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BONIFACE VIII

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de Bourbon, neveu du cardinal. Ce document (qui nous est lîarvenu) affirme que l’amiral de Coligny voulait faire monter sur le trône un prince qui imposerait le protestantisme à la France. Dans ce but, l’amiral pi-éparait le meurtre du Roi, de la famille royale, des principaux seigneurs catholiques. Mais la conspiration a été heureusement découverte. « Au mesme jour » que Coligrny’( faisoit compte de commencer sa damnable entreprise >, Charles IX « en faict tomber

« l’exécution sur lui et ses complices, tellement qu’il
« a été tué avec tous les principaux de sa secte ».

D’autre part, les dépêches du nonce Salviati, durant le mois d"aoùt et le mois de septembre, sont en général très formelles, non seulement à exclure toute préméditation du massacre, mais à signaler la cause de la catastrophe dans les récentes provocations des seigneurs huguenots. Salviati écrit, par exemple, au Pape, le jour même de la Saint-Barthélémy : « Depuis (. que l’amiral avait été frappé, les huguenots par-K laient et agissaient avec arrogance, et, hier encore,

« La Rochefoucauld et Téligny avaient tenu à la Reine
« des propos trop insolents. Je ne puis croire que, si
« l’amiral était mort du coup d’arquebuse qu’on lui

a tira, tant de personnes eussent péri » (cf. dépêches du 2 et du 22 septembre). Ces informations ne contredisaient en rien celles de la Cour, et l’on s’explique la ferme conviction du Pape sur le caractère légitime et libérateur de la Saint-Barlhélemy.

En dételles conditions, comme l’a justement observé M. GuiLLEUx, les démonstrations de joie que multiplia Grégoire XllI à la nouvelle de la Saint-Barthélémy sont chose tout aussi normale que les félicitations échangées publiquement par les souverains de nos jours, lorsque l’un d’entre eux échappe à l’explosion d’une boml)e ou d’une machine infernale.

De plus, l’écrasement des huguenots français, à l’heure où allait se consommer leur crime, fut considéré par le Pape comme un complément providentiel de l’écrasement des Turcs, à Lépante, un an plus tôt. A l’Ouest comme à l’Est du monde chrétien, c’était la délivrance et la victoire de l’Eglise catholique. La médaille commémorative Hugonotoriun stragcs et la fresque de Vasari, correspondant avec les démonstrations analogues pour la bataille de Lépante, accentuaient encore le parallèle. Malheureusement, cette analogie n’était pas exacte : elle reposait du moins, chez Grégoire XIII, sur une illusion, aussi complètement sincère qu’lionorable pour notre pays (cf. Va CANDARD, op. cil., pp. 268 à 281)).

Bref : l’Eglise caiholique n a jnniais glorifié la Saint-Barthélémy connut’pour ce qu elle avait été réellement, c’est-à-dire pour un vrai « massacre ». La bénédiction des poignards est donc, à tous points de vue, un symbole menteur.

Indications hibliookapuiques. (Quehiues études catholiques sur la Saint- Barthélémy.) — Gandy (Georges), /.a Saint-Barthélémy. Ses origines. Son caractère. Ses suites (pp. ii àg^ et 821 àSiji de la Bévue des Questions historiques, I, Paris, 1866, in8"). Baguenault de Puchesse, La Saint-Barthélémy (pp. 18’j à 204 des Questions controversées de [histoire et de la science, 2 « série. Paris, 1881, in- 12). La Ferrière (Hector de), /.a Saint-Barthélémy. La veille. I.e jour. Le lendemain. Paris, 1892, in-8°. HcUo (Henri), Catholiques et prolestants au xV.s/cclf. I.a Saint-Barlhéli-my. Paris, 190’,. in-16 (Coll

« ; ction Scienrr ot Bcligion). Vacandard, Les Papes

et la Saint-Itorthélemy, dans le volume cité plus haut (paragr. I"). Mentionnons, en outre, le i)laidoyer légcreiuent paradoxal de ; M. Louis Dimier, dans son brillant ouvrage : Les préjugés ennemis

de l’histoire de France. Tome II. Paris, s. d. (1907), in-12, pp. 38-52.

