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APOLOGÉTIQUE. APOLOGIE

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De la sorte, il y avait connexion intime entre la partie philosophique et la partie historique, entre le fait intérieur et le fait extérieur, le fait de conscience préparant la voie au fait public et divin de la révélation qui lui répond au dehors. « Il n’y a que deux faits à vérifier, un en vous, et un hors de vous. Ils se recherchent pour s’embrasser, et, de tous les deux, le témoin c est vous-même. » (Entretiens, épigraphe.) Mais, pour comprendre exactement la pensée du cardinal, sans la dépasser, il faut tenir compte des points suivants. L’analyse du fait psychologique, ou partie philosophique du procédé, ne constitue nullement, à ses yeux, la démonstration chrétienne ; elle n’en est même pas un élément indispensable, son rôle est purement préparatoire : « he fait de l’Eglise reste sur la terre la preuve permanente de la révélation. Le besoin que nous en éprouvons, et l’inclination que Dieu nous donne (in tus) pour ce secours qu’il nous envoie (/or/*) nous aident àlereconnaitre. Voilà tout. — Une analyse proprement dite de ce fait [de conscience] n’est évidemment pas indispensaljle pour faire sentir le rapport harmonieux de l’Eglise enseignante avec les besoins intimes de nos âmes. Ces besoins, on les éprouve lors même c[u’on ne les analyse pas… Analyser le fait de conscience, ce n’est donc que préparer le terrain à la démonstration, ce n’est pas encore la donner. — Dans la méthode que j’ai suivie, loin d’appuyer la démonstration du Christianisme sur l'étude seule des faits psychologiques, je considère cette étude comme purement préparatoire, mais j’appuieladénionstrationelle-mêmesurc^es/a/75 publics. » {Lettres, p. 80, 89, 314.)

En particulier, le cardinal Dechanips rejette énergiquement la doctrine, baïaniste ou traditionaliste, « qui prétend déduire la nécessité de la révélation primitive, non de l'état de notre nature, ou de sa destination positive, mais des lois mêmes de la raison humaine, ou des conditions naturelles de son développement », ibid., p. 215. S’il parle de noli’e raison comme aspirant à la fin surnaturelle ou demandant la foi divine, il a soin de nous avertir qu’il prend la nature humaine dans son état réel, dans sa condition actuelle positive ; mais, en droit, la révélation estpourlui, comme pourtout théologien catholique, « un bienfait surnaturel, gratuit comme la grâce, etnonpasune exigence de notre natui-O/, ibid., p. 26, note ; p. 6^, 76, 216, i'][, etc.

Enfin le cardinal ne prétend nullement fonder sa méthode sur une philosophie autre que celle de l’Ecole ; saint Thomas d’Acjuin est resté son maître. Nulle part il ne rattache son analyse des faits psychologiques à l’immanentisme philosophique, entendu dans l’acception moderne et spécifique du mot. Du reste, il n’attribue à son procédé aucun sens exclusif, ni même agressif ; il ailirme le caractère logique et la valeur objective de la méthode classique « ordinaire » ; il rejette toute prétention à la nouveauté quant au fond des choses, reconnaissant que les auteurs classiques ont eux-mêmes indiqué sa méthode, incidemment à la vérité, mais très clairement ; ce qu’il leur reproche, c’est seulement de n’en avoir j)as fait assez ressortir 'i la i^ortée décisive, soit pour déuiontrer directement la révélation, soit pour disposer l'àme à jouir de sa lumière x, ibid., p. yo ss., 191, 290, 894. Cecju’il pouvait y avoir de vérité dans ce reproche, le point qui va être abordé maintenant nous fournira l’occasion naturelle de l’expliciuer.

