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APOLOGETIQUE. APOLOGIE


majoribits, col. 830, comme l’un des principaux moyens dont il se servit pour convertir les hommes, Contra Julian., 1. VI, P. G., t. LXXYI ; il argue des sublimes prophéties qui l’ont eu pour objet, ibid., 1. X, col. io58. Quoi qu’il en soit de ses prédilections personnelles, SAINT Augustin n’ignore ni l’argument des prophéties, ni celui des miracles. De catech. rudibiis, n. 45 : miracuUs movebantiir ut crederent, P. 1.., t. XL, col 341 ; De utilitate credendi, n. 82 : DiiiacitJis conciliai’it auctoritatem, . XLII, col. 88 ; .Serw. CXXVI, n. 5 : iinde possis credere qiiod non 'ides, t. XXXVIII, col. 700, etc. S’il lui arrive d'étayer les miracles sur les prophéties qui les ont prédits ou sur les effets de conversion, de sainteté et autres, encore persistants, qu’ils ont produits, c’est pour mieux faire reconnaître dans le phénomène sensible le caractère de signe divin, et prévenir ainsi l’objection qu’on aurait pu tirer de l’existence de phénomènes analogues en apparence, mais magiques. La même préoccupation explique pourquoi d’autres Pères, notamment OkiGÊNE, ne s’arrêtent pas au dehors du fait miraculeux, mais en relèvent soigneusement le caractère moral ou la finalité.

Chez tous ces Pères, à peu d’exceptions près, en particulier chez Clément d’Alexandrie, Ouigène, Arnobe, Lactance, saint Jean Chrysostome, saint Cyrille d’Alexandrie, Thkodoret, l’argument des miracles ne comprend pas seulement les miracles d’ordre physique, mais encore, et parfois surtout, ceux d’ordre moral : conversion et transformation morale du monde ; propagation rajiide et persistance du christianisme, en dépit des persécutions ; constance des martyrs. Toutes ces raisons, saint Augustin les reprend, mais pour les présenter sous un aspect nouveau et fécond. Au lieu de considérer les faits en eux-mêmes et comme séparément, il les saisit groupés et pour ainsi dire unifiés dans l’Eglise qui les réalise et les concentre dans sa propre vie. L’Eglise devient ainsi comme un grand et perpétuel motif de crédibilité ; résumant le passé par l’accomplissement des prophéties et par sa propre liistoire, index præieritorum, et du même chef anticipant l’avenir, yjr « enuntia futuiorum. De fide reram quae non videntur, n. 8, P. L., t. XL, col. 178. Les contemporains du Christ ont vu la tête, mais ils ont dû croire au corps, c’est-à-dire à l’Eglise qu’ils ne voyaient pas ; ce qu’ils ont vu de la tête, les faisait croire au corps. Nous, nous voyons le corps, mais devons croire à la tête que nous ne voyons pas ; ce que nous vojons du corps, nous fait croire à la tête. Serm. CXVI, c. vi, P. /.., t. XXXVIII, col. 660.

A CCS motifs extrinsèques, qui prouvent directement la crédibilité ou l’autorité divine du témoignage soit du Christ et des apôtres, soit de l’Eglise qui continue leur œuvre, s’ajoute, chez les Pères grecs surtout, un douille groupe de raisons inti’insèqucs, déjà signalé chez les apologistes du second siècle. Le premier conq)rend les critères qui se ramènent ù l’excellence du christianisme, considéré dans sa doctrine ou dans sa valeur morale. La forme mêuu^ sous laquelle se présentent ces raisons, chez Clément d’Alexandrie, Origène, Eusèbe, Cyrille d’Alexandrie, Théodoret ou autres, ne permet pas d’affirmer que ces Pères aient toujours aouIu prouver directement la vérité absolue du christianisme ; souvent ils procèdent par Aoie d’opposition onde comparaison entre la doctrine ou la nuuale évangélicpie et celle du j)aganisme ; l’avantage qu’ils revendiquent ainsi, n’eutraîne rigoureuseiiu’nt qu’une transcendance ou supériorité relative. A l’autre groujje appartiennent les raisons tirées de l’harmonie profonde qui existe entre la révélation chrétienne et les meilleurs instincts de notre nature, ou plus particulièrement, entre cette

révélation et ce que la philosophie antique renfermait de meilleur et de plus élevé. Comme les apologistes platonisants, ces Pères sont amenés à voir dans la philosophie antique ou les instincts religieux qui se cachent au fond de l'àme, une préparation, plus ou moins éloignée, au christianisme ; et parfois le mouvement général de la pensée semble indiquer qu'à leurs yeux, le christianisme était le terme, la forme définitive de la religion, de la philosophie parfaite, et que, comme tel, il possède une valeur absolue. A tout le moins, l’existence, dans les esprits philosophiques ou dans les âmes foncièrement religieuses, de ces instincts supérieurs, fournit à ces apologètes un point d’appui qu’ils utilisent, comme tous les autres mobiles capaljles de concourir à la préparation subjective des hommes à la foi chrétienne ; car ils n’ont pas moins conscience que leurs devanciers du rôle combiné que jouent la grâce et la nature dans l'œuvre de la conversion, et de l’influence mutuelle que se prêtent les divers antécédents d’ordre psychologique, moral ou surnatui-el, non seulement pour amener le sujet à l’adhésion définitive de la foi, mais pour le disposer au préalable à considérer attentivement et à comprendre les preuves de la religion chrétienne. Voir, à titre d’exemple, l’article Clément d Alexandrie, dans le Dictionn. de théologie catholique, t. II, col. 181 sq.

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