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BARTHELEMY (LA SAINT)

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massacre ordonné ou favorisé par l’Eglise catholique. Le théâtre a vulgarisé cette tradition, grâce notamment au Charles IX de Marie-Joseph Chénier, ainsi qu’aux Huguenots de Scriljc. Symbole populaire : la bénédiction des poignards.

a) Les lettres de Pie V. — Les seuls textes authentiques paraissant favoriser cette manière de voir sont les lettres fameuses par lesquelles le Pa^jc saint Pie V exhorte véhémentement Charles IX et Catherine de JNIédicis à exterminer les protestants français et à ne pas faire de quartiers. Que faut-il penser de l’attitude prise par le Pape ?

En réalité, ces lettres conseillent la lutte ouverte, la guerre sainte, contre des rebelles en armes. Il ne s’agit nullement d’un massacre, c’est-à-dire du meurtre de gens inolTensifs, que l’on frapperait en pleine paix et par surprise. Tel était si peu le désir de Pie V que, renseigné, en 1667, sur un projet de ce genre, il avait réprouvé formellement l’idée de « faire périr par pratiques le prince de Condé et l’amiral (de Coligny). » Mais les lettres qui nous occupent sont du 28 mars et du 13 avril 1669 ; du 29 janvier et du 2’i avril 1Ô70, pendant la troisième guerre de religion. Le Pape veut donc qu’après Jarnac et Moncontour, on mène les représailles avec une fermeté impitoyable contre les hérétiques insurgés. Il blâme sévèrement le pardon et les grandes faveurs que la paix de Saint-Germain accorde à ces coupables, malgré leurs défaites. On ne peut raisonnablement soutenir que ce soient là des exhortations à un « massacre », tel que la Saint-Barthélémy.

D’autre part, que l’on suppose admise, pour un moment, la préméditation par la Cour de France du massacre opéré le 2^ août 1672. Le guet-apens fut alors d’attirer en masse les huguenots à Paris pour les faire assassiner tous à la fois. Le prétexte, l’amorce, fut le mariage du jeune prince calviniste Henri de Navarre avec Marguerite de Valois. Donc, si le Pape était complice et approbateur du futur massacre, il se prêtait au mariage et favorisait le guet-apens. Or, loin d’agir ainsi. Pie V et ensuite Grégoire XIII refusèrent obstinément, et jusqu’au bout, de tolérer ce mariage et d’accorder les dispenses nécessaires. C’est la preuAC non équivoque de leur absence de toute complicité dans la préparation du massacre de la Saiut-Barthélemy.

(Cf. Vacandard, Les Papes et la Saint-Bartliélemy, dans Etudes de critique et d’histoire religieuse. Paris, lijoo, in-12, pp. 231 à 254.)

b) Le irai caractère du massacre. — Pour bien connaître la Saint-Barlhélemy, nous avons de nombreux témoignages contemporains, tels que ceux du DL’c d’Anjou et de Mauguerite di : Valois, et ceux de Tavannbs, Castei.nau, Brantomi : , La Forge, Pierre Matuieu, de Thou. Nous avons aussi la correspondance du nonce pontilical Salviati (éditée par Theiner), de l’envoyé toscan Petrlcci (éditée par Desjardins), des envoyés vénitiens Giovanni Micuieli et Sigismondo Cavalli (éditée par Baschet). De ces documents, si nombreux et si divers, se dégagent des conclusions fermes. Quelques détails peuvent demeurer obscurs et douteux. Mais les principaux faits et leurs caractères dislinctifs sont a raimenl acquis à l’histoire avec pleine certitude. Or, le plus clair de ces résultats est d’exclure toute prémétiitaliou par la Cour de France du massacre général des huguenots. Le dernier historien qui osa défendre cette tlu" ; se désespérée fut Henri Bordier (La Saint-Iiarthélemy et la critique moderne. Genève et Paris, 1879, in-/(", pp. Gg à 11 4). Depuis l()nglenq)s, liisloriens catholiques et historiens prol( ; stauls sont d’accord poui’nier la préméditation : SoLDAN(trad.Scliniidt, 1855), Coi^ukrel(1862), B0UTARIC (1862), Gandy (1866), Desjardins (1878),

Baguenault de Puchesse (1881), Loiselkur (1882), Delaborde (1882), La Perrière (1892), Mariéjol (190/1), Vacandard (igoô).

