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APOLOGÉTIQUE. APOLOGIE


puisque les attaques sont innombrables, extrêmement variées et non moins changeantes ; rien n’apparaît qui différencie essentiellement l’apologétique d’une apologie générale du christianisme, et rien non plus qui explique, dans l’ordre des principes, une continuité, une stabilité quelconque.

Finalement, la nécessité s’imposera de déterminer plus nettement deux acceptions de l’apologétique, l’ancienne et la récente, pour montrer qu’à cette double acception répond une notion plus large ou plus restreinte du même terme, et que la fixation, dans l’usage comnmn, de l’acception restreinte a été comme une condition ou une conséquence de la constitution de l’apologétique en doctrine relativement autonome. Soit donc la distinction suivante qui, dans ce qu’elle a de flottant, se précisera, et, dans ce qu’elle a d’inachevé, se complétera au cours de cet article. Dans un sens large, qui correspond à l’étymologie du mot, l’apologétique comprend tout ce qui se réfère à la justification et à la défense de la religion, quelles qu’en soient d’ailleiu-s la matière et la forme ; sous ce l’apport, toute distinction spécifique entre apologétique et apologie devient impossible ; impossible aussi toute réduction à l’unité formelle, toute coordination scientifique des divers éléments qui peuvent concourir à la défense de la religion. Toute classification est nécessairement inadéquate ou provisoire ; dans la pratique, nulle règle absolue ne peut être fixée, sauf l’obligation manifeste de tenir compte des devoirs généraux ou particuliers, de science, d’impartialité, de charité et d’orthodoxie qui sont de rigueur pom’un catholique dans toute controverse religieuse. Dans un sens restreint, l’apologétique s’entend de la justification de la religion chrétienne considérée dans son propre fondement, le fait de la révélation divine apportée au monde par Jésus-Christ et confiée à l’autorité vivante de l’Eglise ; et c’est sous cet aspect, où elle est susceptible d’un objet propre et d’une autonomie relative, que l’apologétique peut, de l’avis du plus grand nombre, se présenter comme science distincte.

II. L’apologétique dans les cinq premiers siècles. — Exposition et justification des titres fondamentaux qui établissent l’origine et l’autorité divine du christianisme et de l’Eglise ; apologies, nombreuses et variées, pour les défendre contre leurs ennemis ; telles sont les grandes lignes du mouvement. La synthèse apologétique de l’avenir n’y est contenue qu’en germe, dans ses éléments essentiels, et sans distinction entre apologie et apologétique.

I. Jésus-Clu-ist et les apôtres. — Jésus-Christ se donne pour l’envoyé du Père, pour le Messie, Fils de Dieu. A ce titre il prêche, en maître autorisé, une doctrine qu’il propose au nom de son Père : Mc, 1, 22 ; Jo., vii, 16. Doctrine qui ne porte pas seulement sur des préceptes de vie morale, mais qui contient la révélation de mystères inaccessibles à la raison humaine : Mt., xi, aSsq ; xxviii, ig ; Jo., i, 18. Doctrine qui ne détruit pas la révélation mosaïque, mais qui la perfectionne, et qu’il charge ses apôtres de prêcher dans le monde entier, avec obligation poiu— tous d’y adhérer sous peine de damnation éternelle ; Mt., V, 17 ; X, 34 ; Mc, xvi, 16. Il fallait justifier de telles prétentions, et les Juifs ne se firent pas faute de le dire. Jésus se réclame des prophéties qui l’ont annoncé, et dont ses auditeurs peuvent constater l’accomplissement en sa personne : Lc, iv, 21 ; XXIV, 27 ; Jo., V, 39, 46— Il invoque les œuvres qu’il acconqjlit, les miracles qu’il oiière au nom de celui qui l’a envojé ; et, de fait, c’est surtout par l’exercice de son pouvoir thaumatiu-gique qu’il conquiert la foi de ses disciples et établit son autorité auprès

