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BABYLONE ET LA BIBLE

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face (ou sa colère), ils (les ennemis) seront confondus et la victoire sera grande. » Au jugement de M. E. Sellin, directeur des fouilles de Ta’annek, c’est là une monolâtrie, telle quon peut la supposer chez les Israélites de cette époque (Tell Ta’anneA, dans Denkschriften der k. Akad.der lVissenschafien, V’ien, 1904, t. L, p. 108).

Dans son travail déjà cité, AJtorient. und israelit. Moiiotkeismus (i<jo6), Baentsch revient plusieurs fois sur ce texte (p. 40, 56-5^, 86) ; il le considère comme sur, il en fait le plus grand cas, et lui fait jouer un rôle important dans l’histoire religieuse des anciens Cananéens. Paul Volz s’en sert également dans son étude siu" Moïse (Mose, 190^, p. 27). Dans ATAO^ (1906), p. 323-324, -^- JEREMivscitele fameux passage et ajoute : « Elle aurait pu écrire en ces termes au roi de Tyr, et Elisée au roi de Damas. L’auteur de cotte lettre connaît le Seigneur des seigneurs, le Dieu des dieux… Il y a là plus qu’un courant latent de monothéisme. » Tout le monde suit, avec une pleine confiance, la traduction de Fr. Hrozxy, l’assyriologue qui le premier a interprété cette tablette ; et l’on ne tient aucun compte de sa remarque expresse que, poiw tout le passage traduit plus haut, pour les lignes 13-20 « en partie mutilées d’une façon notable, et dont le sens est difficile, la transcription et la traduction doivent malheureusement être regardées comme douteuses » (Tell Ta’annek, 1. c. supra, p. 116).

— Mais, en supposant la traduction exacte, s’agit-il, dans ces lignes, d’un dieu suprême ? et non pas plutôt du Pharaon, ainsi que M. Sellin avoue l’avoir pensé dabord ? De fait, les lettres d’El-Amarna contiennent bien des appels au roi d’Egypte en des termes analogues qui le feraient prendre pour un dieu.

Donc, transcription, traduction et interprétation douteuses. Il faudrait une base plus ferme pour appuyer des conclusions scientifiques.

En présence des sentiments élevés, exprimés dans les prières dont il sera question plus loin, il ne faut pas non plus se hâter de conclure au monothéisme de celiïi qui parle. Un dieu, Mardouk ou un autre, est imploré comme le plus puissant, exalté parfois si haut que les autres dieux sem]>lent disparaître (cf. Lagraxge, un peu plus haut). Chez les Assyriens, le dieu Asovu’occupe un rang tout à fait à part : il n’a ni père, ni enfant ; mais d’autres dÎAinités sont invo<juées en même temps. « Jamais on n’a tenu Asour ni Mardouk poui- un dieu qui n’en souffre point d’autres à côté de lui, en le concluant comme conséquence logique de la croyance qu’il ne peut y avoir qu’une seule Puissance dirigeant l’univers et de laquelle viennent toutes choses » (Morris Jastrovv jr, DBH, Extra vol., p. 550^, cf. p. 54’; ).

La haute idée de l’Etre divin expi’imée dans les hymnes ne doit pas nous faire oul)lier l’idolâtrie réelle et générale, dont quelques prophètes hébreux ont dénoncé l’absurdité. Suivant plusieurs auteurs rationalistes, Dlhm entre autres et plus récemment Delitzsch, ces satires bibliques du culte païen porteraient à faux ; elles supposeraient à tort l’identification des dieux et de leurs images. A cela on peut répondre que les prophètes, spécialement ceux du temps de l’exil, avaient vu les choses d’assez près, tandis que dans les textes c’est plutôt le beau côté de la religion qui se montre à nous ; pour l’Assyrie et la Chaldée, comme pour l’Egypte, les docmnents nous font connaître surtout le culte officiel ; sur le culte populaire et les idées du vulgaire nous sommes très peu renseignés. De plus, si le culte des pierres et des arbres sacrés confondus avec la divinité a été si fréquent dans l’antiquité, on peut bien penser que les statues des dieux n’étaient pas regardées comme de pures représentations : on les croyait habitées.

animées par le dieu ; et de là le peuple pouvait passer facilement à l’idolâtrie proprement dite (cf. A. CoxDAMix, Le Livre d’Isaïe, p. 283, 284). Les Babyloniens « allaient jusqu’à prier les fleuves, les canaux, les temples, les villes sacrées, leurs portes », V. g. : « Que le Tigre, l’Euphrate, le canal Mekalkal. le canal Durkiba, le canal Shitar, le canal Arahtum. cher à Marduk, t’absolvent… que la porte, et le nom de la porte, et Je maître de la porte et le génie tutélaire de la porte t’absolvent, te délivrent !)>(Fr. Martin, TB, 1903, p. xiii).

