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BAPTEME DES HÉRÉTIQUES

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Premiers mois de 25 ;  ; , Lettre de Denys d’Alexandrie à Etienne.

Août 267 à août 258, Lettres de Denys d’Alexandrie à Sixte, Philémon et Denys de Rome.

II. Histoire du conflit baptismal au temps de saint Cyprien. — La consultation de Mafînus. au sujet des Novatiens qui deuiandaient à entrer dans lEglise, trouva Cyprien déjà ancré dans une pensée hostile au baptême conféré par les hérétiques. La résolution prise à cet égard, dans un concile de Car-Ihage, sous un de ses prédécesseurs, Agrippinus, avait à ses ^eux un caractère délinitif (Ep. lxx, lxxi. Lxxiii, 3) ; son zèle s’y appuyait d’autant plus volontiers que des circonstances récentes lui avaient fait toucher du doigt le péril créé par les faux pasteurs. C’était d’abord l’affaire des lapsi, où l’on n’avait vu que trop de prêtres et d’évêques, après une défection plus ou moins éclatante, demander à reprendre leur rang dans l’Eglise, et qui lui avait fourni à lui-même l’occasion de flétrir, comme non exempte de faiblesse, la naïve indulgence du pape Etienne envers les évêques libellatiques Basilide et Martial. C’était lenovalianisme lui-même, et tout particulièrement le cas de Marcien d’Arles, ce prélat schismatique dont il fallait à tout prix délivrer le peuple chrétien et au sujet duquel il avait adressé au pape une énergicpie mise en demeure. Etienne était homme d autorité ; ces deux rencontres, où Cyprien l’avait pris avec lui d’assez haut, ont pu contribuer à le mettre en garde contre une personnalité si envahissante ; quant au primat de Carthage^ il allait de l’avant avec une liberté tout apostolicjue, en homme pour qui les questions de personnes n’existent pas quand les principes sont engagés. Déjà, plusieurs années auparavant, il avait fait connaître sa pensée à l’égard du baptême des hérétiques : dans le IJe unitate Fcclesiae^, il déclarait que ce bain n’est pas une ablution, mais une souillure, que cette naissance ne donne pas d enfants à Dieu, mais au démon. La question du baptême novatien, qui lui fut soumise peut-être à titre officieux, car JMagnus n’était vraisemblablement pas évêque ni même clerc, ne le prit donc pas au dépourvu. Faisant sienne l’argumentation de TertuUien, il s’appuie sur l’Ecriture pour nier que les hérétiques ou schismatiques, quels qu’ils soient, puissent prétendre à aucun pouvoir ou droit dans l’Eglise : ce sont des adversaires du Seigneur, des antéchrists (Ep. lxix, 1). Il n’y a qu’un baptême, dans l’Eglise une (2). Novatien n’est pas dans l’Eglise (3), si l’Eglise est là où fut Corneille, légitime successeur de l’évêque Fabien, et martyr. Le schismatique est sans pouvoir, comme sans mission. Peu importe qu’il ait conservé le rite extérieur du baptême au nom de la Trinité, tel qu’il se pratique dans l’Eglise : l’Eglise est l’intermédiaire unique et indispensable pour la rémission des péchés. D’autant qu’elle seule possède le Saint-Esprit : le pseudo-baptême des hérétiques ne saurait conférer ni la rémission des péchés ni le don du Saint-Esprit (11). A cette affirmation catégorique de principes qu’il juge incontestables, Cyprien ajoute une déclaration conciliante : il n’entend restreindre la liberté de personne ; chaque chef d’Eglise demeure maître de ses jugements et de ses actes, sauf à en ren-Ire compte à Dieu (17).

Aux considérations développées dans cette lettre,

1. De unitate Ecclesiae, l : Quando aliud baptisma praeler unum esse non possit, baptizare se opinantur ; vitae fonte desprto, vitalis et saliitaris aquae gratiam poUicentur, Non alduuntur illic homines, sed potius sordidantur, nec purgantur delicta, sed inimo cunaulantnr. Non Dec nativitas illa, sed diabolo, filios générât. — Le De unitate Ecclesiae est de l’été 251.

la lettre synodale aux évêques de Numidie n’ajoute rien, sauf un appel à la coutume locale (Ep. lxx, i). Mais elle montre la controverse d’ensemble engagée^, car les Novatiens ne sont plus mis à part des autres sectes, et l’épiscopat s’émeut.

