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CATACOMBES

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sieurs parties de la Bible rejetéos comme apocryphes par les réformateurs du xvi* siècle, l’histoire de Suzanne, le cantique des trois jeunes Hébreux dans la fournaise de Babylone, le xiv’chapitre du livre de Daniel, l’histoire de Tobie, apparaissent dans les catacombes, et forment quelquefois le sujet de leurs plus anciennes peintures. En revanche, parmi les nombreux traits empruntés à l’histoire évangélique, on ne rencontre aucune allusion aux épisodes que rapportent les évangiles apocryphes. Seules, deux fresques du vu* siècle (642-648), dans la crypte de Saint-Valentin, reproduisent un récit du protévangile de Jacques, et mettent en scène l’accoucheuse Salomé ; mais ces représentations sont de trop basse époque pour rentrer dans le cycle des peintures des catacombes.

L’étude de celles-ci ne serait pas complète si nous ne passions rapidement en revue quelques sujets isolés traités parles anciens peintres chrétiens. Telle est cette scène assez obscure peinte au m siècle dans un arcosolium du cimetière de Priscille, où l’on a reconnu une prise de voile ; une autre, de la fin du même siècle, au cimetière de Saint-Hermès, où l’on a vu une ordination, mais qui représente le jugement de l’àme ; une peinture du iv^ siècle, au cimetière de Domitille, qui a paru représenter l’imposition des mains pour la pénitence. Mgr Wilpert a, le premier, donné l’explication d’une image fort étrange due aux mavivaises copies des dessinateurs de Bosio, la femme au cuvier du cimetière de Domitille. C’est la figure d’un fonctionnaire deVAiinone devant un modius.De nombreuses fresques conservent les traits ou le souvenir des défunts ; nous avons déjà dit que tel est le sens de la plupart des orants ou orantes ; d’autres portraits se rencontrent dans les catacombes, pai- exemple ceux desfossores, représentés dans le costume ou l’acte de leur travail ; celui de cette humble marchande de légumes, que l’on voit assise devant son étal, au fond d’un arcosolium du iii"^ siècle au cimetière de Calliste ; ou cette imago clrpeata d un homme à demi vêtu de la chlamyde, au centre d’un plafond du même siècle, dans le cimetière de Domitille ; ou enlin, au cimetière de Calliste, cette tête d’homme peinte par exception sur toile, et clouée dans le tujau d’un lucernaire, qui en a gardé le décalque. D’autres peintures sont ce qu’on appelle de nos jours des sujets de genre. Dans la crypte de Saint-Janvier, u^ siècle, au cimetière de Prétextât, des enfants cueillent des roses, des moissonneurs coupent le blé, des vendangeurs cueillent des raisins, de jeunes garçons récoltent des olives. Une chambre du cimetière de Domitille, commencement du ive siècle, montre, de chaque côté du Bon Pasteur, l’Hiver personniiié par un paysan qui s’approche du feu ; 1 Automne, jeune homme tenant une grappe de raisin et une corne d’abondance ; l’Eté, qui moissonne avec une faucille ; le Printemps, jeune homme nu cueillant des roses ; cette peinture est aujourd’hui presque effacée. Dans un arcosolium du v"^ siècle, au cimetière Ostrien, on voit l’image plus réaliste d’hommes transportant des tonneaux. Les cryptes tout à fait primitives renferment des animaux et des paysages, exécutés d’un trait net et rapide : par exemple, le cubiculum d’Ampliatus, au cimetière de Domitille, la chambre dite vulgairement de Saint-Nérée, un plafond d une autre chambre, postérieur d’environ un siècle, au même cimetière. Parfois apparaissent des sujets plus profanes, qu’une ingénieuse imagination tournait en allégories spiritualistes ou même chrétiennes. On connaît le sens attribué par les païens eux-mêmes au mythe de Psyché : dans une salle à droite de l’exèdre du m’siècle qui sert de vestibule extérieur au cimetière de Domitille sont peints de jeunes garçons et des Psychés en robe longue,

cueillant des fleurs. Orphée, apprivoisant aux sons de sa lyre les bêtes sauvages, parut de bonne heure une image du Christ : il fut peint au ii’siècle sur un plafond du ciuietière de Domitille ; au 111% dans une chambre de celui de Calliste. D’autres fresques, comme le masque de l’Océan, les Saisons personnifiées par des feunnes à demi couchées, au cimetière de Calliste, n’ont aucime signification symbolique et sont de simples ornements’.