Voici les faits reconnus pour exacts. Au printemps de 1572, Catherine de Médicis prend ombrage de l’ascendant conquis sur Charles IX par l’amiral de Coligny. La question des Flandres accentue le désaccord. L’amiral veut entraîner tous les Français dans une guerre nationale contre l’Espagne. Catherine veut, au contraire, maintenir la paix avec Philippe II. Nonobstant l’avis du Conseil, Charles IX penclie du côté de Coligny. Dès lors, la Reine-Mère voit dans l’amiral un adversaire aussi odieux que dangereux : cet homme cherche à l’écarter du pouvoir et compromet, par ailleurs, la paix et la sécurité du royaume. Catherine reprend donc un projet qui l’a déjà tentée à diverses reprises. Conformément aux règles machiavéliques de la politique italienne, elle se juge en droit de faire périr celui qui la gêne : puisque le meurtre lui-même devient légitime, dès qu’il est commandé par la h raison d’Etat ». Vers la Un de juillet, Catherine se i-approche des Guise, rivaux et ennemis personnels de Coligny ; elle combine avec eux toutes choses en vue d’un assassinat. Le 18 aoîit, est célébré le mariage mixte de Henri de Navarre avec Marguerite de Valois ; de tous les points de la France, les gentilshommes protestants sont accourus à cette fête. Quatre jours après, a lieu l’attentat contre le seul amiral de Coligny. C’est la preuve manifeste que l’on ne songe pas encore au massacre universel des huguenots ; car, si l’on avait eu un projet semblable, rien n’aurait été plus capable de le divulguer et de le faire échouer. Donc le vendredi 22 août, entre dix et onze heures du matin, — au moment où, quittant le Louvre, l’amiral passe devant la demeure d’un serviteurdes Guise, — l’aventurier Maurevel, posté derrière une fenêtre de cette maison, décharge son arquebuse sur Coligny et prend aussitôt la fuite. Mais le coup est manqué. L’amiral a bien perdu l’index de la main droite et son bras gauche est cassé : toutefois aucun des organes vitaux n’est atteint. Catherine est loin d’être délivrée de son adversaire, le crédit de l’amiral va même grandir encore auprès de Charles IX. Le jeune Roi est exaspéré par ce crime ; il jure de faire solennelle justice, et court marquer au blessé coml )ien profonde est la sympathie qu’il lui porte. De leur côté, les gentilshouimes huguenots se livrent à des manifestations violentes, ils circulent en armes et menacent insolemment de tirer eux-mêmes vengeance de leurs ennemis et surtout des Guise. L’aventure tourne donc au plus mal pour Catherine, dont le plan avorte et dont la complicité ne manquera pas d’être découverte. C’est alors que, pour sauver son propre pouvoiret pour prévenir les nouvelles guerres et discordes civiles dont elle a criminellement et maladroitement posé la cause, l’Italienne prend son parti désespéré : faire connaître au Roi toute la vérité ; puis obtenir de Charles IX l’ordre de massacrer, non plus seulement l’amiral, mais tous les chefs huguenots présents à Paris. Selon la juste expression du chroniqueur Pierre Mathieu : « Si l’amiral fût mort de ses blessures, le malheur de son parti s’en fût allé avec lui. » Mais l’échec, tout fortuit, du premier meurtre conduit Catherine à un autre attentat, beaucoup plus grave encore. Ses conUdents et approbateurs sont le duc d’Anjou, futur Henri III, le duc de Guise, le chevalier d’Angoulème, Tavannes, Goiuli, Nevcrs, Birague, poussés par dilférents motifs. Durant la soirée du 23 aoiit (quoi quii en soit des circonstances de détail) la couqîlicité de la Reine-Mère dans le crime de la veille est révélée à Charles IX ; en môme temps, l’exécution générale des seigneurs protestants lui est présentée comme une urgente