Tandis que la Numidie marchait, en somme, d’accord avec l’Afrique proconsulaire, la Jlaurétanie demeurait attachée à la tradition romaine. Elle entre en scène, avec l’évêque Quintus (Ep. lxxi, 1), dans la lettre suivante, où Cyprien éprouve le besoin de reprendre et de discuter plus à fond la question de coutume. Il commence par mettre hors de cause (2) les catholiques passés au schisme et venus ensuite à résipiscence : ceux-là ont reçu le baptême de l’EgUse, et il ne saurait être question de le leur réitérer. Tout autre est le cas de ceux qui viennent de l’hérésie à l’Eglise, comme à la source de toute grâce et de toute vérité : eux ne peuvent avoir reçu le baptême là ou le baptême n’existe pas, il faut donc de toute nécessité le leur conférer. Mais aux précédents invoqués par Cyprien, on opposait d’autres précédents. Aucun précédent, répond-il, ne saurait prescrire contre la raison (Ep. lxxi, 3) : Non est autem de consnetudine praescrihendum, sed ratione snncendum ; et ainsi le débat se trouve ramené sur le terrain des principes. Pierre ne s’est-il pas rendu aux raisons de Paul, c’est-à-dire à la vérité, donnant par là un grand exemple d’amour de la paix ? Il ne faut pas s’attacher opiniâtrement à son propre sens, mais considérer comme un gain la victoire d’un meilleur avis, surtout quand il y va de l’unité de l’Eglise, de la vérité de la foi et de l’espérance chrétienne. C’est ce que fit en son temps l’évêque Agrippinus (4), de bonne mémoire, avec ses collègues, les évêques d’Afrique et de- Numidie : Cyprien ne saurait, dans le cas présent, suivre un meillevir guide.

Quel fait avait donné lieu à cet échange de lettres entre un évêque de Maurétanie et le primat de Cartilage ? La réponse de Cyprien ne nous l’apprend pas. Mais à la relire attentivement, on se persuadera difficilement qu’il n’envisage rien de plus qu’une opposition constatée entre l’usage maurétanien et l’usage carthaginois. Ni son langage ni surtout ses réticences ne s’expliquent s’il ne considérait comme possible, et peut-être comme imminent, un conflit plus grave ; et sans doute c’était la pensée de Rome, bien plutôt que l’usage maurétanien, qu’avait mise en avant Quintus. Située à l’occident de l’Afrique latine, la Maurétanie avait résisté, plus que la Numidie, à l’influence qui rayonnait de Carthage ; rattachée par des liens directs à la capitale du monde romain, elle ne se croyait sans doute pas obligée de recourir à l’entremise de Carthage pour correspondre avec Rome, et le jour où une divergence apparut entre Césarée de Maurétanie et Carthage, c’est à Rome, non à Carthage, que Césarée dut demander un mot d’ordre. Le mot d’ordre, avec ses deux considérants : unité du baptême chrétien et coutume ancienne, répond exactement à la pensée que le pape manifestera un peu plus tard dans son rescrit à Cyprien ; on ne s’imagine guère la Maurétanie invoquant avec tant d’assurance l’ancienne coutume locale, car l’hérésie et le schisme n’avaient pas dû jeter de bien profondes racines dans ces chrétientés encore jeunes ; ces collègues que Cyprien ne nomme pas (Ep. lxxi, i), comme

1. Voici la forme la plus complète de l’argument théologique de Cyprien, fp. lxx, 3 : Si baptizare potuit (haereticus sive scliismaticus) potuit et Spiritum Sanctum dare. Si autem Sanctum Spiritum dare non potest, quia foris constitutus ciini Sancto Spiritu non est, nec baptizare venientem polist, quando et baptisma unum sit et Spiritus Sanctus unus et una Ecclesiaa Chrislo Domino nostro super Petrum origine unilatis et ratione fundata.