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BABYLONE ET LA BIBLE

(malheureusement mutilé) des Annales de Téglathphalasar qui raconte la campagne de 733-732 contre les royaumes d’Israël et de Damas. Par la conquête de Damas en 732, et l’installation d’un gouverneur assyrien à la place du roi, la prédiction d’Isaïe xvii, 1-3, est parfaitement réalisée, pourvu que l’on tienne compte de l’hyperbole poétique du début (voir Le Livre d’Isaïe, p. 123, 124).

II Reg. xv, 30, où il est dit que Osée, fils d’Ela, conspira contre Phacée, fils de Romélie, et le tua, a été confirmé et expliqué par une autre inscription assyrienne : « Ils renversèrent leur roi Phacée ; je leur donnai pour roi Osée ; je reçus 10 talents d’or, [?] talents d’argent… » (Inscr. de Téglathphalasar III, trad. Rost, p. 80-81).

722/21. — « On a beaucoup agité la question de savoir si Samarie fut prise par Salmanasar, comme l’écrivain hébreu semble le croire (II Rois xvii, 3-6 ; xviii, 9-10), ou par Sargon, comme le disent les scribes assyriens » (Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. III, p. 216, note). Peut-être, suivant Hommel, la ville fut-elle prise peu de jours avant la mort de Salmanasar, et la nouvelle en arriva en Assyrie après l’avènement de Sargon ; cela suffisait pour que Sargon inscrivît ce succès en tête de ses Annales. Quoi qu’il en soit, lors même que Salmanasar serait mort quelques jours ou quelques semaines avant le résultat définitif, l’historien biblique a pu, sans commettre une erreur formelle, lui attribuer cette conquête : Salmanasar l’avait entreprise et poursuivie pendant trois ans ; et Sargon, alors en Assyrie selon toute probabilité, n’a pas en personne conduit le siège de Samarie à bonne fin. (Dans The American Journal of Semitic Languages and Literatures, avr. 1905, t. XXI, p. 179-182, M. A. T. Olmstead pense que la prise de Samarie a eu lieu vers la fin du règne de Salmanasar ; mais il s’appuie surtout sur la lecture bien peu probable Šamara’in = Samarie, au lieu de Šahara’in. dans Chron. bab. B, i, 28.)

En 7Il nouvelle campagne des Assyriens en Occident, pour réprimer la révolte d’Asdod, à laquelle Juda, Moab, Edom et le Pharaon d’Egypte Sabacon avaient pris part. L’Egypte n’ose pas résister : Iamani, chef des rebelles d’Asdod, est livré à Sargon par le roi de Meluḫḫa (Ethiopie), c’est-à-dire par Sabacon qui régnait alors sur l’Ethiopie et l’Egypte. Ainsi se réalisait la parole d’Isaïe : « Ceux qui comptaient sur l’Ethiopie et qui étaient fiers de l’Egypte seront consternés et confus. Les habitants de ces côtes diront ce jour-là : Les voilà donc ceux sur qui nous comptions, vers qui nous voulions fuir, chercher refuge et protection contre le roi d’Assyrie ! … » (Is. xx, 5, 6).

Isaïe s’élève avec force et persévérance contre l’alliance avec l’Egypte :

Le secours de l’Egypte est vanité, néant (xxx. 7).
Malheur à ceux qui vont en Egypte chercher protection,
et qui comptent sur le ? chevaux ! … (xxxi, 1).

La grande tentation était d’obtenir de l’Egypte des chevaux pour lutter contre la cavalerie assyrienne, si redoutable suivant Is. v, 28 et le témoignage des monuments. Le Rabšaqê de Sennachérib dans son défi à Ezéchias (701) dit fort justement : « … Tu as pris pour soutien ce roseau brisé qui perce et blesse la main de celui qui s’y appuie. Tel est le Pharaon… Eh bien, fais cette gageure avec le roi mon maître : Je te donnerai deux mille chevaux, si tu peux fournir autant de cavaliers pour les monter » (Is. xxxvi, 5-8 ; cf. xxx, 16).

