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BABYLONE ET LA BIBLE

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ciens, ou chanteurs, ou encore bergers, intendants, architectes ou inspecteurs de la pèche et de l’irrigation. Des divinités plus importantes étaient conseillers d’Etat… Et si l’on considère que, même aux époques historiques les plus anciennes, beaucoup d’autres divinités étaient l’objet d’un culte dans la plupart des villes, en plus du dieu de la cité, et que chacune de ces divinités avait sa maison et ses ministres divins, on comprendra le grand nombre de dieux dont les noms, lors même que leiu" origine et leurs fonctions restaient obscures, étaient connus des Babyloniens et des Assyriens dans les derniers temps >. (Cr, part. XXIY, p. 5).

Au cours des siècles, quand des Etats plus considérables se formèrent, plusieurs divinités dont la nature et les attributs offraient les plus grandes ressemblances se fondirent en un dieu unique. L’importance d’un dieu se mesurait à celle de la ville dont il était le patron spécial ; le dieu principal de la cité qui, entre toutes, avait conquis la domination devenait le dieu suprême du royaume ; ainsi Mardouk à Babylone au temps de Hammourabi. Mais cela n’empêchait pas une foule de divinités secondaires de subsister à côté du dieu principal. Leur nom s’est conservé surtout dans les incantations, d’autant plus efficaces qu’elles invoquaient un plus grand nombre de dieux : la série Siirpii en nomme environ cent cinquante (Morris Jastroav jr. Religion ofBabylonia, dans DBH, Extra vol., p. ôS^’^).

Malgré les simpliOcations qui ont pu se faire dans les derniers siècles par suite de l’encombrement du panthéon, les Babyloniens et les Assyriens ne se sont jamais élevés à l’idée d’un Dieu unique. Ainsi pensait l’historien des religions C. P. Tiele, qui a étudié l’assyriologie à fond aOn de mieux se rendre compte de la religion de ces peuples ; il écrivait en 1888 : « Quoiqu’ils aient approché très près du monothéisme, ils n’ont pas pu faire le dernier pas si important, p.is plus que les Egyptiens, et ils ont gardé jusqu’à la lin un polythéisme monarchique » (/ïahvlonisch-assrrisclie Geschichte, p. S^g, 540). Plus tard, dans Geschichte der Religion im Altertuni I, 18g5, p. 21 5), le savant auteur n’a pas modifié ce jugement qui, semble-t-il, reste encoi-e exact aujourd’hui.

Comme preuve d’un certain monothéisme chez les Babyloniens, Fried. Delitzsch a fait appel à plusieurs noms propres de l’époque de Hammomabi, composés de ilii, dieu : Ilu-ittia, « Dieu avec moi » ; Ilii-abi, « Dieu est mon père » ; A’èl-ilu, « Serviteur de Dieu » ; « Dieu a donné », etc. Cette interprétation m’a toujours paru fort douteuse : « Ne doit-on pas, demandais-je, traduirclesexemplcscités : « un dieu adonné’^, « un dieu est avec moi « , ou, mieux encore, « le dieu a donné », c’est-à-dire, le dieu ins’oqué, le dieu protecteur principal de la ville, de la famille ou de l’individu » ? (Etudes, 20 déc. 1902, t. XCIII, p. ^ô^). C. Bezold, Ed. KôNiG, d’autres encore ont fait les mêmes objections. M. Hermann Uanki : , dans un ouvrage spécial sur les noms de personnes du temps de llammouraI)i s’exprime ainsi : u II n’y a, dans l’état présent de nos connaissances, aucune raison suffisante de penser que ilii, (le) dieu », dans ces noms ne se rapitorlcrail pas à un dieu parliciilier — au dieu protccleur de rcnfant ou de celui qui donne le nom — de même que ///, <( mon dieu », et ilu.su, « son dieu » (fîarly /latiyloniau Personal Names. Hammuruhi dxnasty, iyo5, p. 21/i, note 3). « Lorscpul’ànie se trouve en présence de son dieu, remarque justement le P. Laora.noe, ce dieu fût-il innomé.ou I quand bien même on indiquerait sa généalogie, elle i lui prodigue toutes les épilhèles qui conviennent à h « divinité <-l le met sans hésiter au-dessus de tous l’s dieux » (i : RSi, p. 21). Tout récenunent, au Con grès des religions à Oxford, à propos de la religion des anciens Egyptiens, M. Flixders Pétrie disait aussi : « Le Dieu sous lequel un homme était né et vivait était pour lui le dieu… Les appellations copimunes de « Dieu » ou de « Grand Dieu » dans les inscriptions religieuses désignent naturellement le dieu local » (Transactions of the third international Congress for the History of religions, vol. I, igo8, p. 188).

