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CANON CATHOLIQUE

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qu’un ne reçoit pas pour sacrés et canoniques ces mêmes li’VTes en entier avec toutes leurs parties, comme on a coutimie de les lire dans l’Egflise catholique et comme ils se trouvent dans l’ancienne édition vulgate latine… qu’il soit anathème.)>

Le concile de Trente a donc porté une déflnition dogmatique, condamnant comme hérétique le sentiment de ceux qui ne recevraient pas pour sacrés et canoniques tous les livres, dont la liste est dressée et publiée. Tous sont également sacrés, c’est-à-dire inspirés, et canoniques, contenant et formant la règle de la foi et des mœurs. Il n’y a ainsi, sous le rapport de l’autorité normative, aucune différence à établir entre eux : tous contiennent des témoignages et constituent des secours, propres à confirmer les dogmes et à restaurer les mœurs dans l’Eglise. Le décret éliminait la distinction, proposée par quelques Pères dans les congrégations ou assemblées préparatoires, entre les livres authentiques et canoniques, dont notre foi dépend et les livres sinqjlement canoniques, bons pour l’enseignement et utiles à lire dans les églises.

Cependant, Sixte de Siexxe introduisit dans le langage courant, Bihliotheca sancta, 1. L sect. i, 2, Venise, 1566, t. I, p. 9, la distinction des livres protocaiwniques et deutérocanoniques. Il entendait par là, et on entend après lui, deux catégories de Livres saints, distinctes par l’histoire de leur reconnaissance canonique dans l’Eglise. On nomme prolocaiioriiques ceux qui partout et toujours, dès le commencement, ont été sans conteste reconnus comme inspirés, et deutérocanoniques, ceux dont l’autorité n’a pas été toujours et partout admise sans hésitations ou discussions, et qui n’ont été que plus tard universellement inscrits au canon des Livres saints. Cette distinction serait inexacte, si on en pressait trop les termes et si on l’entendait comme si, dans l’Eglise, il y avait eu successivement deux canons superposés, dont le second était plus étendu que le premier. Elle est juste, si on la restreint à l’histoire de la reconnaissance publiqvie de tous les livres inspirés dans toutes les Eglises sans exception. Quelques théologiens catholiques ont toutefois voulu indiquer par là une différence, sinon ontologique et essentielle, du moins d’autorité et de valeur normative. Bernard Lamy, Apparatus biblicus, 1. II, c. v, Paris, 1728, p. 288-241. dit seulement en passant et sans y insister que les deutérocanoniques n’ont pas la même autorité que les protocanoniques. Jahn, Einleitung in die gesammten Bûcher des Alten Bundes, 2° édit., t. I, p. 240. l)rétendit, d’après les déclarations des Pères de Trente, que la différence entre les deuxclassesde livres canoniques n’a pas été enlevée. M. Loisy. Histoire du canon de V Ancien Testament, Paris, 18go, p. 212-241, admet, à leur suite, que tous les livres de l’Ecriture, quoique inspirés et canoniques au même titre, n’ont pas la même valeur ni une autorité égale. La différence provient donc, non <le leur reconnaissance otricielle par l’Eglise, qui est la même pour tous, mais de leur contenu qui, de sa nature, a un rapport plus ou moins direct avec le dogme et la morale. Mais, remarqueronsnous, cette différence d’objet existe entre les protocanoniques eux-mêmes et ne cai-actérise pas deux classes distinctes de Livres saints. Elle concerne, d’ailleurs, plutôt les effets de l’inspiration dans les Livres saints que la canonicité, qui ne change d’aucune manière les enseignements des livres canoniques. La distinction entre livres protocanoni(iues el deutérocanoniques vise donc seulement le fail extérieur de la reconnaissance publique de leur inspiration dans les diverses Eglises de la catholicité. Elle n'établit par suite entre eux qu’une différence logique et historique.

