur de Leipzig a voulu départager les centres corticaux en centres de projection et en centres d’association, ou centres d idéation : mais sa théorie n’a pas tenu devant l’évidence des faits, devant la contradiction des maîtres et, après avoir été corrigée, atténuée, transformée par Fauteur, elle a dû disparaître du champ de la science. Les temps sont loin où un Karl Vogt pouvait dire : Le cerveau produit la pensée comme le foie secrète la bile.

III. — La cérébrologie s’éclaire de l’anatomie commune comme de la structure histologique de l’organe nerveux central. Et sur ce point les faits abondent (cubages crâniens, i)esées cérébrales) qui donnent des notions précises, importantes pour la philosophie et l’apologétique : indiquons les plus caractéristiques.

Il n’y a aucun rapport entre le volume ou le poids cérébral et l’intelligence, que l’on considère l’homme suivant les individus, suivant le sexe, suivant les âges, suivant les latitudes ou suivant les siècles. Cuvier avait un cerveau énorme. Gambetta un très petit.

La loi de croissance veut que le cerveau atteigne son maximum de développement entre 14 et 20 ans pour rester ensuite stationnaire puis diminuer lentement jusqu’à la vieillesse. Le volume de l’organe se montre en rapport avec celui du corps entier, avec le développement nerveux et musculaire.

Il n’y a pas de différence cérébrale entre les races. TiEDEMANN l’avait proclamé en 1887 ; et son opinion, vivement combattue pendant le xix’siècle, reprend définitivement faveur. La cérébrologie montre que le cubage des crânes oscille dans d’étroites limites (entre i.^’ ; ^ et i.588 ce.) et témoigne nettement en faveur de ïunité de l’espèce humaine (Topinard).

Nous ne nous arrêterons pas, avec les anciens, a comparer les différents animaux au double point de vue du volume cérébral et de 1’  « intelligence ». C’est un jeu vain et sans portée. Mais si l’animal n’a pas l’intelligence, il jouit de la sensibilité sous toutes ses formes ; et l’étude expérimentale de son cerveau est pleine d’intérêt et fournit les meilleurs résultats : on lui doit la doctrine des localisations. A côté de ces expériences indispensables de laboratoire, se placent les observations cliniques qui sont, on l’a dit, des expériences toutes faites et corroborent utilement les premières : elles ont le grand avantage de s’accomplir sur l’homme que le médecin soigne, soulage ou guérit. Les symptômes sont exactement notés chez le malade ; si la mort survient, l’autopsie vient révéler les lésions qui les ont produites et conduit à la connaissance directe du fonctionnement encéphalique. Grâce à tous ces moyens, le cerveau commence à révéler son secret et la doctrine des localisations a pu naître et grandir.

IV. — Pressentie dès 1810 par Gall, la doctrine des localisations a été découverte eu Allemagne en 1870. Jusque-là, on tenait le cerveau pour inexiitable. insensible : n’était-il pas le siège de la pensée, le tenq)le de l’ànie ? L’observation ramena les savants à des vues plus modestes. Explorant la surface céré brale d’un singe, les électrodes à la main, deux physiologistes Fritsch et HiTziG remarquèrent que le courant électrique déterminait invariablement la contraction de différents groupes de muscles suivant les points touchés. Ils complétèrent heureusement ces premières expériences par une contre-épreuve décisive : l’ablation d’une portion limitée et déterminée de la couche corticale détermine la paralysie des muscles que l’excitation électrique de la même portion a précisément pour effet d’actionner. Les centres moteurs étaient dès lors trouvés et démontrés dune manière irréfutable.

De nombreux travaux se sont inspirés de la même méthode et ont confirmé, étendu ses résultats. Bien mieux, la chirurgie en a tiré parti. Des épilepsies, des contractures, des paralysies, réputées naguère incurables, sont actuellement guéries, et parfois rapidement, par l’application de couronnes de trépan au niveau des centres moteurs irrités que le praticien devine à coup sur sans les voir. Le témoignage des malades guéris et sauvés vient ainsi s’ajouter à celui des faits innombrables que l’expérimentation et la clinique ne cessent d’apporter.

Aujoiu’d’hui la doctrine des localisations est définitivement établie, incontestée ; et le cerveau apparaît décidément comme un vaste organe de sensibilité et de mouvement. Rappelons brièvement les points essentiels de la topographie cérébrale actuellement connue. Les centres moteurs se groupent dans la région frjonto-pariétale autour de la scissure de Rolando et au-dessus de celle de Sylvius ; on en connaît déjà un certain nombre, mais on ne les connaît pas tous. Les ce « /res se/ ! S17//s sont répartis dans la moitié postérieure des hémisphères, mais leur étude est beaucoup moins avancée que celle des centies moteurs. Seul, le centre optique est bien établi au lobe occipital.

La zone antérieure ou prérolandique a longtemps résisté aux efforts des expérimentateurs, et son étude est très peu avancée. Il semble qu’elle n’est pas étrangère au jeu des muscles, qu’elle préside même à leur coordination. Certains auteurs lui attribuent encore la motilité stéréognostique ou significative, mais aucun n’oserait tenir le lobe frontal pour plus noble que les autres. Il est préposé comme eux à la vie animale.

V. — La mémoire siège au lobe temporo-pariétal gauche, sans délimitation encore plus précise. Cette localisation date seulement de 1906 et est due aux travaiix du D"" Pierre Marie qui a heureusement revisé la grosse question de Vapliasie. Résumons les données de cette belle découverte.

L’aphasie ou perte de la parole résulte d’une lésion du lobe temporo-pariétal gauche qui cause Vnmnésio. Sans mémoire, pas de parole. La mémoire est une faculté primordiale par laquelle toutes les autres s’exercent et se développent, elle est indispensable à la vie de relation, mais à son tour elle est commandée par l’esprit. L’homme est avant tout un être enseigné : et l’instruction serait impossible sans la coopération intelligente de l’élève avec le maître. On éduque un animal, on ne l’enseigne pas. Et si le singe ne parle pas, ce n’est pas parce qu’il manque des organes nécessaires au langage, c’est parce qu’il ne pense pas.

Les aphasiques sont des amnésiques : tous leurs troubles s’expliquent par la lésion de l’organe sensible, par la perte de la mémoire. Ils ont perdu tout le bénéfice de leur instruction première, ils ne savent plus même leur ABC, ils ne peuvent ni lire, ni écrire, ni compter, ils sont incapables, musiciens, de déchiffrer ou de jouer le moindre morceau, artisans, d’exercer leur métier. Les auteurs peu familiarisés avec