Delitzsch s’était appuyé aussi sur un texte (publié par T. G. PixcnES en 1896, et de nouveau par L. W. KiNG, CT, part. XXIV, pi. 50, p. 9 transcr. et trad.), où Ton voit plusieurs grandes divinités présentées comme de simples manifestations de Mardouk :

Ninib = Mardouk (en tant que dieu) de la force. Nergal = : Mardouk » de la guerre.

Zamama= Mardouk » de la bataille.

Enlil = Mardouk » de la domination

et du gouvernement.

Nabou = Mardouk » de la santé.

Sin = Mardouk, illuminateur de la nuit, etc.

PixcHES estime, sans raison suffisante, que ce texte peut remonter à 2.000 ans aA’. J.-C. (The religion of liubvlonia and Assyria, 1906, p. 118). Zimmerx (KA T— p. 60g) et A. Jeremias (Munoth. Stroniungen, p. 4 et 26) le datent de la basse époque babylonienne (vers le vi*’siècle av. J.-C). Jkxsen et Bezold semblent trop sévères contre l’interprétation de Delitzsch. D’autres assyriologues, se refusant à voir là l’expression d’un monothéisme proprement dit, y reconnaissent pourtant une sorte d’hénothéisnie ou même la tendance à une conception monothéiste (Zim.meux, KAT’^, p. 609 ; C. H. W. Jou.Ns, Exp. T., t. XV, p. 45 : Morris Jastrow jr, DBH, Extra a’oI., p. 550 ; L.^^’. KiNG^ CT, XXIV, p. 9). Il faut remarquer, aver Bezold, que d’autres listes analogues identifient diverses divinités avec Éa, ou Bel, ou Ninib, on Nergal, etc., ce qui paraît indiquer, dans les différente centres religieux, une tendance à simplifier le panthéon, à tout rapporter au dieu principal, sans qu’on puisse savoir au juste le sens de ces spéculations. Mais il y a loin de là au monothéisme qui proclame un Dieu unique, et regarde comme néant tous les autres dieux. N’oublions pas que le culte de la déesse Istar a toujours été en grand honneur en Babylonie et en Assyrie ; tandis C{ue les Hébreux n’ont pas même un mot dans lem— langue pour signifier déesse. Les derniers rois de NiniAC et de Babylone dans leurs inscriptions invoquent pieusement les dieux et les déesses ; de même les simples particuliers dans leurs lettres, à la même époque : Salul au roi mon maître ! Que Asour, Bêlit, Sin, Samaé. Adad, Mardouk, Zarpanitoum, Nabou, Tasuu’toun : , Istar de NiniAC et Istar d’Arbèle, Ninib, Nergal, Laz, les grands dieux du ciel et de la terre, et les grand> dieux gardiens du pajs d’Assouret du pays d’Akkad bénissent le roi mon maître abondamment, aboi ! daunnént ! » (11. F. llxnvF.ii, Assyria n and hahyloniai : I.eilers, n. 358 ; cf. 11. Campbell TuoMrsox, Laie bubylonian f.elters, 1906).

Examinons un autre document cunéiforme, proA^enant des récentes fouilles de Ta’annek en Palestine, et trop rapidement expU)ité dans plusieurs otivrages de ces dernièn^s années. C’est une lettre de ro|)oque d’El-Amarua (vers 1400 av. J.-C), où un certain Ainiaini, cananéen, s’exprime ainsi : QwQ le maître des dieux garde la vie… » ; puis il est « jucstion de vulgaires affaires, et un peu plus loin, lignes 13-20 : « Pleure-t-on encore (la perte de] tes villes, ou es-tu rentré en leur possession ? Au-dessus de ma tête il y a quelqu’un qui est au-dessus des villes ; eh bien, vois sil veut le faire du bien ! De plus : s’il montre sa