IV. Attaque et justification de l’apologétique classique ; sa perfectibilité relative. — I. I.'uttaquc. — Dans le uioun enuiil thcontroverse relatif à rapoiogétique qui s’est produit dans la seconde moitié du XIX siècle, l’atlaciue a surgi de divers côtés

contre les anciennes méthodes. Il s’en faut de beaucoup que, dans cette levée de boucliers, tous les traits lancés aient eu la même portée. Parfois, il y a eu méconnaissance manifeste de la vraie notion de la foi chrétienne, comme dans l'école des néo-chrétiens, où cet acte n’apparaissait plus que sous la forme d’une croyance Aague, sentimentale, purement affective ou dynamique, sans relation à un dogme ni à une vérité objective. Dès lors il ne peut plus être question d’apologétique catholique, ni même chrétienne, mais tout au plus d’apologie ou de philosophie du sentiment ou du sens religieux, comme chez les théologiens du protestantisme libéral, dont l’influence ici est manifeste. D’autres fois le débat dépassait de beaucoup la question apologétique, et rentrait, au fond, dans la grande querelle philosophique sur l’objectivité et la valeur de nos idées, de nos jugements, de nos raisonnements.

Plus spéciales et, à ce titre, plus dignes d’attention sont les attaques venues decatholiques, qui sans rejeter complètement le procédé classique, le jugeaient cependant trop autoritaire, ou trop intellectualiste, ou dénué de consistance philosophique, à tout le moins d’efficacité pratique en face des esprits modernes, épris de la méthode expérimentale et irréductiblement fermés au scolasticisme. D’où nécessité de procédés nouveaux. Distinguons toutefois deux manières, très différentes, d’entendre la réforme. La première consistait à supplémenter l’antique façon par quelque chose de plus moderne, en développant les intimes beautés du christianisme, ses harmonies profondes (Mf Bougaud), ou en exposant la valeur et la vertu intrinsèque du christianisme, sa merveilleuse adaptation aux besoins de la vie humaine (Olli' ; -Laprune) etc. De l’apologétique moderne ainsi conçue, rien à dire, si ce n’est fque, la question de philosophie ou de degré mise à part, elle n’est nullement moderne, et qu’il serait illusoire de parler, sous ce rapport, d’opposition entre le passé et le présent. Telle qu’elle nous est apparue dans son développement historique, l’ancienne méthode contient cette forme particulière, comme le tout contient la pai’tie ; car le genre de preuves dont on y fait usage, rentre dans la seconde catégorie des critères admis constamment par la tradition catholique, celle des critères internes oI)jectifs. Et même il n’j' a pas là œuvre exclusivement propre à l’apologétique prise au sens strict du mot ; développer les intimes beautés, les harmonies profondes, les sublimes convenances du christianisnu*, faire de la vérité chrétienne une large et majestueuse synthèse, n’appartient pas moins au théologien c|u'à l’apologiste. A quelle source, pour ne donner qu’un exemple, le P. Monsabui' ; a-t-il puisé les plus belles considérations de son E.rposé du Christianisme '.'

Autre était la manière de ceux qui, sans renoncer aux fondenu-nts traditionnels de l’ancienne apologéli(liu% lui refusaient seulement une valeur stricteuu^nt [iiiiiosophi([iu', et lui reprochaient d<' s'épuiser à offrir un ol)jet alors que c’est le sujet qui n’est pas disposé, de présenter le surnaturel du deliors et sous une ap|)areu(e d’anlinomie par rapport à l’ordre nat>ircl, sans se jjréoccuixr de crili(iiu’r la compalil)iii(é formelle ou la possibilité subjective des deux ordres. On proposait doue de reprendre en sous(vuvre l'édifice, de manière à renouveler l’assemblage sur des fondements assurés, et pour cela de substituer aux autres pseudo-philosopliies, celle de l’Ecole en particulier, la vraie et pure philosoj)hie, qui a consiste, non plus dans l’application hétéronome de la raison à une matière ou à un objet, cpi’il soit donné par les sens ou par la révélation, mais dans l’application autonome de la raison elle-même », d’après la