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BABYLONE ET LA BIBLE

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tout naturellement au mol de TEvangile : « putant cnim qiiod in multiloquiosuo exaudiantur « Qlat.vi, 7). Comparez un passage de la Bible où, dans la consultation de lalivé par le moyen de Téphod sur un sujet analogne, la manière de procéder est bien plus simple et plus franche (I Sam. xxiii. 9-12).

Est-ce à dire que l’on puisse mettre en parallèle les prophètes Israélites et les prêlres-devins de la Chaldée, ou de l’Assyrie, comme ont fait H. Wi.vckler {KAT^, p. 171) et Delitzsch ? (BB. II, p. 18). En peu de pages, le savant Ed. Konig a fait bonne justice de cette manière de voir qui néglige des différences profondes, pom- s’en tenir à quelques traits superliciels d’analogie (Der altère Prophetismits, 1905, p. 3-6). La première et essentielle différence entre le vrai prophète et le devin échappera toujours à quiconque refuse d’admettre le siu-natuiel, la prédiction authentique : car entre des fonctions de même ordre et purement humaines, à supposer qu’il y ait sincérité de part et d’autre, il ne peut y avoir cpi’une différence de degré. Si les prophètes d’Israël ont été favorisés de révélations divines proprement dites, il est clair qu’ils sont incomparablement au-dessus des devins de l’antiquité (voir La mission surnatutelle des prophètes d’Israël, dans Etudes, 5 janv. 1909, p. 5-32). Cependant il faudrait remarquer au moins, avec Sayce — ce serait un premier pas vers la vérité complète — que le devin de Babylone a perpétuellement recours à la magie (rites complif (ués, incantations, etc.) ; tandis que le prophète hébreu est l’ennemi déclaré des pratiques magiques : la révélation lui vient directement de lahvé, sans ])asser par les entrailles des victimes. Les prophètes hébreux, surtout ceux du temps de l’exil, connaissent bien et réprouvent hautement cette magie chaldéenne. « Le roi de Babylone, dit Ezéchiel, se tient à la bifurcation de la route pour consulter le sort [pour savoir la direction qu’il doit prendre] ; il mêle les flèches [bélomancie] ; il interroge ses dieux domestiques ; il inspecte le foie [hépatoscopie]. (Ez. XXI, 26, Vulg. 21).

… Un malheur fondra sur toi [Babylone],

que tu ne sauras conjurer…

Garde donc tes enchantements

et tes sortilèges nombreux,

où tu peinas dès ta jeunesse I

Peut-être ils pourront te servir ;

peut-être liste rendront terrible ! (Is. XLvii, 11, 12).

Dans les versets suivants le prophète, avec une exactitude remarquable, décrit en quelques mots l’astrologie et l’art d’interpréter les présages, qui avaient pris à Babjlone un développement prodigieux. (Voir spécialement R. Campbell Thompson, The reports of the magicians and astrologers ofyinet’e /< and Bahylon, 2 vol. 1900.)

En Chaldée la puissance attribuée aux sorciers, et surtout aux sorcières, était considérable, allant jusqu’à bouleverser la naliu-e, déchaîner contre un homme une armée de mauvais génies, influer même sur les décisions des grands dieux, changer les destinées d’ici-bas. L’envoûtement, les potions magiques, certaines manipulations bizarres, ou plus simplement le « mauvais œil », la susm-ration de quelques paroles sinistres suflisaient à opérer ces prodiges. Contre ce pouvoir malfaisant les exorcistes étaient appelés à lutter au moyen de leurs incantations. Plusieurs séries de ces incantations ont été publiées : la série Maqlù par Tallqvist, la série Surpu par ZiMMERx (la 2’tablette Siirpii a 210 lignes !), les séries Utukki limniiti, etc., sur les mauvais esprits, par Campbell Thompsox, d’autres textes par L. W. KiNG, Babylonian Magic and Sorcerr, 1896.

Rien de pareil chez les Hébreux, sinon sous forme d’abus immédiatement réprouvé par les prophètes. Les diverses sortes de dix ination, augures, sorcellerie, incantations et consultation des esprits, sont expressément prohibées par le Deutéronome (xviii, 10, 11).