Concluons avec le P. Lagrange : en dehors des Hébreux « le véritable monothéisme : il n’y a qu’un Dieu, et il est luon Dieu, ne se retrouve nulle part » (ÉRS^, p. 439).

Le nom de Lahvé. — Les assyriologues Sayck, Pin-CHES, Delitzsch pensent que le nom du Dieu d’Israël, lahvé, était connu en Babylonie au temps de Hanimourabi, 2000 ans av. J.-C. Impossible d’entrer dans la discussion détaillée de cette question si souvent traitée depuis une dizaine d’années. (Voir les articles du P. Lagrange dans BB, 1903, p. 3^6 ; 190’j, p. 383386 ; Sayce et Hommel dans Exp.T., IX, p. 622 ; X, p. 42 ; XI, p. 270 : XYII, p. 26 ; XYIII, p. 332 ; XIX, passim ; Babel und Bibel, L p. 4/ ; H, p. 20 ; A’.^r^^p. ^gg ; ZA, XYI, p. 403, lib XVII, p. 2’ji ss.)Avec les assyriologues Zimmern, Bezold, Ranke, Hilprecht et S. Daicues — ce dernier vient de discuter de nouveau la question dans Z.4, XXII (nov. 1908). p. 126 ss. — je pense qu’on n’a pas encore démontré la probabilité de la présence du nom de lahvé dans les noms Ia--PIilu, la-PI-ilu, du temps de Hammourabi. H. Ranke, qui a fait une étude approfondie des noms propres de cette époque, estime que pour ce nom babylonien « la lecture, la prononciation et le sens sont incertains, et que par conséquent on ne saurait guère y appuyer des conclusions importantes. Qu’il faille y voir le nom du Dieu d’Israël, lahvé…, cela me semble très improbable, même si l’on suppose sûre la lecture laluvi-ilu)> (/. c, p. 234, note 5). C’est aussi la conclusion de la récente étude de Daiches.

Dans le nom la-u-um-ilu, que l’élément Iau{m) réponde à la forme abrégée, laou, du nom de lahvé, c’est plus vraisemblable, mais ce n’est pas prouvé non plus pour L’époque de Hammourabi. C. F. Lehma>'N est convaincu que. pour ce qui est des textes d’alors, les deux noms n’offrent rien de commun (Babyloniens ; Kulturmission einst und jetzt, 1903, p. 3^).

Plus tard, vers le v^ siècle av. J.-C, le nom de lahvé se rencontre dans un bon nombre de noms juifs inscrits sur des tablettes cunéiformes ; après l’exil et le long séjour des Israélites à Babylone, il n’y a rien là d’étonnant.

Quant à l’interprétation du nom de Ahi-iami (vers 1400av. J.-C, voir plus haut, col. S^o) c’est un exemple de la façon dont on asseoit parfois de belles théories sur une conjecture aventurée. M. Hrozny commence par dire que, dans la seconde partie de ce nom, on ne peut guère s’empêcher de voir le nom de lahvé ; et il transcrit d’abord Ahi-ia-mi, puis hardiment, dans la traduction, Ahi-Ja » i. Après lui, M. Sellin se déclare convaincu delà possibilité de cette lecture « qui ouvre un horizon tout à fait étonnant » ; il exprime cependant des doutes et demande qu’on se serve de cette tablette avec circonspection — recommandation trop négligée, comme nous l’avons déjà au pour In question du monothéisme. Cependant la lecture JA/-Jawi, au lieu de Ahi-iami, déjà révoquée en doute avec beaucoup de raison par K. Marti en 1906 (Dii Religion desvlten Testaments, p. 6), a été généralemen’repoussée ; et M. Sellin lui-même écrit en 1908 : « Ei vérité la présence du nom [de lahvé] sur des tablette ;