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AGNOSTICISME

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ranimisme etc. Sans aucun doute, la voie qui permet de passer de cette connaissance rudimentaire du vrai Dieu à une connaissance de soi exclusive de toute erreur sur la nature divine, est ouverte : les moyens logiques nefont pas défaut. Rom., 1, 20, 5a/j., 13 ; Dieu ne s’est pas laissé sans témoignage, Act.. 14, il-^, et la voix de la conscience, Rom., 2, 12 sqq., le sentiment religieux, Act., 17, 24-28, et, s’il est nécessaire (cf. Vasqukz. in I, disp. g- ; , cap. 5, praes. n. 33 ; coll. disp. I, n. 15 ; disp. ig, n. g), le secours de Dieu, servent ici de guides et de moniteurs : s’il y a erreur, elle sera donc inexcusal)le ; mais dans les conditions que notre Jiypotlièse envisage, les chances d’erreur restent grandes. C’est pourquoi S. Thomas, qui dit avcc toute la tradition que connaître l’existence de Dieu, quia est et quid non sit au sens comparatif, est facile : Ejiis cugnitiu nabis innata dicituv esse in quantum per principia nohis innata de facili percipere possumus Deuni esse (in Boetli., de Tvinit., qiiaest. i, art. 3, ad 6), dit ailleurs, avec la même tradition, que pour atteindre ce que la raison philosopliique peut savoir de Dieu, ea quae necesse est ei c(>n’enive, secundum quud est prima omnium causa, (>' « / « ; » « . quaest. 12, art. i).ea ad quae naturalis ratio perfingere potest(Denz.. i^g5(i 643)), un grand travail est nécessaire, et que c’est un des buts de la révélation d'épargner ce labeur à la masse des hommes ; Denz., 1-86 (1635) : Sic ergo nonnisi cum magna lahore stuaii ad praedictae i’eritatis inquisitioneni pereniri potest{Cont. génies, , ! , III, 38. Cf. Franzklix, de Deo uno, th. VI, 3 éd., p. io3).

Dans nos sociétés chrétiennes, on peut dire que, grâce au bienfait de la révélation qui nous atteint tous, ne serait-ce que par le langage que le christianisme a pénétré, il n’est, moralement parlant, pas d’individu qui ait. pour connaître ce que la raison philosophique démontre de Dieu, à refaire les étapes de l'être isolé ou vivant dans un milieu païen, que nous venons de mentionner. Les premières questions du catéchisme al)règent la route et suppriment, avec les chances d’erreur, le travail. De fait, nos agnostiques ont eu, comme nous, l’idée chrétienne de Dieu. Hacon a donné un grand rôle dans l’origine de nos erreurs aux idola theatri, à l’esprit systématique. Eclairés comme nous de l’idée clirétienne de Dieu, les agnostiques s’aperçoivent un jour que leurs systèmes ne leur permettent d’entendre les formules religieuses que dans le sens relatif, de fait et symholif[ue ; leur iiremier principe étant que notre esprit est incmiable de porter aucun jugement sur la nature intrinsè(pie des choses, ils rejettent tout sens absolu, de droit et objectif des mêmes formules. La réalité sous-jacente, pensent-ils, ne peut i)as être signiliée par des concepts, et par suite ne peut ])as être objet direct de science, de représentation proj)re ; il faut donc se rabattre sur la connaissance symboli({ue et indirecte. Kt voilà comment, sous la pression des idoUt theatri de leur école, ces sa"ants philosophes en viennent à se mettre, au point de vue de la connaissance religieuse, exactement au stade le plus rudiiiicntaire que les théologiens aient jamais étudié, à ce stade où Dieu ne serait encore conçu que par dénominations exlrinsèfpu’s. et désigné fpu" pai- périphrases. Ainsi entendues, les formules religieuses, avons-nous dit, sont sujettes à bien des erreurs d’interprétation — admi.rtoerrore, Denzinger, 1786(1635) ; l’Iiistoin- de ce temps montre <jue l’analyse de S. Thomas et (h’s sc()lasli(pics ne niampiait pas de j)erspicacité (voir Sr.or. Prolog., quaest. 3, quaest. lat. 2, 5^ Ex dietis ajiparet ; cf. Fhanzki.in. de Deo l’no, edit. 3, ProIcgom. ; KMaTGKN, Théologie der Vorzeit, t. 5. [)assim) ; et nous avons explicpié jjIus haut, n. IV, inil., pourquoi l’agnostique (l()gmalique est une proie toute

prête pour le panthéisme ou pour l’athéisme, à moins qu’il ne verse tout simplement dans l’animisme des spirites. Mais toute rudimentaire et exposée à l’erreur qu’elle soit, cette connaissance par piu-e périphrase désigne bien le vrai Dieu et lui seul. Or l’agnostique dogmatique afiirme l’existence de Dieu ainsi conçu. Donc, tant qu’il s’en tient là et n’ajoute pas de négations ou d affirmations erronées tombant sur l’objet désigné par le nom de Dieu, nous refusons de le ranger parmi les athées.