Prières, hymnes, psaumes de pénitence ; idée du péché. — Ainsi l’ancien Babylonien nous apparaît comme entouré de démons malfaisants et de génies protecteurs, exposé à l’influence de nombreuses puissances invisibles, sous le contrôle des divinités supérieures. Il sent profondément sa dépendance, et il est religieux. Les Assyriens n’étaient point, non plus, comme Renan l’imaginait, « presque indifférents en religion » (Hist. du peuple d’Israël, t.III, p. 15). Tout d’abord les noms propres de personnes en font foi. En Babylonie et en Assyrie, comme chez les Hébreux, ces noms traduisent un sentiment de confiance, de reconnaissance, de respect pour tel ou tel attribut delà divinité, ou encore un souhait, une bénédiction : Marduk-nhal-iddin, Mardouk a donné un fils ; Sinahc-erba (Sennachérib), Sin a multiplié les frères ; Isme-Sin, Sin a entendu ; Béli-ismeanni, Mon Maître m’a exaucé ; Ila-Damiq, Le dieu est favorable ; Bêlimuranni, Bel m’a regardé (favorablement) ; Mâr-Samas owvpil-Samas, Fils de Samas ; Màr-Istar, Fils d’Istar ; Apil-ilisu, Fils de son dieu ; Ilusu-abusu, Son dieu est son père ; Arad-Ea, Serviteur d’Ea ; Adadnirari, Adad est mon aide ; Narâm-Sin, ChéTi de Sin ; Manum-hala-Sin, Ç)[çeii exister] sans Sin ? Manumki-Sin, Qui est comme Sin ? Manum-sanin-Samas, Qui est égal à Samas ? Ana-pàni-ili, En présence du dieu ; Pân-Bêl-ad a g{g)al, Jevois (ou verrai) la face de Bel ; Ana-Samas-tér, Tourne-toi Aers Samas ; et tant d’autres noms qui otTrent un parallélisme frappant avec ceux de la Bible. Ici et là une piété spontanée s’est rencontrée dans des expressions identiques, alors qu’elle différait infiniment dans son objet. Monothéisme ici, et là polythéisme ; mais, de part et d’autre, idée d’une Providence qui régit ce monde et dont l’homme dépend dans la jouissance des biens matériels, et avec laquelle on peut se mettre en relation par la prière.

Les Assyriens et les Babyloniens ont une dizaine de synonymes pour désigner la prière. Elle semble avoir été fréquente chez eux, si l’on peut en juger par les formules de la correspondance épistolaire. Un fils écrit à son père : <( Tous les jours je prie Nabou et Nanà pour la vie de mon père ; et. à l’intention de mon père, je porte mes hommages à Ezida [temple de Nabou à Borsippa] » (R. F. IIarper, Assrrian and hahrlonian Letters, n° 219). Un fonctionnaire écrit à la mère du roi : « Que Bel et Xabou bénissent la mère du roi, ma souveraine ! Tous les jours je prie Nabou et Nanà d’accorder la vie et de longs jours au roi des pays, mon souverain, et à la mère du roi. ma souveraine. Que la mère du roi, ma souveraine, soit protégée ! » (ibid., n* 324). On litdans une lettre de Iddina-apli à la dame Qoudasou : « Je prie tous les jours Bel et Nabou pour la vie et la longévité et le bonheur de ma dame. Par la faveur des dieux moi je vais bien, ainsi que tous ceux qui sont avec moi. Mais tu ne t’es pas informée de mes peines, tu n’as pas reçu de mes nouvelles. Depuis le mois de Sivan j’ai été en voyage vers le pajs de Pa-ni-ra-ga-na ( ?) ; prie Bel et Bèlit pour moi… » (R. Campbell Thompson, Late bab. Letters, i"6). XiUeiiTs : « Par la faveur des dieux je vais bien. Si je prie les dieux, j’obtiendrai ce que je désire. » (ibid., n"* 194) « Je prie tous les jours… >/ est une formule qui revient souvent dans ces lettres. Il est vrai que le souhait ordinaire est « bon état du cœur et bon état