Le même prophète nous fait une peinture très exacte des Assyriens acharnés au pillage : x, 5-14 ; xxxiii, 1-9. « Dévaster, c’est le cri de son cœur ! » (x, 7). N’est-ce pas, en effet, le refrain perpétuel des récits de guerres dans les inscriptions assyriennes abbul, aqqur, ina išâti ašrup, « je détruisis, je ravageai, j’incendiai » ?

705. — Mérodachbaladan, roi de Babylone, connu surtout, jusqu’au milieu du siècle dernier, par l’épisode de son message auprès d’Ezéchias (II Reg. xx et Is. xxxix), se révèle à nous, dans les inscriptions cunéiformes, comme le héros de l’indépendance chaldéenne. Nous comprenons beaucoup mieux aujourd’hui le caractère de ce personnage très entreprenant, d’une persévérance indomptable, le sens et la portée de son ambassade auprès du roi de Juda, laquelle eut lieu probablement en 705, un peu après la mort de Sargon.

701. — Les textes assyriens éclairent singulièrement l’histoire de la lutte dramatique de Sennachérib contre Ezéchias, et le rôle d’Isaïe dans l’immense danger couru alors par le royaume de Juda. Dans le récit détaillé des historiographes de Ninive (Prisme de Taylor, KB, t. II, p. 80 ss.), on voit la coalition des petits princes syriens se fondre brusquement à l’approche de Sennachérib. Les uns fuient, les autres, chargés de présents, viennent baiser les pieds du conquérant. Les villes de Phénicie sont soumises, bientôt celles de Philistie ; puis le pays de Juda est envahi, « quarante-six places fortes » sont prises. Ezéchias paie un tribut « de 30 talents d’or et 300 talents d’argent » d’après la Bible, « de 30 talents d’or et 800 talents d’argent « d’après le texte assyrien (on n’a pas expliqué d’une façon pleinement satisfaisante cette différence, d’ailleurs peu importante). Ezéchias est bloqué dans Jérusalem ; Sennachérib se vante de l’y avoir enfermé « comme un oiseau dans une cage ». Longtemps à l’avance Isaïe ; a prédit ces malheurs ; maintenant que tout semble perdu, il promet le salut, il empêche la capitulation contre toute vraisemblance il annonce à maintes reprises, la ruine de l’armée assyrienne. Cette catastrophe, qui enlève à Sennachérib 185.000 hommes et l’oblige à partir précipitamment, est racontée dans la Bible (II Reg. xix, 35, 36 ; Is. xxxvii, 36, 87), e signalée aussi, quoique expliquée autrement, dans un passage d’Hérodote II, 141)— « Jamais prophète n’avait fait une prédiction plus hardie, et jamais prédiction ne s’était réalisée d’une façon plus éclatante » (Driver, Isaiah, his life and times, p. 82)f Evidemment Sennachérib ne se vante pas de cet échec dans l’histoire de ses guerres. Cependant malgré le silence gardé sur ce point et quelque arrangement des faits destiné à déguiser le malheur final on peut, à travers les lignes du texte cunéiforme entrevoir la vérité : Sennachérib ne dit pas qu’il pris Ezéchias, qu’il a conquis et pillé la ville, comme il ne manque pas de s’en glorifier toutes les fois qu’il a réussi. Il ne raconte pas, comme ailleurs, les exploits accomplis en route, au retour ; le récit se termine brusquement. Il est fort probable que le tribut, payé avant la tentative contre Jérusalem, a été placé à la fin pour donner à l’expédition une conclusion honorable, une apparence de succès : ainsi pensent Schrader, Fried. Delitzsch, Mc Curdy. La plupart des historiens (Stade, Maspero, etc.) estiment donc avec raison que la guerre de 701 s’est terminé pour les Assyriens par un désastre. Jérusalem étant sauvée miraculeusement : ainsi s’accomplissait la prophétie d Isaïe1.

1. H. Winckler pense que II Reg. xix, 8-37 se rapporte à une expédition de Sennachérib différente de celle de 701. Son opinion, telle quelle ou légèrement modifié est admise comme plus ou moins probable, par Homme Benzinger, Krall, Pinches, Guthe, Lindl, Scheil, A. Jeremias, Prasek. Cette hypothèse d’une double campagne en Palestine ne semble pas suffisamment fondée.