La restriction que nous venons de souligner est à retenir pour trois raisons. Licet nos intelligamus aliqualiter Deum non intelligendo ejus bonitatem : une certaine connaissance de Dieu, rudimentaire. est possible sans passer aux prédicats essentiels de la nature divine — c’est ce que nous venons d’expliquer ; non tamen possumus inlelligere Deum, intelligendo eum non esse bonum, sicut nec hominem intelligendo eum non esse animal : hoc enim removeret substantiani Dei quae est bonitas (De pot., quaest. ; , art. 4, ad 8). Cf. Summa, 2-2, quaest. 2, art. 2 ad 3, avec le commentaire de Cajetax et les remarques de Tirrianus, 2-2, de fîde, disp. 24, dub. 1 ; voir dans un autre sens Valextia, de fide, disp. 1, quaest. 2, p. i. — a) Si on se fût souvenii de cette simple remarque de S. Thomas, on n’eût point écrit en faveur de M. Le Roj- : « Au point de vue absolu — et, unanimement, les docteurs catholiques en conviennent — tout ce qu’on peut dire de Dieu est faux. Or si tout cela est faux, autant une fausseté qu’une autre.)i Cf. Denz., 528 (4Jô) ; voir Jo.x. Cleuicus, Pneumat., sect. 3, cap. 3, ! ^ 1-, réfuté par Roselli, ibid., n. 1286, en même temps que d’IIolbach et Robinet. Comparer avec S. ArcirsTix, de Triait., 5, i sub finem. — b) C’est pour avoir négligé la même restriction que M. Tyrrell s’est fourvoyé, à la remorque des écrivains qui appliquent la méthode positiviste à l'étude et à l’histoire des religions. Il trome « une unité au moins générique » entre les expériences religieuses du fétichisme et du polythéisme les plus dégradés et w les expériences des saints et des extaticjues chrétiens » {Scrlla, p. 2^5). Tous en efl’et se livrent à l’exercice K d’interpréter l’Inconnu sans limites en termes de cette fraction inlinitésimale du Tout qui tombe sous la connaissance claire de l’homme », p. 2'j2. Il est très véritable que la religion chrétienne comme toutes les autres a un aspect subjectif. Conclure de ce fait à une « unité générique », c’est négliger bien des différences ; on ne peut soutenir que ces dllférences ne sont pas fondamentales que si l’on oublie (ju’en religion la ([uestion importante n’est pas celle de vagues analogies dans les faits subjectifs, mais bien celle de la érilé au sens objectif. Mais la Aérité au sens objectif entraîne des allirmations touchant la nature (li ine en elle-même. M. Tyrrell a recours au distinguo : de telles alliiinations sur Dieu, si elles sont de la théodicée et de la théologie — sciences d’ailleurs, pense-t-il, soumises à l'évolution — ne sont sûrement pas du. dogme, le dogme immuable, le révélé, l’objet de la foi. Le dogme, d’après M. Tyrrell, n’exprime Dieu tpie par des images, des termes figures, et il n’en va pas autrement de la connaissance religieuse primitive. Donc, conclut-il, « cpielle cpie soit l’imagerie, la réalité latente qui se rcA èle. est nécessairement la même v,). 301. Il sutlit de remarquer « pie. dans l’hypollièse de M. Tyrrell, cette eonehision est rigoureuse. En ellel. puis(pie, d’après M. Tyrrell, toute connaissance i-eligieuse ne désigne Dieu f[ue par des dénominations cxlrinsèipies fondées sur rexi)érience subjective, sans possibilité aucune dépasser au sens îibsolu, sans ipie le dogme comme tel ail déportée mélaphysi « |ue, toutes les religions se valent ; et comme (lisait, il y a ])1hs de ciiicpiaiile ans, le i)rolestant