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BARRE (LE CHEVALIER DE LA)

hérétiques ; la même doctrine se retrouve dans les Canons apostoliques (46. l-), 63) et les Constitutions apostoliques (vi, 15). Saint Basile (Ep. ad Amphilochiiuii canonica, i, 2 ; P. G., XXXII, 668 et seq.) rejette le baptême des Pépuziens (Montanistes), et prend ouvertement parti pour Firmilien contre Denys d’Alexandrie. Rome maintint, en l’expliquant, la règle posée par Etienne I". Les papes Libère et Sirice défendirent de réitérer le baptême des Ariens (Denzinger, 88 (21)) ; Innocent I" motiva la difterence de traitement admise à Nicée pom* les Novatiens qui étaient baptisés et les Paulianistes qui ne l’étaient pas (Denzing-er. 97 (63)). Une réponse de Nicolas P"" aux Bulgares (Denzinger, 335 (264) — Responsa, c. io4) va plus loin, en ratifiant le baptême administré par un juif et, chose plus extraordinaire, le baptême conféré au nom du Christ sans invocation de la Trinité. Cette dernière concession ne reparait pas dans les décrets du quatrième concile de Latran ( 1 2 1 5), qui définit contre les Cathares la validité du baptême conféré au nom de la Trinité, quel que soit le ministre (Denzinger, 430 (35^)). Le concile de Trente réitère la définition, en spécifiant la nécessité de l’intention, laissée indécise par saint Augustin (sess. 7, can. 4, Denzinger, 860 (741))’Dans sa rencontre avec le pape saint Etienne, saint Cyprien avait montré une droiture et un zèle digues d’une meilleure cause. La crise qui nous révèle, avec la noblesse de son caractère, les hésitations de la théologie au 111= siècle, fut pour l’Eglise une crise de croissance : l’unité de doctrine, que Cyprien avait cherchée dans une voie fausse, allait se faire après lui.

Bibliographie. — Outre les Dissertatiuns de Thomassin, de Constant, etc., et VAfrica cliristiana de Morcelli, citées au tome III de la Patrologie latine, voir : Baronius, Annales, ad ann. 258 ; Tillemont, Mémoires, a. 42-52 et notes 42-44 ; L. Roche, De la contros’erse entre saint Etienne et saint Cyprien au sujet du baptême des hérétiques, l’siris, 1858 ; J.-B. Thibaud, Questions du baptême des hérétiques, discutée entre le pape saint Etienne I" et saint Cyprien de Carthage, Paris, 1863 ; Freppel, Saint Cyprien et l’Eglise d’Afrique au III’siècle. Paris, 1865 ; J. Peters, Ber heilige Cvpriam on Carthago, la.liiihonne, 1877 ; B. Fechtrup, Der heilige Cyprian, sein Leben und seine Lehre dargestellt, Miinster, 187"^ ; H. Grisar. Cyprin ns « Oppositionskonzil » gegen Papst Stephan, dans Zeitschrift fur katholische Théologie, 1881, p. 198-281 ; O. Ritschl, Cyprianvon Carthago und die Verfassung der Kirche, Gôttingen, 1885 ; Fechtrup, arliclc Ketzertaufstreit, dans le Kirchenlexicon, 1897 ; E. W. Benson, Cyprian, his life, his ttmes, his work, London, 1897 ; J. Ernst, série d’articles dans Zeitschrift fiir katholische Théologie, années 1893, 1894, iSgS, 1896, 1900, 1905, 1906, 1907 ; et Die Ketzertaufangelegenheit in der altchristUcheu Kirche nach Cyprian, Mainz, iqoi ; L. Nelke, Die Chronologie der CorrespondeitzCyprians und der pseudocyprianischen Schriften ad Novatianum und Liber île rebaptismate, Thorn, 1902 ; P. Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, t. II, Saint Cyprien et son temps, Paris, 1902 ; G. Barcilie, Baptême des hérétiques, dans le Dictionnaire de théologie catholique, t. II, col. 21g233, Paris, 1908 ; J. Ernst, Papst Stephan I und der Ketzerlaufstreit, Mainz, igoS (Réponse à Nelke) ; Mgr Ducliesne, Histoire ancienne de l’Eglise, t. I, eh. XX, Paris, 1906 ; II. Koeli, Zeit und Heimat des Liber de rebaptismate, dans Zeitschrift fiir die Neutestamentliche U’issenschaft, 1907, 8 ; Die Tauflehre des Liber de rebaptismate, Braunsberg, igo6 ; d’Aies, Revue des questions historiques, avril 1907-J. Ernst, Zeit und Heimat des Liber de rebaptismate, dans Theologische Quartalschrift, 1908, 4 et 1909, 1 ; de la Brière, Saint Cyprien et la Papauté, dans Etudes, t. CXVII, 5 nov !  ! 1908.