Le concile du Vatican, sess. iii, const. Dei Filius, c. II, et can. 4. a renouvelé, le 27 avril iSyO, la définition de Trente et l’anathème porté contre quiconque « ne recevrait pas pour sacrés et canoniques les livres de la sainte Ecriture en entier a^ec toutes leurs parties, comme le saint concile de Trente les a énumérés ». Léon XIII a aussi rappelé la définition des conciles de Trente et du Vatican sur la canonicité des Livres saints. Encyclique Pro’identissimus Deus, du 18 novembre 1898.

Les protestants ont continué à rejeter comme non inspirés et non canoniques les livres deutérocanoniques, surtout ceux de l’Ancien Testament, qu’ils nomment apocryphes. Ils ont souvent attaqué dans leurs écrits le décret du concile de Trente. Selon eux, les Pères de cette assemblée auraient, sans examen et contrairement au sentiment de l’ancienne Eglise, déclaré canoniques des livres qui ne méritaient pas cette reconnaissance officielle ; ils auraient, par un ^ote arbitraire, tranché une question sur lafiuelleles plus illustres docteurs de l’Eglise ont été partagés de sentiment. H. Hoavorth a étudié l’origine et l’autorité du canon biblique dans lEglise anglicane et chez les réformés du continent, dans Journal of Theological Studies, 1 907-1 909. Dès le xvi^ et le xvn « siècle, mais surtout aux xviii' et xix', quelques théologiens orthodoxes de l’Eglise grecque et de l’Eglise russe, d’abord malgré l’opposition, puis avec l’assentiment pUis ou moins explicite des autorités officielles, ont adopté les vues des protestants sur les deutérocanoniques de l’Ancien Testament et reproché à l’Eglise romaine d’avoir innové, en les recevant, et d’avoir méconnu le sentiment de l’ancienne Eglise. M. Jugie, Histoire du canon de l’Ancien Testament dans l’Eglise grecque et dans l’Eglise russe. Paris, 1909, p. 34-131. Nous répondrons à cette accusation en montrant séparément pour les deux Testaments que les livres dits deutérocanoniques ont toujours été reconnus comme inspirés et divins dans l’Eglise catholique, nonobstant les doutes de quelques docteurs et les hésitations de plusieurs Eglises particulières.

III. Canon de l’Ancien Testament- — On range parmi les deutérocanoniques de l’Ancien Testament sept livres entiers : Tobie, Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch et les deux livres des Machabées, et quelques fragments d’autres livres : les additions grecques d’Esther, x, 4-xvi, 24, et dans le livre de Daniel, la prière d’Azarias et le cantique des trois enfants dans la fournaise, iii, 24-90, l’histoire de Susanne, xiii, et celle de Bel et du dragon, xiv. La Sagesse et le second livre des Machabées ont été certainement écrits en grec. L’Ecclésiastique a été rédigé en hébreu, et le texte original, disparu depuis le xi' siècle de notre ère, a été partiellement retrouvé en 1896 et 1897 dans la genizah de la synagogue du Caire. Origène connaissait encore le texte hébreu du premier livre des Machabées, qui a été perdu depuis. Pour les autres livres ou fragments deutérocanoniques, on croit qu’ils ont été originairement composés en hébreu ou en aramécn, t^t que les textes grecs que nous possédons ne sont que des traductions.

1° Canonicité des livres et fragments deutérocanoniques chez les Juifs. — Les critiques distinguent généralement le canon des Juifs de Jérusalem du canon des Juifs d’Alexandrie.

1. Chez les Juifs de Jérusalem. — La plupart des critiques, catholiques ou protestants, pensent que les Juifs palestiniens n’ont jamais reconnu de livres inspirés en dehors de ceux qui sont contenus dans la Bible hébraïque. L’fiistorien Josèpiie l’atteste au i siècle de notre ère. Après avoir énuméré les vingtdeux livres, qui sont justement regardés par sescore-