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ROME ET L’ITALIE


c’est une autre affaire, et qu’il serait bien osé d’affirmer. Mais est-il admissible qu’Aquaviva (à qui l’on attribue ces Monita), ou tout autre général, ait pu recommander en secret par des instructions écrites, ce qu’il réprouvait ouvertement ? » (p. lxiv).

N’oublions pas ici qu'à la suppression des Jésuites, leurs papiers les plus intimes ont été saisis et fouillés avec passion par des ennemis avides d’y trouver de quoi justifier leurs accusations, surtout contre le gouvernement de l’Ordre. Leurs efforts ontété vains, et ceux qui depuis ont repris la même besogne dans les archives et bibliothèques publiques, n’ont pas mieux réussi. C’est l’observation que faisait l’auteur de l’article Jesuits dans YEncrclopædia Britannica (dernière édition), le D' R. F. Littledale :

« Les règles officielles et les Constitutions de l’Ordre sont en contradiction patente avec ces soi-disant

instructions ; car elles prohibent expressément d’accepter les dignités ecclésiastiques, sauf ordre exprès du pape, et, dès le temps du fondateur, Ignace, on sait quels obstacles la Société a mis à de telles promotions. Puis, en bien des cas, des instructions authentiques secrètes, provenant du général, et adressées aux supérieurs subalternes, sont tombées entre des mains hostiles. En bien des cas, elles donnaient des directions directement contraires à celles-là (celles des Monita). Dans aucun cas elles ne les corroborent. » (Tout ce passage a été remanié dans l'édition de 191 1 par le R. E. L. Taunton, qui qualifie le pamphlet a bold caricature of jesuit methods.)

Mais, tout en abandonnant ainsi à son mauvais sort le texte lui-même, ne peut-on en sauver quelque chose ? Ce même R d Littledale, qui le traite de faux, ajoute pourtant qu’il est substantiellement vrai. Ce n’est qu’une fiction, mais qui donne la forme de préceptes à des actes réels et aux principes qui les ont inspirés. Un autre Anglais, M. J. A. Symonds, confessait « qu’il était difficile de se prononcer sur ce code ésotérique ». Mais qu’a-t-on besoin d’un texte écrit ? demande-t-il. La politique des Jésuites n’a pas besoin d'être codifiée. « Mieux qu’un code, c’est une fonction biologique… Le feu quintessentiel, qui a soufflé un Eouflle de vie dans l'édifice des jésuites pendant deux siècles d’activité organique, était bien trop vivant et trop spirituel pour être condensé sur du papier. Un Paolo Sarpi pouvait s’expliquer cette absence de code-Mais le public grossièrement ignorant des lois évolutives dans la fonction des organismes sociaux ne pouvait arriver à comprendre que ce code n’existât pas. Des aventuriers fournirent l’objet demandé. Nous pouvons regarder les Monita sécréta des Jésuites comme un document forgé ex post-facta.t (Cité dans The Month, 181j3, p. 52). » Cette façon de prendre les choses est assez répandue (Seignobos, Revue des Cours et Conférences, 1901-1969 t. II, p. 458. A. Vollel dans la Grande Encyclopédie [critique dans Bernard, p. 32], PbUippson, la Contre-Révolution religieuse au xvi c siècle, p. 1 33).

M. G. Monod a essayé de ramener cette exégèse à des Ici mes à peu près acceptables. Les M. S., selon lui, ne sont certain* nient pas un recueil de préceptes à l’usage des Jésuites, mais « une satire des défauts et des vices qu’on pouvait leur ieprocher ; plus exactement, qu’un cerlain public, assez peu scrupuleux sur les devoirs de justice et la charité, leur reprochait. Celait la peinture » des moyens qu’ils étaient censés employer pour accaparer linflucnce et la richesse ». C'était un résumé de tout ce qui a^ait pu être allégué contre certains d’enlre eux, même par des pape* (?), des évêques, voire par des généraux de l’Ordre. Dans tel passage, M. Monod voit une exagération « ou plutôt une caricature » d’articles authentiques des Constitutions Bref, s’ils ont quelque valeur documentaire, c’est la valeur que peut avoir une satire caricaturale et de mauvaise foi. La mauvaise foi qui généralise les fautes individuelles — vraies ou fausses ; qui, de l’erreur d’un seul ou de quelques-uns, fait l’erreur de tous, et, d’un manquement occasionnel un manquement systématique, résultat d’une politique raisonnée ; qui, ne se résignant p&s à expliquer le succès d’une société jalousée, par l’emploi des moyen honnêtes, invente des intentions et des procédés inavouables Cela est de tous les temps, et l’Eglise elle même a été la victime de ces interprétations calomnieuses ; mais, à l’intérieur de l’Eglise, aucune société n’y a eu part plus large que la Compagnie de Jésus,

Voir Paul Bernard, les Instructions secrètes des Jésuites, cîans la Collection Science et Religion, 1903 ; — A. Brou, Les Jésuites de la Légende, Paris, 1906, T. I, p. 273-301 ; — P. Duhr, Jesuiten Fabeln, Fribourg, 1891, p. 45-66 ; - Van Aken, La Fable des M. S., Bruxelles, 1882, etc.

Alexandre Brou, S. J.


ROME ET L’ITALIE

Le traité du Latran et le nouvel Etat Pontifical.

I. — La situation préexistante.

Depuis le 20 septembre 1870, se trouvait aceontplie, en fait, l’annexion totale des anciens Etats temporels du Saint-Siège au royaume d Italie. I a Papauté avait donc perdu sa sou eraineté territoriale. C’est l’Etat italien lui-niêmequi prétendait statuer, désormais, sur les nouvelles garanties juridiques par lesquelles seraient sauvegardées, devant l’univers chrétien, l’indépendance et la liberté d’action spirituelle du Pontificat romain.

Le royaume d’Italie avait consacré au règlement de ce problème la loi fameuse du 13 mai 1871, dile

« loi des garanties ». Loi subdivisée en deux titres,

dont le premier (articles 1 à 13) a pour objet les prérogatives du Souverain Pontife, et dont le second (articles 1 4 à 19) détermine quelques-unes des conditions légales d’existence du catholicisme en Italie. C’est le litre premier qui importe directement à notre élude et dont nous devons relater ici les dispositions essentielles.

D’après la loi des garanties, le Pape continue de posséder les prérogatives, la dignité et l’inviolabilité d’une personnalité souveraine. Les attentais < t offenses que l’on commettrait contrelui serait punissables des mêmes pénalités que les attentais et offenses analogues que l’on commettrait contre la personne du Roi (articles 1, 2 et 3). L’Elal italien versera au trésor pontifical unerenle annuelle de 3 millions 225.000 lires, correspondant aux sommes qui figuraient, dans l’ancien budget pontifical, pour l’entretien des palais apostoliques et le traitement de leur personnel (article 4). Le Pape aura, non pas la propriété el la souveraineté, mais la jouissance des palais du Vatican, du I.atran et de la villa de CastelGandolfo, avec toutes leurs dépendances respectives (article 5). Toutes franchises et immunités sont garanties aux Conclaves, aux Conciles œcuméniqi 1 a, à chacun des organismes de l’administration pontificale et au libre exercice de l’activité de chacun d< s représentants de t 'autorité spirituelle du Fainl E (articles 6, 7, 8, 9 et 10). Aux ilipb mates accrédités par les Puissances auprès du Pontife rcruain et piT le Pontife iomain auprès des Puissances, l’Italie g ; >