Y. DE LA Brikre.


BONIFACE VIII, pape de 1294 à 1303. — Nous raconterons d’abord brièvement le tragique « LJi/férend » de ce Pape avec Philippe le Bel, et donnerons ensuite l’analyse du document qui est le plus reproché à Boniface, la Bulle Unam Sanctam.

I. DiflEérend entre Boniface’7III et Philippe le Bel. — Ce n’était pas un ennemi de la France que Benoit Gætani, qui en 1294 montait sur le trône pontifical à la suite de la démission du saint, mais incapable Célestin V. Une partie de sa. jeunesse s’était passée en notre pays ; il avait été chanoine de Paris, bénéficier à Lyon, et s’était acquitté de plusieurs missions importantes en France. Avant son élévation au souverain pontificat, les autres cardinaux l’avaient surnommé le Français, Gallicus, à cause de ses prédilections bien connues. « Quand j’étais cardinal, j’étais Français de cœur », dira-t-il dans le discours le plus violent qu’il ait prononcé contre Philippe le Bel. Pourtant, ce Pape fut, contrairement à la tradition de ses prédécesseurs, presque continuellement en lutte avec le gouvernement français, et c’est une expédition marchant sous la bannière fleurdelysée qui commettra contre lui l’attentat immortalisé pai* Dante.

La cause principale du différend entre la France et Boniface VIII se trouve dans les procédés arbitraires et injurieux à l’Eglise du gouvernement de Philippe le Bel. Soit faiblesse dont abusaient des conseillers indignes, soit tendance personnelle à l’absolutisme, le roi multiplia pendant tout son règne les entreprises contre les immunités ecclésiastiques. Par ailleurs, Boniface, dont les mœurs et la foi ont été indignement calomniées, dont le zèle pour l’Eglise, sa grandeur, ses libertés, ne sauraient être mis en doute, était par la violence de son caractère, ses intempérances de langage et de style, son népotisme etses préoccupations politiquestrop visibles, l’homme le moins fait pour éviter les contlits et résoudre sans secousse les difficultés venues de la France.

Le premier choc se produisit à l’occasion de fonds que Philippe avait fait voter au clergé de France en 1294 et 1296 pour la guerre contre l’Angleterre. Nombre de clercs protestèrent contre cette levée de subsides qu’ils trouvaient oppressive, et en appelèrent au Pape ; le puissant ordre de Citeaux menait la campagne. Le 24 février 1296, parla décrétale Clericis laicos, qui rappelait « l’hostilité, attestée par toute l’an ti( juif échrélienno. des laïcs contre les cliTCS », Boniface défendit sous peine d’excommunication, au roi de demander ou de recevoir, au clergé de payer des taxes extraordinaires, sans la permission du Pape (DuPLV, Preuves, 14). Philii)pe riposta en interdisant de transporter l’or et l’argent hors du royaume, mesure qui tarissait les ressources que la cour de Rome tirait de la France. Par malheur pour Boniface, il était alors aux prises en Italie avec de sérieuses difficultés, obligé de lutter à la fois contre Frédéric de Sicile, et, dans l’Etal romain, contre la puissante maison des Colonua, hostile aux Gætani. Pour gagner l’appui de la Cour de France, le Pape revint sur ses décisions, et, par une série d’actes promulgués en 1297, autorisa le clergé à faire au roi des dons spontanés, légitima les levée- ; d’argent déjà consenties, permit à Philippe de percevoir des taxes, en cas de nécessité, sans recourir à Rome. Le 1 1 août 1297, la canonisation de S. Louis fut une preuve nouvelle des bonnes dispositions du Pape envers la France.