A. d’Alès.


BARRE (LE CHEVALIER DE LA). — Au nombre des faits d’intolérance et de cruauté que la libre-pensée reproche à l’Église, il n’en est guère de plus souvent exploité de nos jours que le supplice du chevalier de la Barre ; il n’est guère, non plus, d’accusation moins fondée, et plus insoutenable.

Jean-François de la Barre (1747-1766), d’une famille apparentée à celle des Lefèvre d’Ormesson, était, en 1765, lieutenant d’infanterie, en garnison à Abbeville. Resté sans fortune par la faute d’un père dissipateur, il avait été recueilli par sa tante, Mme Feydeau de Brou, abbesse de Willancourt, et habitait un appartement dont l’abbaye disposait, en dehors de la clôture.

Ce protégé de l’Église était indigne de ses bontés. Voltaire, son défenseur, avoue qu’il « avait toute l’étourderie d’une jeunesse effrénée » (Dictionnaire philosophique, art. Torture) ; qu’il fréquentait de « jeunes étourdis que la démence et la débauche entraînaient jusqu’à des profanations publiques » (Lettre à d’Argence, 1er juillet 1766) ; qu’enfin « il fut convaincu d’avoir chanté des chansons impies » (Dict. phil., supra. Cf. Relation de la mort du chev. de la Barre, p. 8). Il vivait depuis quelque temps à Abbeville, connu par son impiété, lorsqu’une odieuse profanation y fut commise. « Un crucifix de bois, exposé sur un pont à la vénération publique, fut trouvé le matin du 9 août 1766 chargé de plusieurs coups de sabre qui y avaient laissé des traces profondes ». (Mémoire pour les sieurs Moisnel…, par Linguet). Sous la pression de l’opinion publique, les autorités civiles se mirent en campagne pour découvrir les coupables, aidées par l’évêque d’Amiens qui, comme la loi l’y contraignait (Ordonnance de 1670). lança un Monitoire obligeant les fidèles à seconder les magistrats. La mauvaise réputation de la Barre le fit soupçonner des premiers. Arrêté avec quatre de ses compagnons ordinaires, il fut interrogé à diverses reprises. Mais ni ses réponses ni les dépositions des témoins ne prouvèrent sa culpabilité. Ce grief fut donc abandonné. Malheureusement pour lui, plusieurs, tout en le disculpant du sacrilège commis, l’accusèrent de paroles impies, de propos obscènes et d’actes scandaleux. Les juges d’Abbeville, prévenus contre lui, le condamnèrent de ce chef à la peine de mort. Appel fut interjeté au Parlement de Paris. On comptait au moins sur une diminution de peine ; on s’était trompé : la sentence fut confirmée. Renvoyé à Abbeville, l’infortuné jeune homme y fut exécuté le 1er juillet 1766.

Voilà le fait dans toute sa nudité. Qui doit en endosser la responsabilité et en porter l’odieux ? C’est l’Église, répondent en chœur ses ennemis : c’est elle qui a versé le sang de cet étourdi, et cela sans motif. — Eh bien, non : l’Église n’est pas coupable de cette cruauté ; non, le sang répandu sur la place d’Abbeville ne retombe pas sur elle. On objectera l’intervention de l’évêque d’Amiens et son Monitoire. Tout cela, vu les circonstances, n’importe guère. Qu’on en juge !

Nous sommes, on le sait, à une époque où les deux pouvoirs vivent en bonne intelligence et se prêtent, au besoin, mutuellement secours. Or un crime vient d’être commis contre la religion que la loi protège : tout le monde appelle et réclame le châtiment du coupable ; mais jusqu’ici les efforts