L’art dans les catacombes n’est pas seulement représenté par la peinture ; la sculpture y tient une place importante. On lui doit les sarcophages, dont la face antérieure et les deux côtés sont couverts souvent de bas-reliefs.

L’emploi des sarcophages est très ancien dans les cimetières souterrains. On a déjà vu qu’il y en avait dans le corridor d’entrée du cimetière de Domitille. Il s’en trouvait dans la chambre des Acilius Glabrio et le corridor qui y menait, au cimetière de Priscille. Dans la crypte de Saint-Janvier, belle construction du II siècle au cimetière de Prétextât, des sarcophages étaient posés à terre sous des niches ai-quées. Il en fut de même au cimetière de Calliste, dans la chapelle des papes et dans celle de Sainte-Cécile. Un hypogée chrétien découvert en 18’j6 siu* la voie Latine gardait encore en place ses sarcophages abrités sous de semblables niches. Quelquefois, ils étaient déposés sur les paliers d’un escalier souterrain ; ainsi, au cimetière de Prétextât.

Les sarcophages les plus anciens ne portent pas de trace du christianisme. Ils sont souvent ornés simplement de lignes ondulées. On y rencontre aussi des têtes ornementales, des scènes de pêche, d’agriculture, de chasse, des jeux, des banquets. Rarement apparaît une scène mythologique, facile à tourner à un sens chrétien, comme Eros et Psyché ou Ulysse se faisant attacher au màt du navire pour résister au chant des Sirènes. On a vu siu’un sarcophage l’image d’Apollon jouant de la lyre ; sur un autre, celle de Minerve. Mais ceux dont la décoration laissait à désirer au point de vue chrétien furent souvent enterrés dans le sol ; d’autres fois, on tourna contre la muraille leur face sculptée ; des bas-reliefs ont même été martelés ou couverts de chaux.

La sculpture chrétienne se développa moins vite que la peintui-e. Les peintres travaillaient avec une sécurité relative, cachés dans les entrailles de la terre ; les sculpteurs avaient nécessairement leur atelier à la surface du sol, dans la ville, exposé aux regai’ds de tous ; une plus grande réserve leur était nécessaire. Aussi les marbriers chrétiens doivent-ils avoir été peu nombreux à l’origine. Les sarcophages employés par les premiers fidèles sortaient ordinairement des officines païennes, où ils choisissaient de préférence des sujets indifférents, qui ne pouvaient blesser leur foi. Cependant on sait qu’il exista, dès le xw siècle, des ateliers de sculpteui’s chrétiens. Un marbre de ce temps montre un de ceux-ci, Eutrope, ciselant un sarcophage décoré de cannelures et de têtes de lion ; un autre sarcophage, orné de dauphins, comme il s’en trouve parmi les plus anciens des catacombes, pai’aît au second plan. Bien que faisant partie de l’Eglise, comme le montre son épitaphe, Eutrope

1. On ne doit pas confondre avec ces images allégoriques ou décoratives de catacombes chrétiennes les fresques sa, baziennes d’un hypogée voisin, mais distinct du cimetière de Prétextât, ou les peintures du tombeau d’un a « ri^a vainqueur aux jeux du cirque qui s’est trouvé fortuitement incorporé au cimetière de Thrason. Voir Garrucci, Les mystères du syncrétisme phrygien^ dans Cahier et Martin, Mélanges d’Archéologie, t. IV, p. 1-54. NoRTHCOTE et Brownlow, Palrner’s Early Christian symbolism, p. 33-36, 59-62.