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APOLOGETIQUE. APOLOGIE

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tion divine dont Jésus-Christ a été Toi-j^anc, et de fonder ainsi la crédibilité objective de la relig : ion chrétienne, l’apologiste-apôtre ne s’en tient évidemment pas à cette visée spéculative ; en établissant de son mieux l’origine divine de la révélation chrétienne, il désire entraîner les esprits et, sous ce rapport, son but à lui. finis uperantis, est de conduire les hommes à la foi. Expression courante et très légitime, à condition seulement que le sens en soit bien fixé et mis en accord avec la notion catholique de l’acte de foi. Voir Mgr Pie, Œinres, t. III, p. 188 ss., Paris, 1887.

A la triple propriété d’adhésion raisonnable, libre et surnaturelle, qui convient à cet acte, réjjond dans le sujet une triple préparation, de nature différente ; intellectuelle, du côté de l’esprit, qui doit adhérer prudemment à la vérité révélée ; affective ou morale, du côté de la volonté, sous l’empire de laquelle l’adhésion de l’esprit s’opère ; surnaturelle, du côté des deux facultés, considérées comme principe complexe de l’acte de foi. Et bien qu’il faille distingiun* ces trois préparations, et que les deux dernières ne rentrent pas au même titre que la première dans le but propre de l’apologétique, c’en est pourtant l’ensemble et l’union qui donnent la synthèse intégrale du problème. Comme adhésion surnaturelle, l’acte de foi dépend immédiatement de Dieu, qui confère à l’intelligence l’illumination et à la volonté la motion qui leur sont absolument nécessaires pour adhérer comme il faut, ut opuitet, à l’objet révélé. Comme adhésion libre, l’acte relève immédiatement de la Aolonté personnelle du sujet, laquelle, mise en face de l’obligation de croire, avec l’alternative du bien ou du mal qui en résulte, peut rendre ou refuser à Dieu Ihommage de son adhésion. L’apologiste ne peut donc pas se proposer de conduire 1 homme à la foi immédiatement ; en ce sens, il ne peut pas résoudre lui-même pour un autre la question pratif{ue et subjective du credo : entre le terme extrême où il peut amener le sujet et l’assentiment réel, il y aura toujours, de la part de Dieu, la préparation directe de l’intelligence et de la volonté, et, de la part de l’homme, la détermination positive du libre arbitre.

Mais cette détermination peut et doit être provoquée indirectement, et là intervient le rôle intégral de l’apologiste, cpii s'énonce ainsi : Conduire le sujet au point où l’acte de foi lui aiiparaît comme obligatoire, sous peine d’inconséquence et de résistance à la vérité connue ; seconder de tout son pouvoir la détermination ultime de la volonté. Or, il est évident « |u'à ce double point de vue, la préparation morale ou affective est d’une importance capitale : directement d’abord, à cause du rôle prépondérant qui revient à la volonté dans l’acceiitation de l’obligation morale, formulée par le jugement de crédentité, et, par suite, dans la détermination ultime à l’assentiment actuel de foi ; luiis, indirectement, à cause de l’influence que la volonté, bien ou mal disposée, exerce sur l’intelligence elle-même en vue de l’acceptation ou du rejet des preuves qui fondent le jugement de crédibilité. Inutile d’amplifier ce qui, depuis quelque temps, est devenu lieu commun en apologétique : rinfluence des dispositions habituelles du sujet sur son attitiule à l'égard des biens de l’ordre moral et religieux en général, de l’ordre surnaturel en particulier. « La lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises ; car, quiconcpie fait le mal, hait la lumière et la fuit, de i^eur fju’elle ne lui découvre ses œuvres. » (Joa., iii, ig-20.) L idée, en ce qu’elle a de juste et de fécond, n’est nullement contraire à l’apologétique traditionnelle,

étudiée dans les docteurs de l’Eglise et ses grands théologiens. Toujours ils ont connu et admis l’influence de la volonté dans l’acte de foi et sa préparation, prochaine ou éloignée, bien que, suivant leur tempérament philosophique ou moral, lisaient insisté davantage, les uns sur le côté intellectuel, les autres sur le côté afïectif. Qui voudra s'édifier sur ce point, n’aura qu'à lire les trois Aolumes, composés d ailleurs dans un esprit tendancieux, de l’abbé J. Martin sur L Apologétique traditionnelle.

Quelle conséquence tirer de ces observations ? Faudra-t-il faire de la partie philosophique de l’apologétique une préparation subjective qui soit immédiatement valable pour toutes les catégories d’incroyants ? La prétention serait chimérique ; une œuvre de ce geni’c nécessite des disciplines, intellectuelles ou morales, complémentaires et diverses suivant l'état des esprits qu’on Acut atteindre. Mais rien ne s’oppose à ce que cette jiartie revête un caractère plus positif que polémique ; à ce que son rôle soit plus préparatoire que défensif ; à ce que toute l’orientation (lu traité apologétique tende à la formation non seulement intellectuelle mais morale des esprits ; à ce que, dans ce but, l’apologiste ne perde jamais de vue la relation intime de la volonté, de la bonne volonté, avec l’acte de foi, mais sache faire la juste part à toutes les facultés de l’homme, pour lui présenter enfin le surnaturel, la révélation, la foi comme quelque chose de bon pour lui, qui le perfectionne, qui réponde à une indigence et qui remédie à une impuissance dont il ait conscience ; sans tomber pour cela dans une sorte de fidéisme latent ou de mysticisme nébuleux.

Rien ne s’oppose enfin à ce que, à côté d’une apologétique intégrale de la religion chrétienne, apologétique qui ne peut rester totalement en dehors du terrain historique, il y ait des apologies et des apologétiques partielles ou relatives, par exemple des apologies (ou des philosophies) du sentiment religieux, de la croyance, de la bonne foi, de la sincérité dans la recherche de la vérité, et même une apologétique qui, dans la défense ou la proposition de la foi, se maintienne sur un terrain spécifiquement et purement philosophique. Manifestement impropre à poser intégralement les fondements rationnels d’un acte de foi, une apologéticjue de ce genre peut cependant avoir son utilité relative. Elle peut l’avoir ad hominem, quand il s’agit d’esprits inaccessibles à d’autres procédés. Elle peut l’avoir, absolument parlant, dans l’ordre même où elle se trouve, pour mener le sujet jusqu'à un certain point de disposition intellectuelle et morale où il deviendra sensible aux preuves, ou du moins à quelque preuve de la religion ; car une seule sutrit, et la preuve eflicace en fait n’est pas toujours la plus efficace en droit.

V. Délimitation et caractère scientifique de l’apologétique. — On a reproché aux apologistes récents des mœurs annexionistes et encyclopédistes, tendant à faire de l’apologéticpie une sorte de « pantologie » . Il importe d’autant plus d'éviter cet écueil que, pour pouvoir attribuer à l’apologétique un caractère réellement autonome et scientifique, il est nécessaire de lui conserver strictement sa raison de doctrine spécifi({uement distincte et de la pure philosophie et de la théologie proprement dite.

I. Délimitation du clianip apologétique. — Comme dans toute science, il faut partir de. l’objet propre de l’apologétique. Celui-ci étant, d’après ce qui a été dit, la crédii>ilité rationnelle de la religion chrétienne et catholique, ou la démonstration du fait de la révélation di ine apportée au monde et confiée à l’Eglise par Jésus-Christ, tout ce qui se rapporte à cet objet,