du peuple : Je, ii, 11, 23 ; iii, 2 ; vii, 31, etc. Cet appel de Jésus à ses œuvres, signes divins qui confirment sa mission, est surtout mis en relief dans le quatrième évangile, v, 36 ; xi, 42, etc. ; mais il n’est absent des trois autres, ni en principe, puisque le Christ y fait lui-même appel pour justifier son caractère messianique et son pouvoir dans l’ordre de la grâce et du salut, Mt., xi, 4 ; Me., 11, 10 ; ni surtout en fait, puisque les miracles opérés par le Sauveur ont précisément pour résultat de le faire reconnaître pour un prophète, un envoyé de Dieu, un maître transcendant, Mt., VIII, 27 ; XIV, 33 ; Lc, vii, 16. Si Jésus aflîrme qu’une àme de bonne volonté reconnaîtra le caractère divin de sa doctrine, Jo., vii, 17, rien ne permet d’affirmer qu’il ait prétendu faire abstraction des signes qui confirmaient son témoignage ; c’est bien plutôt le rôle capital des dispositions subjectives et morales qu’il a en Aue. Les signes divins, miracles et autres, n’ont pas une influence magique, indépendante de la libre coopération de celui qui doit croire ; mal disposé, il peut fermer les yeux à la lumière, mais avec une entière responsabilité ; lui-même est alors la cause de son propre aveuglement, Mt., xi, 20 ; Jo., XV, 24.

L’apologétique des apôtres s’inspii’e des mêmes principes. Dans ses deux premiers discours aux Juifs, saint Pierre appuie la mission divine et le caractère messianique de Jésus de Nazareth sur les prodiges de toute sorte qu’il a opérés durant sa vie, sur le grand fait de sa résurrection et sur l’accomplissement des prophéties relatives à sa passion et à son triomphe : Act., II, 22, 24 ; III, 17, 18. De même, dans l’Eglise naissante, la preuve des prophéties nous apparaît utilisée par le diacre Philippe, Act., aiii, 35 ; par saint Paul, Act., xxviii, 23 ; I Cor., xv, 3 ; par les évangélistes, surtout saint Matthieu et saint Marc. Dans saint Jean, manifeste est l’intention d’appuyer sur les miracles de Jésus-Christ non pas seulement la glorification du Verbe incarné, mais encore la crédibilité de son caractère messianique et de sa filiation divine, xx, 30-31 ; aussi reproche-t-il vivement aux Juifs leur incrédulité obstinée, malgré tant et de tels signes, xii, 3^. Leur propre autorité, les apôtres la fondent directement sm* le mandat qu’ils ont reçu du Christ : Petriis, apostolus Jesii Christi ; Pauhis, vocatus apostolus Jesu Cliristi. Mais Dieu, de son côté, corrobore leur témoignage en donnant à Leur prédication la sanction des miracles, comme le rappellent saint Marc et saint Paul en deux textes qui couvrent tout le ministère apostolique : Domino coopérante et sermonem confirmante sequentibus signis, Mc, xvi, 20 ; contestante Deo signis et porientis, Heb., 11, 4. Ainsi les premiers chrétiens pouvaient-ils être prêts à rendre raison des espéranci s que la foi allumait en leurs cœurs, suivant la recommandation du prince des apôtres, I Petr., iii, 15.

2. Les Pères apostoliques. — Les écrits de cette période s’adressent, en général, aux fidèles et traitent de la doctrine ou de la morale chrétienne ; telles, la Didaché, les lettres de saint Clément, de saint Ignace, de saint Poljcarpe. Dès lors, cependant, l’ère des apologies du christianisme s’ouvre par le petit traité de controA’crse antijudaïque qu’est l’épître de Barnabe. L’élément apologétique est représenté par deux idées dominantes : l’annonce prophétique de Jésus-Christ et de la révélation chrétienne dans l’Ancien Testament, Bid., y.iv, i ; Barn., i, 7 ; v, 2, 13 ; vi, 7 ; I Clem., XVI, 2 ; Ignat., ad Magn.. iJi, 2 ; ad Philad., iv, 2, etc. ; Polyc. i, 2 ; V, 13 ; puis, idée déjà coiu-ante chez saint Paul, Gal., iii-vi ; Heb., m ss., etc., substitution à l’ancienne, inqjarfaite et temporaire alliance, de la nouvelle, parfaite et définitÎA’e, ^ « r « ., 11, 6 ; ix, 4 ; Ignat., ad Magn., viii ; x, 3 ; ad PItilad., vi.